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Contraintes sur les concentrations H dans les péridotites à spinelle .1 Préservation des concentrations lors de la remontée

Chapitre VI : Conclusions générales

VI.1 Contraintes sur les concentrations H dans les péridotites à spinelle .1 Préservation des concentrations lors de la remontée

Les effets de la remontée dans la plomberie magmatique sur les concentrations en H des minéraux des xénolites ont pu être étudiés sur une série de xénolites du champ volcanique d’Eifel. Une variation intracristalline de concentration en H a été identifiée uniquement dans l’olivine (pas dans les pyroxènes coexistants). Ces profils de concentration en H permettent l’estimation des vitesses de remontée des magmas, avec dans le cas des péridotites de Eifel des vitesses estimées entre 3.5 et 12 m.s-1 (Denis et al., 2013). Les variations de ces estimations, toutes obtenues pour des magmas hôtes de type basaltique, montrent aussi l’importance (i) de l’estimation de la profondeur de la source, (ii) de la prise en compte du caractère anisotropique de la diffusion de l’H dans un cristal en 3-dimensions, ainsi que (iii) du choix des coefficients de diffusion expérimentaux de l’H. Une amélioration envisageable de cet outil serait l’utilisation de péridotites à grenat qui ont l’avantage de permettre d’estimer avec plus de précision que pour les péridotites à spinelle la profondeur d’équilibre. Pour les échantillons à grenat, un géobaromètre tel que Nickel et Green (1985) donne ainsi des pressions d’une précision de ± 0,2 GPa.

La particularité de l’étude de Denis et al. (2013) repose sur la détermination des concentrations en H de l’ensemble des NAMs des xénolites. Les variations de concentration en H de l’olivine indiquent le potentiel de l’olivine à être un outil d’étude des systèmes magmatiques, et attestent d’une dévolatilisation n’affectant que l’olivine. Les concentrations en H dans les olivines des xénolites de péridotite peuvent sous-estimer les concentrations mantelliques de ces olivines.

Les pyroxènes coexistants avec ces olivines présentent des concentrations en H homogènes. Cette observation est en contradiction avec les données expérimentales qui donnent des coefficients de diffusions similaires à ceux de l’olivine pour une température donnée (10−11–10−9 m2·s-1) (e.g., Demouchy et Mackwell, 2006 ; Ingrin et Blanchard, 2006 ; Farver, 2010 ; Hercule et Ingrin, 1999). Lors d’un changement de conditions d’équilibre, l’H dans l’olivine est échangé avec le milieu extérieur par diffusion ionique tandis que dans les

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Une première hypothèse pouvant expliquer cette dichotomie entre les concentrations en H des olivines et des pyroxènes se rapporte aux coefficients de diffusion de l’H déterminés lors d’expériences d’hydratation des NAMs, potentiellement non-applicables au cas de la déshydratation par diffusion ionique (différentes énergies d’activation ? différents mécanismes de diffusion ?). Une seconde hypothèse réside, elle, dans l’effet d’un paramètre autre que la température (ou d’une conjonction de paramètres) qui accélère la diffusion de l’H dans l’olivine et/ou la ralentit voire l’inhibe dans les pyroxènes. Afin de contraindre le processus de déshydratation des NAMs et d’ajuster les modélisations de diffusion ionique de nouveaux travaux expérimentaux sont nécessaires. Une première approche serait de contraindre quels défauts (ponctuels ou à une dimension) sont thermodynamiquement privilégiés lors de la déshydratation. Une autre approche serait la mise en place d’une expérience de déshydratation d’un agrégat (olivine + opx + cpx). Une telle expérience, présentant ou pas les mêmes variations en H des NAMs des xénolites, permettrait de cibler le paramètre ou l’ensemble de paramètres qui affecte la diffusion de l’H dans les différents minéraux.

VI.1.2 Combien y a-t-il d’eau dans l’olivine ?

La préservation des concentrations en H dans les pyroxènes permet hypothétiquement d’évaluer la concentration initiale (mantellique) d’H dans l’olivine coexistante via les coefficients de partage expérimentaux de l’H (Kdol/opx(H2O) et Kdol/cpx(H2O)).

Alors que le coefficient de partage de l’H cpx/opx semble être constant (2.1 pour la calibration de Bell et al., 1995) dans les échantillons de péridotite à spinelle remontés par des basaltes en contexte intracontinental, les rares coefficients expérimentaux applicables à cette gamme de pression sont moins élevés (Aubaud et al., 2004 : Kdcpx/opx(H2O) = 1.4, à 1– 2 GPa;1230 – 1380 °C ; Hauri et al.,2006 : Kdcpx/opx(H2O) = 1.2, à 1.2 – 1.6 GPa; 1185 – 1370°C). Ces coefficients expérimentaux sont le plus souvent obtenus dans des systèmes chimiques simplifiés pouvant entrainer cette différence. Une autre possibilité est liée au fait que ces expériences soient réalisées à saturation en H, ce qui n’est pas le cas dans le manteau sommital. Il est possible qu’un seuil proche de la saturation du système enclenche un mécanisme de diffusion différent dans certains solides cristallins affectant la solubilité de l’H dans ce solide. Cette perturbation des valeurs de coefficients de partage serait en cohérence avec les problèmes de modélisation des profils de déshydratation.

En se basant sur les coefficients de partage et les concentrations mesurées, on peut estimer la déshydratation subie par l’olivine. Le Kdol/opx(H2O) de 0.11, déterminé à 1 - 2 GPa et 1230 °C est le plus adapté au faciès à spinelle (Aubaud et al., 2004). Les rapports de concentration en H entre olivine et opx coexistants ont une grande dispersion (Figure VI.1). Cette variation caractérise une perte en H de l’olivine jusqu’à 90 % de la concentration initiale. Les concentrations en H des minéraux des harzburgites suggèrent que l’olivine perd

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plus d’eau que ceux des lherzolites. Dans cette thèse, les olivines analysées auraient majoritairement perdu 75 % de leur concentration initiale (soit un Kdol/opx(H2O) de 0.03) et aucune distinction n’est visible entre harzburgites et lherzolites (Figure VI.1).

Figure VI.1– Concentration en H des olivines (ol) en fonction de la concentration en H des orthopyroxènes coexistants (opx). Dans le cas de lherzolites et d’harzburgites à spinelle.

VI.1.3 Quel minéral contrôle l’eau dans le manteau ?

L’olivine composant majoritaire du manteau, contrôle les propriétés physico-chimiques du manteau. Or les concentration en H de l’olivine sont faibles, sa participation dans le budget de l’eau du manteau est limitée. Les pyroxènes, bien que participants dans une moindre mesure aux propriétés physico-chimiques globales du manteau, permettent par le couplage de leurs concentrations avec des coefficients de partage expérimentaux adaptés (pression, température, système chimique) d’évaluer le budget de l’eau dans le manteau. Il est alors possible de contraindre l’influence réelle de la présence de l’H sur les propriétés de la roche (e.g., anomalie de conductivité électrique).

Le budget de l’eau dans le manteau lithosphérique du faciès à spinelle, en absence de minéraux hydratés, est contrôlé par les pyroxènes. Généralement, le cpx a des concentrations en H deux fois plus élevées que l’opx (Denis et al., 2015), c’est pourquoi il contrôle le budget en eau dans le cas des lherzolites. Cependant, le cpx étant plus fusible que l’opx, des épisodes de fusion partielle modifient la composition modale de la roche (cpx < 5 % vol., i.e. harzburgites). À l’aide de modèle de fusion, la participation de chaque minéral dans le budget de la roche peut être estimée. En faisant varier dans ces modèles, la concentration en H initiales dans le manteau, ainsi qu’en utilisant la gamme de coefficients de partage de l’H, on

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Figure VI.2 – Pourcentage de participation des NAMs au budget de la péridotite (lignes fines se rapportant à l’axe de gauche) en fonction du taux de fusion d’après le modèle de Kostopoulos (1992) ; ainsi que les concentrations associées dans le clinopyroxène (cpx, en vert clair) et la roche totale (WR, en bleu claire) (lignes épaisses se rapportant à l’axe de droite). Pour un manteau initial contenant 52, 27, 18.5, 2.5 % d’ol (Fo% 89.1), d’opx, de cpx et de spinelle respectivement.

Dans le cas du manteau lithosphérique du faciès à spinelle en présence de minéraux hydratés (e.g., amphibole) le budget de l’eau est contrôlé par l’amphibole dès une proportion modale de 0,5 % d’amphibole dans une lherzolite (Figure VI.3a).

A priori la présence d’un minéral hydraté et donc d’un réservoir à H dans la roche

pourrait impliquer des concentrations en H dans les NAMs élevées. A l’inverse, l’amphibole pourrait pomper l’H du système lors de sa cristallisation ce qui se traduirait par des concentrations en H dans les NAMs plus faibles. Or les concentrations en H des minéraux de la péridotite n’ont pas de corrélation avec la proportion d’amphibole coexistante (Fig.VI.3b). Aucune observation ne suggère que l’amphibole n’hydrate ou ne déshydrate la péridotite adjacente. Cependant dans le cas particulier d’une lherzolite recoupée par une amphibolite (Fig.VI.3b ; TAH276-35) la concentration en H des NAMs est particulièrement basse (< 50 ppm wt. H2O pour les pyroxènes), l’effet de l’amphibole sur les concentrations en H des NAMs semble minime mais un biais d’échantillonnage ne peut être exclue.

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Figure VI.3– (a) Fraction des minéraux d’une péridotite à spinelle du budget en eau de la roche (WR),

ol : olivine ; opx : orthopyroxène ; cpx : clinopyroxène ; amp : amphibole. Calcul pour COH de 6, 200

et 400 ppm wt. H2O pour l’olivine, l’opx et le cpx, respectivement ; et 2 wt.% (20 000 ppm) H2O pour

l’amphibole, et pour un mode variant de 70 – 64.8 pour l’olivine, de 12 – 9.2 pour l’opx, de 18 – 16 pour le cpx et de 0 – 10 pour l’amphibole. (b) concentration en H dans l’opx en ppm wt. H2O en fonction de la quantité d’amphibole dans la roche ou, pour les échantillons composite, la quantité d’amphibole dans le filon. Verts : Ray Pic, France, orange : Maroc, violet : TAH276-35, Algérie.