3.2 Conjecture de Lichnerowicz pseudo-riemannienne
3.2.3 Contre-exemples au-del` a de la signature lorentzienne
Nous en venons `a pr´esent au th´eor`eme 3.7, et `a la construction de vari´et´es pseudo-riemanniennes compactes, essentielles et non conform´ement plates. Pour simplifier, nous donnons juste un exemple de structure conforme es- sentielle de signature (2, 2), non conform´ement plate, sur le produit S1× S3
(l’exemple se g´en´eralise directement pour obtenir le th´eor`eme 3.7). On munit l’espace R4 de la m´etrique
g = 2dx1dx2+ x23(dx1)2+ 2dx3dx4.
Cette m´etrique est Ricci plate, mais pas plate. En particulier, elle n’est pas conform´ement plate. En fait, si W d´esigne le tenseur de Weyl, on calcule que W (∂x∂ 1, ∂ ∂x3, ∂ ∂x1, ∂ ∂x3) = 1 sur R 4.
Pour λ = (λ1, λ2, λ3, λ4), consid´erons la transformation lin´eaire diagonale
de R4 suivante :
hλ = diag(eλ1, eλ2, eλ3, eλ4).
C’est une transformation conforme pour la m´etrique g si et seulement si λ1+ λ2 = λ3 + λ4 = 2λ1+ 2λ3. Autrement dit : λ1 = −λ3 2 + λ4 2 (3.2) λ2 = 3 2λ3+ λ4 2 (3.3)
Nous voyons donc que g admet un groupe ab´elien de dimension 2 de transformations conformes.
Appelons h = diag(e−1, e−5, e−2, e−4), et ϕt = diag(e−t, e−t, 1, e−2t). Par (3.2) et (3.3), ce sont des transformations conformes de g, qui satisfont h∗g = e−6g et (ϕt)∗g = e−2tg. On note Γ le groupe engendr´e par h. Comme h est
une contraction lin´eaire, Γ agit librement, proprement et discontinˆument sur R4 \ {0}. La m´etrique g induit une structure conforme analytique [g], non conform´ement plate, sur la vari´et´e quotient M = Γ\(R4\{0}). Cette derni`ere
est diff´eomorphe au produit S1× S3.
Le flot {ϕt} centralise Γ, donc passe au quotient en un flot conforme {ϕt}
sur (S1× S3, [g]). Ce flot fixe point par point le cercle ∆ obtenu en projetant
R.e3\ {0} sur M . On v´erifie que pour t 6= 0, la diff´erentielle de ϕten chaque point de ∆ n’est pas unimodulaire : le flot {ϕt} est donc essentiel. En fait, si
x ∈ ∆, et si B ⊂ M est un petit ouvert contenant x, ϕt(B) converge lorsque
t → +∞ vers un segment de ∆. Le flot {ϕt} est par cons´equent fortement essentiel.
3.3
Un r´esultat g´en´eral de d´eg´en´erescence
Les r´esultats de la section pr´ec´edente rendent une classification des struc- tures pseudo-riemanniennes compactes essentielles assez hypoth´etique, si ce n’est impossible en signatures autres que riemannienne et lorentzienne. C’est pourquoi, il nous semble d’avantage r´ealiste d’essayer d’obtenir des ´enonc´es plus qualitatifs sur la dynamique du groupe conforme d’une structure essen- tielle. En particulier, on aimerait “lire” sur la dynamique d’une suite (fk)
de transformations conformes d’une vari´et´e pseudo-riemannienne compacte (M, g) s’il s’agit d’une suite d’isom´etries pour une m´etrique de la classe con- forme [g], ou s’il s’agit d’une suite de transformations essentielles. Les pro- pri´et´es d’´equicontinuit´e de la famille (fk) semblent jouer un rˆole important
`
a cet ´egard.
a) Rappelons que si (M, g) est une vari´et´e pseudo-riemannienne compacte, et si (fk) est une suite de Iso(M, g) qui tend vers l’infini, alors (fk) n’est
´equicontinue en aucun point de M . Cela d´ecoule essentiellement de la relation fk◦ expx = expfk(x)◦Dxfk, et du fait qu’une suite de O(p, q) qui
tend vers l’infini n’est jamais ´equicontinue en 0.
b) `A l’inverse, nous avons observ´e qu’une suite divergente (gk) de P O(p +
1, q + 1) avait une dynamique compl`etement diff´erente sur Einp,q: la suite est ´equicontinue sur un ouvert (dense), et il existe des ouverts de Einp,q qui sont “´ecras´es” sous l’action de (gk) sur des sous-vari´et´es.
Il s’av`ere qu’il n’y a pas de situation interm´ediaire entre les comporte- ments a) et b), au sens o`u des ph´enom`enes d’´ecrasement vont survenir d`es
qu’une suite (fk) de diff´eomorphismes conformes d’une vari´et´e pseudo-rieman-
nienne compacte tend vers l’infini dans Conf (M ), et est ´equicontinue en (au moins) un point de M . C’est ce que dit, entre autres, le th´eor`eme suivant qui est un panachage des th´eor`emes 1.1 et 1.2 de l’article [Fr12b].
Th´eor`eme 3.9. [Fr12b, Th´eor`emes 1.1 et 1.2] Soit (M, g) une vari´et´e pseudo- riemannienne compacte de signature (p, q) , p + q ≥ 3. Soit (fk) une suite
de diff´eomorphismes conformes de M . On suppose que (fk) est ´equicontinue
en un point x de M . Alors, quitte `a remplacer (fk) par une suite extraite,
on est dans exactement un des trois cas suivants :
1. La suite (fk) converge vers un ´el´ement f ∈ Conf (M ), la convergence
´
etant C∞.
2. Il existe un voisinage ouvert U de x, et un point z ∈ M , tels que fk(U )
tend vers z (la convergence de fk vers la fonction constante ´egale `a z
´
etant C∞ sur les compacts de U ).
3. (a) Il existe un voisinage ouvert U de x, une sous-vari´et´e totalement isotrope ∆ ⊂ M de dimension ≥ 1, et une submersion lisse f : U → ∆, tels qu’en restriction `a U , (fk) tend vers f pour
la convergence C∞ sur les compacts de U .
(b) Les fibres de f sont des sous-vari´et´es totalement g´eod´esiques con- formes, qui sont d´eg´en´er´ees (pour la classe conforme induite par g). Le radical isotrope de ces fibres a pour dimension le rang de f .
La notion de sous-vari´et´e totalement g´eod´esique conforme (telle qu’intro- duite dans [Fr12b]) correspond `a l’int´egrabilit´e de certaines distributions dans le fibr´e normal de Cartan ˆM . Pr´ecisons que g´en´eriquement, une structure conforme n’admet aucune sous-vari´et´e totalement g´eod´esique conforme de dimension > 1. Les ph´enom`enes de d´eg´en´erescence d´ecrits par le th´eor`eme ne peuvent donc avoir lieu que sur des vari´et´es sp´eciales (voir ´egalement la section 3.3.2).
Id´ees de preuve du th´eor`eme 3.9. — D´esignons par (M, ˆM , ω) la g´eom´etrie de Cartan normale model´ee sur Einp,q, associ´ee `a la structure conforme (M, [g]). Rappelons que ˆM est un P -fibr´e principal, o`u le groupe P = (R∗+ × O(p, q)) n Rn est le stabilisateur d’un point base ν sur Ein
p,q
. Par compacit´e de M , et quitte `a remplacer (fk) par une suite extraite, on
peut supposer que fk(x) converge vers un point z. On va maintenant choisir
ˆ
x ∈ ˆM dans la fibre de x, et consid´erer une suite d’holonomie de (fk) en x.
ˆ
z ∈ ˆM dans la fibre de z. Le point cl´e de la preuve est que l’´equicontinuit´e au point x se lit sur la suite d’holonomie :
Lemme 3.10. [Fr12b, Lemme 4.3] Soit fk : (M, g) → (M, g) une suite de
diff´eomorphismes conformes, x ∈ M tel que fk(x) converge dans M , et (pk)
une suite d’holonomie de (fk) en x. Alors (fk) est ´equicontinue en x si et
seulement si (pk) est ´equicontinue en ν ∈ Einp,q.
Il nous reste `a comprendre quelles sont les suites de P qui sont ´equiconti- nues au point ν. Il s’agit exactement des suites qui s’´ecrivent pk= m1(k)lkm2(k)
o`u (m1(k)) et (m2(k)) sont deux suites relativement compactes de P , et lk
est une suite du facteur R∗+× O(p, q) ⊂ (R∗+× O(p, q)) n Rn qui, de plus, est
relativement compacte dans End (Rn). Pour limiter les d´etails techniques,
nous ignorerons les suites (m1(k)) et (m2(k)), et supposerons directement
que notre suite d’holonomie (pk) est dans le facteur R∗+× O(p, q) ⊂ P . En
particulier, si l’on d´ecompose l’alg`ebre de Lie o(p + 1, q + 1) comme une somme n−⊕ R ⊕ o(p, q) ⊕ n+, o`u p = R ⊕ o(p, q) ⊕ n+, alors Ad (p
k) laisse le
sous-espace n−invariant et, quitte `a passer `a une suite extraite, sa restriction Lk `a n− converge vers un endomorphisme L∞∈ End (n−). Si L∞ ∈ GL(n−),
la suite (pk) est convergente. Comme l’action de Conf (M ) est propre sur ˆM ,
on obtient que (fk) converge vers f ∈ Conf (M ). On est alors dans le cas 1)
du th´eor`eme.
D´esignons par exp l’application exponentielle sur ˆM d´efinie par la con- nexion normale de Cartan (voir section 1.2.4). Comme le sous-espace n− est transverse `a p, les applications :
ϕ : u 7→ π(exp(ˆx, u)),
ϕk: u 7→ π(exp(ˆzk, u)), k ∈ N ∪ {∞}.
d´efinissent des cartes allant de voisinages de l’origine 0n− dans n−, sur des
voisinages de x (resp. zk) dans M . Sur des voisinages assez petits autour de
x, on a convergence C∞ de ϕk vers ϕ∞, et de plus :
fk= ϕk◦ Lk◦ ϕ−1 (3.4)
Cela montre la convergence C∞ de la suite (fk) vers l’application lisse
ϕ∞◦ L∞◦ ϕ−1 au voisinage de x. Lorsque L∞ est nulle, cette application
est constante ´egale `a z, et on est dans le cas 2) du th´eor`eme. Lorsque L∞
est non nulle (mais non inversible), ϕ∞◦ L∞◦ ϕ−1 est une fibration, pour
laquelle on comprend l’image et la g´eom´etrie des fibres via une analyse un peu plus soign´ee. C’est le cas 3) du th´eor`eme.