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V. Influence du transport des atomes sur la croissance de la couche

V.8. Contraintes résiduelles

La figure V-20 présente la variation de l’état de contrainte résiduelle dans les films d’aluminium, de chrome et de titane en fonction de l’angle d’orientation du substrat. En effet, on aurait pu utiliser l'angle d'incidence calculé ou l'angle d'inclinaison expérimental des colonnes, mais ils n’auraient donné qu’une translation des valeurs de contrainte sans apporter d’information complémentaire. L'angle d'inclinaison du substrat est par contre un paramètre pratique pour décrire facilement les substrats.

Figure V-20 : Contraintes résiduelles des couches métalliques (Al, Cr et Ti) en fonction de l’angle d’inclinaison du substrat.

Les niveaux de contrainte pour les substrats en face de la cible (α = 0°) sont compatibles avec des résultats trouvés dans la littérature : la couche d’aluminium présente une contrainte en compression, de l’ordre de -150 MPa (-60 à -80 MPa [202]). Le dépôt de chrome présente une

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contrainte en tension, de l’ordre de 350 MPa (200 - 400 MPa [195]). La contrainte du dépôt de titane est également en tension avec une valeur de 200 MPa (50 MPa [202]).

Avec l’augmentation de l’angle d’inclinaison du substrat, un angle critique situé entre 45 et 60° est observé, en particulier pour l’aluminium et le titane.

En effet, pour α > 60°, les contraintes des dépôts de titane chutent brusquement. Pour l'aluminium, la variation observée correspond à une transition de contraintes en compression à des contraintes en traction. Pour le chrome, ce comportement est moins évident et une autre description aurait pu être que la contrainte reste constante selon la précision des mesures. Toutefois, nous allons supposer que la décomposition précédente de l’évolution des contraintes en fonction de l’angle d’orientation du substrat en deux zones distinctes est correcte et justifiée par les observations des profils de contrainte des dépôts d'aluminium et de titane.

Le changement de comportement de la contrainte (compression/tension) ou la diminution de la valeur absolue de la contrainte en fonction de l’angle d’orientation du substrat ont déjà été observés [162] [203] [204]. La diminution du niveau de contrainte est expliquée par l'augmentation de la porosité, à savoir les vides inter-colonnaires [162] [179]. En effet, la densité des films GLAD est connue pour diminuer lorsque l’angle d’orientation du substrat augmente, et en particulier pour un angle supérieur à 60° [200] [205] [206].

Comme la contrainte induite dans les dépôts dépend en partie de l’énergie du flux incident puisque la contrainte dépend de la mobilité des adatomes [207] [208], la figure V-21 représentant la variation de l’énergie moyenne du flux incident en fonction de l’angle d’orientation du substrat sera employée pour expliquer l’état de contraintes dans les films.

Figure V-21. Variation de l’énergie moyenne (∆E moy) du flux incident en fonction de l’angle d’orientation du substrat par rapport à la cible.

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Dans cette étude, un seul dépôt a été effectué mais sur des substrats d’angle d’inclinaison différent. Cela signifie que la distribution initiale d'énergie d'éjection est la même pour chaque substrat et seule la configuration de transport avec les paramètres décrits dans les paragraphes V.2 et V.3 contrôlent l'énergie des particules arrivant sur les substrats.

Sur la figure V-21 on observe la variation de ΔE moy selon deux zones (α < 60° et α ≥ 60°) ce qui est en corrélation remarquable avec les mesures de contraintes expérimentales.

Dans la première zone (α < 60°), l’augmentation de l’énergie moyenne des atomes avec l’angle d’orientation du substrat coïncide parfaitement avec les changements d’état de contraintes observés préalablement. En effet, pour le chrome et le titane, la contrainte en tension augmente à des valeurs plus élevées, tandis que pour l'aluminium, la valeur de contrainte en compression diminue et tend à devenir en tension. Ceci s’explique donc par l’augmentation de l’énergie des atomes incidents.

Entre 45 et 60°, l’énergie des atomes diminue soudainement. Expérimentalement, cette diminution de la valeur de l’énergie moyenne correspond à une diminution brusque de la contrainte en tension dans le cas du chrome et du titane, et un changement de signe (compression en tension) dans le cas de l’aluminium.

Au-delà de 60°, on observe l’augmentation de l’énergie des atomes, en particulier pour l’aluminium et le titane, tandis que la contrainte reste à peu près constante. La valeur de contrainte dépend essentiellement des propriétés des matériaux, de la distribution des espèces pulvérisées et rétrodiffusées [209] et en particulier de la densité du dépôt qui diminue avec l’augmentation de l’angle d’orientation du substrat (figure V-15).

Dans cette étude, le procédé de pulvérisation est maintenu constant, notamment l’inclinaison du substrat par rapport à la cible permettant d’influencer l’énergie des atomes et d’augmenter les vides inter-colonnaires provenant de l’effet d’ombrage lors de la croissance. Dans la première zone (α < 60°) où la densité est encore élevée, le facteur principal de la variation des contraintes est l’augmentation de l’énergie des atomes incidents. Dans la seconde zone (α ≥ 60°), on constate une compétition entre deux phénomènes à deux niveaux : (i) au niveau des grains, l’augmentation de l’énergie des atomes conduit à une augmentation de la contrainte. On peut supposer qu’au niveau des colonnes polycristallines, le niveau de la contrainte est le même ; (ii) au niveau de la microstructure colonnaire, l’augmentation des vides inter-colonnaires permet une relaxation de la contrainte du film.

Des résultats précités, on peut déduire que les contraintes résiduelles ne sont pas influencées directement par l’angle d’inclinaison du substrat ou des colonnes. Par contre, les conditions de transport dans la phase gazeuse sont responsables de l’inclinaison des colonnes, de l’énergie des atomes incidents ainsi que de l’évolution de la porosité des couches. Ces conditions de transport dépendent de la géométrie de l’enceinte, et de la position dans l’espace des substrats par rapport à la source.

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V.9. Conclusion

Dans ce 5ème chapitre, l’étude est portée sur l’influence du transport des atomes incidents sur la croissance de la couche métallique inclinée. Le nombre de variables du système de pulvérisation cathodique a été réduit en utilisant une configuration spécifique du porte- substrat. Un seul dépôt a été élaboré pour sept angles d’inclinaison du substrat. En effet, l’orientation du substrat par rapport à la cible est la seule variable du système de pulvérisation pour chaque dépôt. Selon le critère de la mobilité des atomes, trois matériaux ont été sélectionnés pour cette étude (Al, Cr et Ti).

L’étude de la variation de l’énergie moyenne des atomes incidents nous a permis de déterminer les paramètres pertinents de la configuration du porte-substrat. Deux paramètres ont été identifiés :

1- la position du substrat (orientation et emplacement) par rapport à la cible, 2- l’effet d’auto-ombrage causé par les substrats voisins.

L’influence de ces deux paramètres est surtout prépondérante sur l’énergie des atomes incidents et sur d’autres propriétés de la couche.

Il a été demontré que les substrats peuvent recevoir une quantité d’atomes équivalente des deux côtés de la racetrack. Le signe de l’angle d’incidence barycentre (θ barycentre) permet de prédire le sens d’orientation de la microstructure colonnaire.

La distribution angulaire de l’angle d’incidence montre que le flux d’atomes d’aluminium est plus directif que le flux d’atomes de chrome ou de titane. Il a été démontré que l’angle d’orientation du substrat α, l’angle d’incidence résultant α rés des atomes et l’angle d’incidence barycentre sont complétement différents.

La comparaison entre les résultats de la simulation et ceux obtenus expérimentalement, a permis de révéler les points suivants :

- la simulation Simul3D reproduit très bien les microstructures colonnaires et elle prend en compte l’effet de gradient en épaisseur,

- la simulation avec Simul3D ne permet pas de prédire la surface du dépôt puisqu’elle ne prend pas en compte certains paramètres (notamment la cristallographie),

- la simulation de la croissance de la couche métallique confirme l’influence du transport des atomes incidents sur l’angle d’inclinaison des colonnes,

- la densité de la couche simulée pour les trois dépôts (Al, Cr et Ti) diminue avec l’augmentation de l’angle d’orientation du substrat,

- la rugosité des couches simulées d’Al, de Cr et de Ti augmente avec l’angle d’orientation du substrat,

Les propriétés des dépôts obtenus ont révélé plusieurs points ou zones critiques par rapport à l'angle d'inclinaison du substrat :

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- un angle critique à 60° a été défini lors de l’étude de l’évolution de l’épaisseur pour les trois matériaux (Al, Cr et Ti),

- un angle critique entre 45 et 60°, en particulier pour le chrome, a été déterminé au cours de l’étude de l’angle d’inclinaison des colonnes

- enfin, un angle critique à 60° a été déterminé après avoir étudié l’état des contraintes résiduelles dans les films métalliques.

Les conditions de transport des atomes de la cible jusqu’au substrat ont une influence forte sur la microstructure et les propriétés des films. Les paramètres impliqués étant nombreux et de différentes échelles de grandeur, cette influence est difficile à estimer facilement sans outils numériques. La simulation, quant à elle, permet de comprendre certaines évolutions voir d’en prédire certaines avec une bonne précision.