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IV. ORIGINE ET ÉVOLUTION DE LA SECTION CRUSTALE DE JIJAL-PATAN-KIRU-KAMILA DE

IV.3. C ARACTÉRISATION ET ÉVOLUTION DES MAGMAS DE L ’ ARC DU K OHISTAN

IV.3.2. Evolution du magmatisme au cours de la subduction

IV.3.2.1. A- Contraintes temporelles sur l’évolution des roches du domaine « A »

Les roches de l’évolution géochimique A sont caractérisées par un enrichissement progressif en composante subduction depuis le groupe géochimique A1 jusqu’au groupe A5 (cf. § IV.3.1.2.A). Cet enrichissement est très vraisemblablement corrélé à l’évolution de l’activité de la zone de subduction au cours du temps. En effet, on peut supposer un rajeunissement des âges depuis le groupe A1 jusqu’au groupe A5. Les âges disponibles pour le domaine A sont peu nombreux et la signification de certains âges nécessite une discussion approfondie. Ces âges sont (Figure IV.26) :

- pour le groupe A1 (Kiru-2), un âge Rb-Sr (minéraux + RT) de ~88 Ma obtenu au cours de ce travail pour deux échantillons (cf. §IV.2.3.2) ;

- au niveau de la zone de transition entre les formations du groupe Kiru-1 (A3) et du groupe Kiru-2 (A1), un âge U-Pb de 107,7 ± 1,8 Ma obtenu pour un dyke de tonalite déformé (Yamamoto et al., 2005) ;

- à la base de la séquence de Kamila, dans un corps granitique intrusif au niveau des formations des groupes Kamila-1 (A4) et Kamila-2 (A5), un xénolite d’amphibolite daté à 110,7 ± 4,9 Ma (Yamamoto et al., 2005).

(1) Groupe A1 postérieur à 85 Ma (i.e. après l’intrusion du complexe de Chilas à ~85 Ma) :

Dans cette hypothèse, la période de construction de l’arc entre ~117 Ma et 85 Ma, achevée à ~85 Ma par l’intrusion intra-arc du complexe de Chilas, se prolonge par la formation de tholéiites « transitionnelles » (spectres de type 1, cf. §IV.3.1.1) représentées par les roches du groupe A1. Le groupe A1 correspond alors à un épisode de magmatisme relatif à une zone intra-arc ou arrière-arc, et, est associé à un contexte de formation plus mature que celui des groupes A2 à A5.

Bien que cette hypothèse soit envisageable en considérant que les signatures très appauvries du groupe A1 peuvent être interprétées comme une remontée de manteau asthénosphérique profond de type DMM lors de l’ouverture intra-arc, elle demeure en contradiction avec les contraintes géochronologiques existantes (âge de Chilas plus jeune que l’âge Rb-Sr de Kiru-2). Dans cette hypothèse, l’âge Rb-Sr à 88 Ma est fortuit et sans signification géologique.

(2) Groupe A1 mis en place à 88 Ma (= âge Rb-Sr obtenu) :

Dans ce schéma d’évolution, l’âge à 88 Ma est considéré comme un âge magmatique et la mise en place du groupe A1 s’effectue peu avant celle du groupe B3, associé à l’intrusion du complexe de Chilas à ~85 Ma. Le groupe A1 traduirait alors l’existence d’un nouvel épisode de magmatisme appauvri bien après le stade d’initiation du magmatisme d’arc à ~117 Ma, succédant ainsi à l’abondante mise en place de tholéiites d’arc associées aux groupes A3 à A5 et B1 à B2.

Un tel changement de régime pourrait être expliqué, par exemple, par une remontée de manteau asthénosphérique suivie d’un épisode de fusion lié à la décompression de ce matériel. Ce processus se produirait en remplacement de la fusion hydratée à l’origine des tholéiites d’arc formées précédemment. Une telle remontée de manteau au niveau de la zone de fusion des magmas d’arc pourrait être directement liée à la délamination des roches résiduelles riches en Fe à la base de la croûte d’arc (cf. §III.4), globalement effective pendant la granulitisation à ~96-91 Ma (Yamamoto et Nakamura, 1996, 2000; Anczkiewicz et Vance, 1997; Anczkiewicz et al., 2002). Dans cette hypothèse, la remontée de manteau pourrait être liée à l’enfoncement dans le manteau sous-jacent de la partie délaminée de la croûte.

Une autre possibilité pour permettre une remontée de manteau asthénosphérique de ce type est la rupture d’une portion de lithosphère subduite (« slab break-off »). Dans cette hypothèse, une telle remontée de manteau pourrait simultanément provoquer le métamorphisme granulitique et la délamination par érosion thermique de la base de l’arc. La rupture d’une portion de la lithosphère subduite permet de justifier l’interruption du magmatisme d’arc pendant la mise en place de groupe A1. Une reprise de la subduction est toutefois indispensable pour expliquer la mise en place ultérieure du magmatisme d’arc au niveau du complexe de Chilas.

subduction au sein de l’océan Néotéthys, telles que les roches du mélange ophiolitique de la suture de l’Indus (Hussain, 2005) (Figure IV.27a), les laves du Ladakh (Mahéo et al., 2004) (Figure IV.27b) et les laves ophiolitiques de type V2 de l’Oman (Godard et al., 2003) (Figure IV.27c), sont compatibles avec un tel modèle.

Cette hypothèse implique que l’âge Rb-Sr à 88 Ma obtenu pour le groupe A1 correspond à un âge métamorphique et non à un âge magmatique. Cet épisode métamorphique serait enregistré suite à l’ouverture du système Rb-Sr au cours du métamorphisme amphibolitique dans cette région, dont la courbe de refroidissement descend au-dessous de l’isotherme 550°C à 83 ± 1 Ma (âge Ar-Ar sur hornblende ; Treloar et al., 1990).

Parmi les trois hypothèses présentées ci-dessus, la première est rejetée, en particulier, sur la base des contraintes géochronologiques disponibles. Le choix entre les hypothèses (2) et (3) dépend de l’âge réel de mise en place du groupe A1. Si on considère que l’âge de 88 Ma obtenu au cours de ce travail correspond à un âge métamorphique, l’hypothèse (3) représente alors la solution la plus simple à envisager d’un point de vue géochimique et isotopique. Cette hypothèse est en partie en accord avec le modèle proposé par Khan et al. (1993, 1997), Bignold et Treloar (2003) et Bignold et al. (2006), qui suggère que les « amphibolites de type E » (caractérisées par des compositions isotopiques très appauvries et assez semblables au groupe A1, cf. §IV.3.1.2.C) représentent des formations « anciennes » dans l’évolution de l’arc et précèdent le stade de magmatisme tholéiitique s.s. Toutefois, il existe une différence d’interprétation entre les roches associées au groupe A1 et les « amphibolites de type E », en ce qui concerne le processus lié à leur formation. En effet, la corrélation observée depuis le groupe A1 jusqu’au groupe A5 (définissant le domaine d’évolution A, cf. §IV.3.1.2.A) traduit, dans notre hypothèse, l’évolution d’une même source qui s’enrichit progressivement en « composante subduction ». Par contre, les auteurs de la littérature (Khan et al., 1993, 1997 ; Bignold et Treloar, 2003 ; Bignold et al., 2006) suggèrent que les « amphibolites de type E » correspondent à des reliquats de la croûte océanique sur laquelle l’arc s’est construit, reliquats indépendants du magmatisme lié à la subduction.

Parmi l’ensemble des échantillons du groupe Kiru-2/A1 analysés au cours de ce travail de thèse, seul l’échantillon KG-44, localisé au sommet de ce groupe, présente des caractéristiques chimiques similaires aux « amphibolites de type E » (cf. §IV.3.1.2.C). L’absence de données isotopiques pour cet échantillon ne permet pas de vérifier avec certitude la présence d’un lien génétique entre cet échantillon et les « amphibolites de type E » ou avec le reste des roches du groupe A1 analysé au cours de ce travail. Il semble donc difficile de dire si la séquence de Kiru contient ou non des reliques de lithosphère océanique anté-arc. Toutefois sur la base des données de ce mémoire, il semble raisonnable de considérer que la totalité ou presque de la séquence de Jijal-Patan-Kiru-Kamila de l’arc du Kohistan a été formée en contexte de subduction intra-arc.

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