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1.4 Contraintes résiduelles

1.4.2 Contraintes microstructurales

Outre les contraintes thermiques inhérentes à la chaleur créée lors de l’évaporation des espèces atomiques au cours du dépôt, l’ordonnancement de ces atomes en réseaux cris-tallins, la réorganisation des plans cristallins en vue de minimiser les énergies d’interface et la réduction de densité liée à la croissance des grains peuvent amener à la création de contraintes internes. Doerner et Nix classent ces contraintes en deux grandes catégories [DN88] :

– les contraintes sur films très minces et discontinus, – les contraintes sur films épais et continus.

Le premier cas est celui des films dont l’épaisseur est de l’ordre de 10 nm. A ces dimen-sions, seules les énergies de surfaces et d’interfaces ont un effet sur une éventuelle courbure du substrat. Ces énergies de surfaces, dans le cas d’un film déposé sur substrat, induisent des contraintes de surface et d’interface dépendantes de l’aire de ces surfaces. Dans le cas isotropique, on aura [VMKW68] :

fi = γi+ Ai

dA (1.15)

avec γi la tension de surface et A l’aire de contact moyenne entre les différentes interfaces. Ainsi, la contrainte équivalente à celle qui serait présente dans le film pour que le substrat présente la même courbure est :

σ = f2+ f1− f0

tf (1.16)

avec tf l’épaisseur du film, f2 la contrainte de tension de surface libre du dépôt, f1 la contrainte de tension d’interface entre le dépôt et le substrat et f0 la contrainte de surface libre de la face arrière du substrat. Cette contrainte, pour des valeurs de f2+ f1− f0 = 0,5J·m−2 et une épaisseur d’environ 10 nm vaut environ 50 MPa. Des modèles plus com-plets sont exposés dans les travaux de Spaepen [Spa00].

Le deuxième cas est celui des films continus et homogènes. De manière générale, les contraintes introduites microstructurellement sont généralement en tension. Plusieurs mé-canismes inhérents au dépôt peuvent intervenir dans la création des contraintes internes :

– les effets cinétiques d’une croissance non équilibrée, – la croissance des grains,

– la disparition des lacunes atomiques, – la relaxation aux joints de grains,

– la contraction des vides aux joints de grains,

– les précipitations et transformations de phases liées aux impuretés.

Les effets cinétiques, mis en préambule dans la revue de Doerner et Nix [DN88], sont donnés comme étant une cause nécessaire à la formation de contraintes et ont été expliqués dans la sous-partie 1.2. Pour rappel : la cinétique de dépôt doit être supérieure à la cinétique de réarrangement des atomes de la surface pour créer des contraintes. Une deuxième considération cinétique à prendre en compte est la relaxation des contraintes. Ce phénomène est directement dépendant de la diffusion des espèces atomiques dans la couche mince et du niveau de contrainte présent : plus celui-ci est élevé, plus la relaxation sera importante. Cette relaxation des contraintes, suivant sa cinétique, peut ainsi être directement en compétition avec la génération des contraintes internes.

Les cinq autre mécanismes reposent sur une densification du matériau, autrement dit sur une contraction de la matière qui résulte en une contrainte en tension pour rester solidaire du substrat. Nous détaillons ici deux modèles : la croissance des grains et la disparition des lacunes atomiques (les plus courants lors des dépôts). La croissance des grains est un moteur pour la création de contraintes biaxiales en tension au sein du film. Comme cela a été détaillé dans le §1.2, la croissance des grains permet de minimiser l’énergie de surface. La densité des joints de grains étant plus importante que celle des grains, la croissance des grains impliquerait un rétrécissement volumique si la couche n’était pas solidaire du substrat : les contraintes sont donc en tension. La contrainte σxx

résultant de la croissance des grains dont la taille varie de L0 à L peut être exprimée en fonction de ces valeurs selon le modèle de Chaudhari [Cha72], dont la démonstration est en annexe A.1. σxx = σyy = 2 −E 1 − ν∆a  1 L − 1 L0  (1.17) avec E et ν le module d’élasticité et le coefficient de Poisson du dépôt, ∆a le volume des joints de grains appelés à disparaître par unité d’aire. Cette formule permet donc de calculer la contrainte ajoutée à la contrainte initiale pour un dépôt recuit dont la taille de grain a varié de L0 à L. En tenant compte de l’équilibre avec l’énergie de tension des joints de grains, et en la minimisant, le critère d’arrêt de la croissance des grains est effectif quand : 1 L01 L = 3γ (1 − ν) 4E (∆a)2 (1.18)

D’un point de vue cinétique, la cinétique de croissance des grains suit le modèle de Shew-mon [She69] :

dL

dt =

DΩ

kT δ∆P (1.19)

avec D le coefficient de diffusion du dépôt, Ω le volume atomique en m3·mol−1, k la constante de Boltzmann, T la température et ∆P la différence de pression hydrostatique

Figure 1.20 – Cinétique de la contrainte pour plusieurs tailles de grains initiales.

conduisant à une diffusion des joints de grains. Au final on a : dσ dt = 4E 1 − ν ∆a DΩ γ kT δL3 1 + 4E (∆a) 2 3γ (1 − ν)  1 L − 1 L0 ! (1.20) Cette équation traduit la variation de la contrainte au cours du temps : celle-ci est di-rectement dépendante des divers paramètres matériaux, et en particulier de la taille de grain initiale. La figure 1.20 représente une abaque des cinétiques de croissance des grains pour différentes tailles de grains initiales : on constate que plus la taille de grain initiale est faible, plus la cinétique de la contrainte sera rapide, et plus le niveau de contrainte sera élevé. Il faut noter que si les contraintes maximales atteignent, pour une taille initiale minimale de 1 nm, des valeurs de l’ordre du GPa (contrainte largement supérieure à la limite d’élasticité et à la contrainte à rupture de la grande majorité de métaux voire même des céramiques), cette théorie ne prend pas en compte l’écoulement de ces contraintes par relaxation aux joints de grains où simplement par écoulement plastique. Ce modèle donne des indices importants sur la capacité des dépôts à créer des contraintes pouvant atteindre plus de 1 GPa par croissance des grains jusqu’à l’équilibre, ainsi que les cinétiques asso-ciées. On peut retenir, outre les valeurs de contrainte très importantes, que les cinétiques sont très rapides, en particulier pour les grains dont la taille initiale est faible. Dans le cas où les contraintes dépassent largement les limites élastiques, il faut évidemment tenir compte de l’écoulement plastique de la matière et de la relaxation des contraintes.

Un autre mécanisme de génération des contraintes est l’annihilation des lacunes ato-miques au joints de grains. Les lacunes sont mobiles au sein du réseau, selon des processus diffusionnels identiques à ceux des atomes : les lacunes possèdent donc un coefficient de diffusion DL, dont la cinétique est régie par la loi de Fick (exprimée ici dans la direction x) :

2CL

∂x2 = 1

DL ∂CL

∂t (1.21)

avec CL la concentration des lacunes. Le modèle proposé par Doerner et Nix [DN88] est représenté en figure 1.21 et permet d’établir les conditions aux limites pour résoudre l’équation 1.21. Dans ce modèle, on considère que le joint de grain est perpendiculaire au dépôt et au substrat. Ainsi, les lacunes peuvent s’annihiler soit dans le plan du dépôt

C Ci Ci Cjdg C0 Joint de grain 0 L

Figure 1.21 – Concentration des lacunes au voisinage d’un joint de grain : modèle du joint de grain perpendiculaire au substrat.

(création de contraintes), soit à la surface libre du dépôt (réduction de l’épaisseur). On suppose dans notre cas l’apparition d’une contrainte biaxiale en tension, selon plusieurs hypothèse :

– L la taille de grain est grande devant le libre parcours moyen des lacunes par diffu-sion,

– C0 est la concentration de lacunes pour une contrainte nulle au joint de grain, – la concentration de lacunes au joint de grain CV est la valeur d’équilibre après

l’établissement d’une contrainte biaxiale σ. Les autres conditions aux limites sont les suivantes :

– conditions initiales : C(x, 0) = Ci et C(0, 0) = C0 (discontinuité entre la concentra-tion des lacunes du grain et la concentraconcentra-tion du joint de grain à t = 0),

– condition aux limites : C(∞, t) = 0.

On peut trouver en annexe A.1 le reste de la résolution de l’équation de Fick. La solution de cette équation (cf. équation 1.21) est la suivante :

σΩ kT =  Ci C0 − 1  1 − exp z2 erfc(z) (1.22)

avec z qui vaut :

z = 2E

1 − ν

ΩDL

LkT DV (DVt)

1/2 (1.23)

Pour les faible valeur de z, on peut écrire :

σ = 4E L(1 − ν)  Ci C0 − 1 DL DV  DVt π 1/2 (1.24) Doerner et Nix ont représenté, en figure 1.22, le niveau de contrainte en fonction du temps dans le cadre de cette théorie pour du Ni colonnaire dont la taille latérale des grains est 30nm et pour une concentration initiale de lacune de 1%. La diffusion des lacunes est un phénomène thermiquement activé. Plus la température est élevée, plus le niveau des contraintes dues à l’annihilation des lacunes est élevé, et atteint des valeurs de contrainte de l’ordre du GPa, et ce pour seulement 1% de lacunes initialement. Encore une fois, ce modèle permet de comprendre la capacité importante qu’ont les lacunes atomiques à

Figure 1.22 – Niveau de contrainte théorique pour une échantillon de Ni à 1% de lacune dans les grains, et pour une taille de grain de 30nm.

créer des contraintes d’un point de vue théorique, et ne tient pas compte de la limite d’élasticité des matériaux et de leur capacité à écouler ces contraintes par plasticité ou visco-plasticité.

Les autres modèles (la relaxation aux joints de grain [Hof66] et la contraction des vides aux joints de grain [RA75]), sont détaillés en annexe A.1. Une fois encore, les niveaux de contrainte peuvent atteindre environ 1 GPa et ne tiennent pas compte de l’écoulement plastique de la matière, mais permettent de rendre compte de la capacité qu’ont ces défauts à créer des niveaux de contrainte importants, et ce pour de faibles fractions volumiques initiales de défauts (environ 1%). Le modèle important à retenir est celui de la croissance des grains, car celle-ci conditionne les types de structures rencontrées. Suivant le type de structure, le type et le niveau de contrainte ne sera pas le même.

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