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Le contrat de séjour et son annexe : une avancée contrastée

Partie II) La conciliation entre liberté d'aller et venir et obligation de sécurité source

Chapitre 1) La nécessité de s'approprier les instruments de la loi du 2 janvier 2002

A) Le contrat de séjour et son annexe : une avancée contrastée

Dans un premier temps la loi de 2002410 crée le contrat de séjour (1). La loi ASV411

poursuit la reconnaissance des droits des usagers en consacrant d'une part la liberté d'aller et venir, et en formalisant d'autre part les restrictions par la création d'une annexe au contrat de séjour (2), née du décret du 15 décembre 2016412.

410Loi n°2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale, op.cit.

411Loi n°2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement, op.cit.

412Décret n°2016-1743 du 15 décembre 2016 relatif à l'annexe au contrat de séjour dans les établissements d'hébergement sociaux et médico-sociaux pour personnes âgées, J.O. du 17 déc. 2016, texte n°18.

1. Le contrat de séjour

L'article L.311-4 du CASF prévoit que le contrat de séjour est élaboré avec la participation de la personne accueillie. Il « définit les objectifs et la nature de la prise en charge ou de l'accompagnement dans le respect des principes déontologiques et éthiques, des recommandations de bonnes pratiques professionnelles et du projet d'établissement ou de service. Il détaille la liste et la nature des prestations offertes ainsi que leur coût prévisionnel ».

Le texte se révèle néanmoins insuffisant tant il introduit de l’ambiguïté en la matière. Pour commencer lors de l'entretien de la signature du contrat, il est prévu que le directeur élabore le document avec la participation du résident, puis recherche son consentement. Ce choix de terminologie s'expliquerait par la volonté du législateur de faire peser sur les EHPAD une obligation de moyens quant à obtenir l'accord de la personne âgée413. Alors que la conférence

2004 insiste sur la nécessité de faire participer le résident aux décisions qui le concernent, le texte renforce ici l'image d'une personne âgée incapable de comprendre les raisons de son accueil.

L'article L.311-4 du CASF prévoit ensuite que le futur résident peut choisir d'être accompagné par sa personne de confiance. Encore faut-il que les personnes âgées aient connaissance de ce droit légal414 et, si ce n'est pas le cas, que les EHPAD eux-mêmes leur rappellent l'existence de

ce droit. En effet selon les données de l'Observatoire national de la fin de vie, seuls 36% des résidents ont désigné une personne de confiance, et les EHPAD abordent la question de manière très hétérogène415.

L'article L.311-4 du CASF ajoute enfin que le médecin coordonnateur peut participer à l'entretien. Cette disposition a été ajoutée par la loi ASV en vue « d'assurer une meilleure prise en compte des droits de la personne accueillie et de ne pas faire peser sur le seul directeur de l'établissement la responsabilité de s’assurer du consentement »416.

413Mary (L.), L'annexe « sécurité » au contrat de séjour dans les établissements d'hébergement sociaux et médico-sociaux pour personnes âgées : un étrangeté juridique, RDSS, n°6, 29 déc. 2017, p.1111.

414Article L.311-5-1 du CASF.

415ONFV, Fin de vie des personnes âgées, 7 parcours ordinaires pour mieux comprendre les enjeux de la fin de vie en France, op.cit., p.24.

2. L'annexe au contrat de séjour

L'importance de l'annexe au contrat de séjour (annexe n°7) nécessite de reprendre in

extenso l'article la consacrant : « lorsqu'il est conclu dans un des établissements

d'hébergement relevant du 6° du I de l'article L.321-1, y compris ceux énumérés à l'article L.342-1, le contrat de séjour peut comporter une annexe, dont le contenu et les modalités d'élaboration sont prévus par décret, qui définit les mesures particulières à prendre, autres que celles définies au règlement de fonctionnement, pour assurer l'intégrité physique et la sécurité de la personne et pour soutenir l'exercice de sa liberté d'aller et venir. Ces mesures ne sont prévues que dans l'intérêt des personnes accueillies, si elles s'avèrent strictement nécessaires, et ne doivent pas être disproportionnées par rapport aux risques encourus. Elles sont définies après examen du résident et au terme d'une procédure collégiale mise en œuvre à l'initiative du médecin coordonnateur de l'établissement ou, en cas d'empêchement du médecin coordonnateur, du médecin traitant. Cette procédure associe l'ensemble des représentants de l'équipe médico-sociale de l'établissement afin de réaliser une évaluation pluridisciplinaire des bénéfices et des risques des mesures envisagées. « Le contenu de l'annexe peut être révisé à tout moment, selon la même procédure, à l'initiative du résident, du directeur de l'établissement ou du médecin coordonnateur ou, à défaut de médecin coordonnateur, du médecin traitant, ou sur proposition de la personne de confiance désignée en application de l'article L.311-5-1 ». La procédure est régie par l'article R.311-0-7 qui détaille les étapes du projet d'annexe et de son adoption.

Le CASF prévoit que les mesures ayant pour effet de restreindre la liberté de circulation et figurant dans l'annexe au contrat de séjour peuvent être révisées à tout moment à la demande du résident, du directeur de l'établissement ou du médecin coordonnateur, ou sur proposition de la personne de confiance désignée417. A nouveau, quid si la personne n'a pas désigné de

personne de confiance ? Un membre de la famille ou un proche avec lequel le résident entretient des liens étroits et stables ne peut-il pas légitimement être à l'initiative d'une demande de révision ? Le CASF prévoit que les restrictions individuelles inscrites dans l'annexe peuvent être réévaluées tous les six mois au moins418. Une telle durée paraît bien loin

des recommandations de la conférence de consensus.

417Article L.311-4-1 1° du CASF. 418Article R.311-0-9 du CASF.

La nature juridique contractuelle liant l'EHPAD au résident apparaît se transformer en une relation de pouvoir unilatéral au profit du directeur du fait de la nouvelle annexe sécurité419.

Cette remarque s'illustre à la lecture de l'article R.311-0-8 du CASF, lequel dispose que « en cas de force majeure et dans l'attente de l'aboutissement de la procédure mentionnée à l'article R.311-0-7, ou d'impossibilité manifeste pour le résident de signer l'annexe au contrat de séjour mentionnée à l'article L.311-4-1, le médecin coordonnateur et le directeur d'établissement ou son représentant, prennent provisoirement les mesures strictement nécessaires pour mettre fin au danger que le résident fait courir à lui-même par son propre comportement du fait des conséquences des troubles qui l'affectent […]. Ces mesures provisoires sont inscrites dans l'annexe au contrat de séjour et peuvent être révisées à tout moment ». La contrainte est donc sans le consentement du concerné et en dehors de la procédure prévue par l'article R.311-0-7. Ce texte pose non seulement question quant au respect des droits fondamentaux de la personne âgée, mais aussi quant à l'appréciation subjective de ces étapes dérogatoires qui relèvent du pouvoir du chef de l'établissement (quand l'impossibilité manifeste est-elle caractérisée ? Quelle durée maximale une mesure provisoire peut-elle atteindre ?420).

Aussi la création de l'annexe peut laisser perplexe. Favorise-t-elle la liberté d'aller et venir ou s'agit-il de justifier des pratiques dérangeantes au nom de la sécurité ?421. Certains auteurs

soulignent qu'en l'absence d'instance indépendante habilitée à contrôler les motifs de la contrainte, le risque d'abus est inévitable422.

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