Enfin je termine ce chapitre en citant ma collaboration avec Louis Kovalevsky qui
a conduit à la rédaction de l’article [Kovalevsky et Gosselet, 2016], où l’on propose la
construction d’un problème grossier quasi-optimal pour résoudre un problème
d’acous-tique moyenne fréquence (équation de Helmholtz) par la TVRC [Ladevèze, 1996].
La TVRC est une méthode de Galerkin-discontinue [Di Pietro et Ern, 2012]
anti-hermitienne couplée à une approximation de Trefftz indirecte [Weck, 2004; Gittelson et
Hiptmair, 2014]. Dans cet article, on remonte à la source du mauvais conditionnement
(la compacité de l’opérateur de Herglotz [Colton et Kress, 2001]) et par une procédure
parallélisée sur les sous-domaines, on montre que l’on peut contrôler le conditionnement
du problème dans un sous-espace au prix d’une légère perte de précision qui peut être
comblée si le sous-espace sert d’augmentation à un solveur de Krylov.
Sur les cas étudiés, on montre qu’en se fixant l’objectif de capturer 99,99999% de
l’énergie du problème, on restaure le conditionnement du problème (on passe de 10
20à
10
4) et la solution dans le sous-espace est de très bonne qualité (mesurée par le résidu). En
quelques itérations d’un solveur LSQR [Paige et Saunders, 1982], on obtient une qualité
supérieure à ce que donne un solveur direct sur le problème initial. De plus avec notre
pro-cédure nous stabilisons la représentation des pressions dans l’espace des amplitudes, ce
qui ouvre la possibilité d’exploiter cette information (normalement extrêmement bruitée)
pour l’ingénierie.
4 Vérification des calculs par décomposition de domaine
La vérification des calculs de mécanique est un point fort du laboratoire, notamment
grâce aux nombreuses contributions de Pierre Ladevèze autour de l’erreur en relation de
comportement, régulièrement enrichies depuis les premiers travaux [Ladevèze, 1975].
L’objectif est de donner des bornes supérieures et inférieures calculables de l’erreur
e = ~u−u
h~où u est la solution exacte (inconnue) du problème mécanique, u
hune solution
approchée (typiquement obtenue par élément fini), et ~⋅~ est une norme bien choisie. On
peut également s’intéresser à l’erreur sur des quantités d’intérêt, comme par exemple la
contrainte moyenne sur une zone ou un facteur d’intensité de contrainte en pointe de
fissure [Panetier et al., 2009].
S’il existe de nombreuses heuristiques permettant d’obtenir à moindre coût des
esti-mations efficaces de l’erreur, notamment à l’aide d’estimateur en régularité de contraintes
[Zienkiewicz et Zhu, 1987; Zhu et Zienkiewicz, 1988], les bornes rigoureuses s’appuient
sur la construction de champs duaux qui satisfont les équations d’équilibres. Suivant les
communautés, on parle de champs statiquement admissibles ou de résidus équilibrés.
Outre un calcul dual direct (à l’aide d’une formulation dédiée et d’un élément fini adapté
à H
div), ces champs équilibrés peuvent être obtenus par un post-processing de la solution
élément fini en déplacement.
Le post-processing de champ de contrainte admissible implique d’assurer l’équilibre
des tractions entre éléments et l’équilibre interne des éléments. Traditionnellement, le
premier point se traite à l’échelle d’un patch d’éléments partageant un noeud (star-patch)
et le second se traite par des calculs raffinés locaux sur le même patch [Parés et al., 2006;
Cottereau et al., 2009; Parés et al., 2009] ou sur les éléments [Ladevèze et Leguillon,
1983; Ladevèze et al., 2012b]. Bien que ces calculs aient des supports limités, leur grand
nombre, associé à la structure assez peu naturelle du star-patch (du point de vue logiciel),
conduit à des coûts de calcul non-négligeables, de l’ordre de ceux du calcul direct qui a
donné l’approximation dont on souhaite vérifier la qualité.
La première partie de mes travaux a donc consisté à montrer qu’il était possible, dans
un calcul par décomposition de domaine, de paralléliser l’étape du calcul de champ
sta-tiquement admissible. Ceci a permis d’obtenir une première borne supérieure de l’erreur.
Ensuite les travaux se sont portés sur l’amélioration de la borne. Ces études se sont
dé-veloppées au cours des thèses d’Augustin Parret-Fréaud et Valentine Rey dirigées par
Christian Rey,
4.1 Reconstruction parallèle de champs admissibles
Nous avons étudié dans quelle mesure il était possible de reconstruire des champs
globalement admissibles à partir des champs calculés naturellement au cours d’une
mé-thode de décomposition de domaine. Plus précisément, il s’agit de construire un champ
de déplacement ˆu ∈ KA(Ω) et un champ de contrainte ˆσ ∈ SA(Ω) où Ω est le domaine
global d’étude, KA(Ω) est l’espace des champs ayant la régularité H
1(Ω) et
satisfai-sant les conditions limites de Dirichlet et SA(Ω) est l’espace des contraintes satisfaisatisfai-sant
Reconstruction parallèle de champs admissibles 35
l’équilibre au sens faible, c’est un sous-espace de H
div(Ω).
Pour une partition deΩ en sous-domaines non-recouvrants (Ω
s), les propriétés
clas-siques des espaces cités montrent que l’admissibilité globale (sur Ω) est équivalente à
l’admissibilité locale (sur chacun desΩ
s) sous réserve de continuité des traces et des flux
normaux sur les interfaces.
Parmi les méthodes de décomposition de domaine, la construction de tels champs est
particulièrement simple pour BDD [Mandel, 1993; Le Tallec, 1994] et pour FETI [Farhat
et Roux, 1994]. En fait, il s’agit d’exploiter l’analyse faite par Daniel Rixen sur le rôle du
scaling dans les préconditioneurs [Rixen et Farhat, 1999b] dans un contexte différent.
Fondamentalement, il s’agit d’interpréter BDD et FETI comme la recherche d’un
point fixe où l’on alterne résolution de Dirichlet à déplacement (continu) imposé sur
l’in-terface et résolution de Neumann à effort (équilibré) imposé sur les inl’in-terfaces. La subtilité
est que ce point fixe n’est pas contractant, un solveur de Krylov doit être utilisé. Suivant
l’approche (BDD ou FETI) les champs continus ou équilibrés ne sont pas tous
directe-ment accessibles mais ils peuvent tous être reconstruits à coût nul. Cela est illustré sur la
figure 4.1 pour la méthode primale (BDD).
-+ coarse pb
F
IGURE4.1 – Illustration de la méthode BDD par un point fixe (non-contractant), en
réalité un solveur de Krylov est utilisé. La couleur correspond à l’état de contrainte.
En pratique, il faut prendre en compte le fait que les efforts d’interface ne sont connus
qu’au travers des réactions nodales. Afin d’appliquer sur chaque sous-domaine une
tech-nique de reconstruction séquentielle de champ admissible, on intercale une phase de
re-construction d’un champ continu d’intereffort générant le même travail. Tous les détails,
y compris la prise en compte des sous-structures flottantes, sont donnés dans
[Parret-Fréaud et al., 2010]. Malheureusement, cet article restait imprécis sur les précautions à
prendre en présence de points multiples, cela a été amélioré dans[Parret-Fréaud et al.,
2016]où l’on montre qu’il est nécessaire d’effectuer un échange entre voisins partageant
un point multiple avant de pouvoir reconstruire des champs équilibrés. Ce résultat permet
d’étendre les résultats de nos études aux méthodes avec contraintes primales FETI-DP
[Farhat et al., 2001] et BDDC [Dohrmann, 2003]. À l’occasion de cet article, on montre
également qu’il est possible d’améliorer le champ statiquement admissible en fonction
des différentes rigidités en présence.
Pour conclure cette section, nous avons montré que pour une famille de méthodes de
décomposition de domaine (BDD, FETI, BDDC, FETIDP), il était possible à tout instant
de calculer sans coût supplémentaire les champs suivants :
— u
Dun champ de déplacement admissible sur l’ensemble de la structure, et en
par-ticulier continu aux interfaces ;
— u
Nun champ de déplacement dont la contrainte associéeσ
Nest en équilibre (au
sens élément fini) sur l’ensemble de la structure.
σ
Npeut être utilisée comme donnée d’entrée à un algorithme de reconstruction de champ
équilibré ˆσ
N[Ladevèze et Leguillon, 1983; Ladevèze et al., 1993; Parés et al., 2006; Pled
et al., 2011] exécuté indépendamment sur chacun des sous-domaines.
À cet occasion, notons une contribution personnelle au calcul de champs admissibles
en séquentiel : la méthode STARFLEET [Rey et al., 2014b] qui revisite la méthode
d’équilibrage par élément [Ladevèze et Leguillon, 1983], en cherchant une mise en œuvre
efficace et en se laissant l’opportunité d’optimiser le champ reconstruit.
Les principales questions ouvertes concernant la reconstruction de champs en
paral-lèle concernent l’extension des méthodes précédentes à d’autres méthodes de
décomposi-tion de domaine comme les approches hybrides primales-duales[Gosselet et Rey, 2007]
ou les méthodes mixtes (Schwarz-optimisées).
Dans le document
Extension du domaine de la décomposition
(Page 34-37)