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Contrôle de Transmission Multimédia Intercouches pour Réseaux WIFI . 23

5.1 Problématique

Dans le chapitre précédent, nous avons considéré le support d’une différencia-tion de services au niveau de la couche MAC afin améliorer la transmission de flots multimédias VBR. De cette manière on prend en compte les caractéristiques de l’ap-plication pour choisir le service le plus approprié au niveau de la couche d’accès au médium. Dans ce chapitre, on va étendre cette approche d’optimisation intercouches un cran plus loin, en essayant de choisir les meilleurs paramètres de transmission de la couche physique en fonction non plus uniquement des caractéristiques du canal de transmission mais aussi en prenant en compte les besoins des applications. La mise en œuvre de ces interactions est facilité par l’approche radio logicielle qui ouvre de nouveaux horizons. Avec la montée en puissance très rapide des machines, l’implantation logicielle devient une alternative attirante pour les fonctions de trans-mission d’information. Elle permet en effet une plus grande flexibilité par rapport aux solutions matérielles figées ; il devient possible de modifier n’importe quel pa-ramètre de transmission de manière dynamique. Évidemment, il faut veiller à ce que le coût de tels mécanismes reste en deçà du gain escompté pour leur utilisation. Ici, nous n’envisageons pas une optimisation conjointe de toutes les couches de la pile de communication, ceci est trop ambitieux étant donné la très grande complexité à mettre en œuvre et la diversité des expertises requises. Nous nous penchons plutôt sur le réglage de certains paramètres de la couche physique en fonction d’informa-tions en provenance de couches supérieures concernant les caractéristiques des flots à transmettre. L’approche classique consiste à optimiser chaque couche du proto-cole de transmission de manière indépendante aux autres couches. En l’occurrence, pour la couche physique, on vise en général à rendre le canal de transmission le plus fiable possible indépendamment des caractéristiques des données que l’on à trans-mettre. Lorsque le récepteur reçoit un paquet qui contient des bits erronés, il est automatiquement écarté et ne parvient pas à la couche liaison. La couche liaison de l’émetteur, en ne recevant pas d’acquittement va s’apercevoir de la perte du paquet et procéder éventuellement à une retransmission. Si un tel mécanisme est désirable pour des applications classiques comme la transmission de fichiers, il l’est beaucoup moins pour les applications qui ont des besoins en interactivité plus importants et qui peuvent tolérer un certain taux d’erreurs de transmission. En effet, certaines ap-plications multimédias utilisent des codages qui peuvent concilier soit un certain taux d’effacement de paquets soit un certain taux de bits erronés. Dans ce dernier

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cas, pour profiter de la robustesse du codage, il est nécessaire de faire remonter les paquets erronés à l’application et ne pas les rejeter dès la couche physique. C’est précisément ce type de solution que nous envisageons dans ce chapitre et dont nous discutons après un bref état de l’art des mécanismes d’optimisation inter-couches.

5.2 État de l’art : mécanismes d’interactions intercouches

L’architecture OSI [20] avec ses interfaces standardisées permet de simplifier l’élaboration des protocoles de communication en optimisant chaque couche de ma-nière indépendante des autres. Cependant, cette architecture est remise en cause avec les réseaux sans fil principalement en raison des caractéristiques du canal de trans-mission qui sont beaucoup moins prévisibles que dans le cas des réseaux filaires traditionnels. En effet, pour réagir de manière efficace à de brusques changements de caractéristiques du réseau, il devient indispensable d’échanger des informations entre plusieurs couches à la fois, voire d’optimiser de manière conjointe différentes couches. Depuis quelques années, différentes études ont été menées dans cette op-tique, nous n’en citons ici que quelques exemples.

De nouvelles interactions entre la couche MAC et la couche physique des ré-seaux WIFI sont proposées dans les articles [27] et [84]. L’idée de base est de ren-voyer à l’émetteur des estimations sur les caractéristiques du canal de transmission pour choisir le mode de transmission [27] ou adapter la taille du diagramme de constellation de la modulation.

D’autres types d’interactions entre la couche réseau et la couche MAC sont pro-posées dans l’article [59] pour améliorer les performances du protocole de routage dans les réseaux ad-hoc. La couche MAC fournit à la couche réseau une indication sur la réception des trames de contrôle CTS et ACK afin qu’elle choisisse la route qui minimise la probabilité d’erreurs de transmission.

Des mécanismes d’optimisation entre la couche MAC et la couche application sont décrits dans l’article [31] pour transmettre de la vidéo robuste sur réseaux WIFI. Ces mécanismes incluent une nouvelle stratégie de retransmission de paquets au niveau MAC, un mécanisme de correction d’erreurs dans la couche d’application et l’utilisation d’un codage vidéo scalable pour adapter la compression en fonction de la bande passante disponible.

La nouvelle architecture en couches proposée dans le projet Européen

Mobi-leman vise à permettre aux protocoles implantés dans les différentes couches de

coopérer entre eux en partageant une information d’état du réseau, tout en mainte-nant une claire séparation entre les différentes couches de la pile de communication. Ces mécanismes sont proposées pour résoudre les problèmes de sécurité, support de qualité de services et gestion de l’énergie.

On peut noter également les efforts pour prendre en compte le co-design des différentes couches dans les standards récents comme CDMA2000, BRAN Hiper-LAN2 et 3GPP. L’IEEE dans le cadre du groupe d’étude MBWA (Mobile Broadband Wireless Access) étudie des mécanismes d’optimisation inter-couches pour accroître

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le débit de transmission et réduire la latence des communications.

5.3 Contributions : le mécanisme MORSA

Nous avons élaboré le mécanisme MORSA (Media-Oriented Rate Selection Al-gorithm) de sélection de mode de transmission pour les réseaux locaux sans fil 802.11 dont l’objectif est de s’adapter à la fois aux conditions du canal et aux carac-téristiques du média transmis. Cette section présente les principes de cet algorithme qui est détaillé dans l’Annexe D.

Ce mécanisme utilise des interactions entre la couche MAC, la couche appli-cation et la couche physique afin d’améliorer la transmission de flots multimédias qui sont robustes aux erreurs de bits sur le canal. Pour cette classe d’application, la qualité vidéo au niveau du récepteur résulte d’un compromis entre le débit et la fiabi-lité de la transmission. En informant la couche MAC que l’application peut tolérer un certain pourcentage de bits erronés, on peut modifier l’algorithme de sélection de mode de transmission pour qu’il prenne en compte non seulement les caracté-ristiques du canal de transmission mais aussi les celles des flots de données. Nous avons élaboré un mécanisme dans lequel la source a la possibilité de spécifier une certaine qualité de services (comme le débit de transmission et sa tolérance aux er-reurs de transmission binaire) afin que le récepteur puisse sélectionner le meilleur mode de transmission. Pour cela, la source inclut dans le paquet RTS une indication sur le taux de tolérance de BER supporté par l’application, ce qui permet au récep-teur, en fonction du rapport signal-à-bruit (SNR) du canal, de choisir le meilleur mode de transmission (débit, modulation, code correcteur d’erreur). On utilise pour cela l’algorithme de sélection de mode RBAR [27] que l’on a modifié pour prendre en compte la tolérance au BER. Le mode de transmission que l’on vient de calculer est alors envoyé à la source dans le paquet CTS et la source peut ainsi utiliser le mode de transmission optimal pour émettre ses données. Lorsque le paquet de don-nées arrive au récepteur, comme l’entête PLCP inclut une indication de tolérance de BER des données, le récepteur peut décider de laisser remonter les paquets erronés. L’algorithme que nous avons proposé peut utiliser le mécanisme d’accès EDCA de la norme IEEE 802.11e afin de distinguer les caractéristiques des différentes applications. Comme nous l’avons décrit dans la section 4.2.1, avec EDCA chaque station dispose de quatre files d’attente de priorités différentes. De cette manière, on peut distinguer jusqu’à quatre niveaux de tolérance aux erreurs de transmission.

Nous avons comparé les performances obtenues avec notre mécanisme avec d’autres algorithmes de sélection de débit pour un réseau local sans fil 802.11a.

Avec un flot vidéo qui tolère un BER de 10−3, le nouveau mécanisme permet un

gain maximal de 5 Mb/s sur le débit reçu ou d’accroître de 20 mètres la portée de la transmission.

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5.4 Discussion

Le but de cette étude est d’évaluer l’intérêt de faire interagir différentes couches de la pile de communication ensemble pour choisir les paramètres de transmission qui maximisent la qualité vidéo au niveau des récepteurs. En l’occurrence, nous avons évalué quel était le gain potentiel pour une application vidéo lorsque l’algo-rithme de sélection de mode prend non seulement en compte les caractéristiques du canal de transmission mais aussi celles du codage vidéo. L’algorithme que nous avons présenté fait interagir les couches application, MAC et physique pour choisir le meilleur mode de transmission. Il a été appliqué aux réseaux sans fil 802.11 mais la même idée peut très bien être adaptée à d’autres types de réseaux sans fil.

Dans le cas du 802.11, le mécanisme que nous avons élaboré nécessite des mo-difications aux standards. Pour pouvoir profiter de la robustesse du codage aux er-reurs, il est indispensable que les paquets qui contiennent des bits erronés puissent remonter toutes les couches protocolaires. Cela implique des modifications dans le standard. Tout d’abord, la couche physique ne doit pas les rejeter. Le code détecteur d’erreurs (CRC) au niveau de la couche MAC ne doit plus couvrir l’ensemble du pa-quet, mais uniquement les en-têtes MAC, IP, UDP et RTP. De plus, pour éviter que la couche transport ne rejette les paquets erronés, il faut invalider la détection op-tionnelle d’erreurs du protocole UDP. Enfin, il est souhaitable d’émettre les en-têtes MAC, IP, UDP et RTP avec le mode de transmission le moins sensible aux erreurs, comme c’est le cas pour l’entête de la couche physique (PLCP). Cela permet de rendre encore plus robuste notre mécanisme contre les erreurs de transmission. Par ailleurs, les paquets de contrôle RTS et CTS doivent être modifiés de manière à inclure le SNR (comme c’est le cas dans l’algorithme RBAR [27]) ainsi que l’indi-cation de tolérance aux erreurs et le mode de transmission optimal.

En ce qui concerne l’implantation du mécanisme, sa complexité est très faible, car l’algorithme peut utiliser des tables pré-calculées pour différentes valeurs de SNR et de tolérance aux erreurs de transmission. La plus forte contrainte est la nécessité de pouvoir distinguer différents types de flots, c’est-à-dire la disponibilité du mécanisme d’accès EDCA.

Bien qu’il semble peu probable que ce mécanisme se déploie un jour dans les réseaux 802.11 en raison d’incompatibilité avec les stations WIFI existantes, cette étude met en évidence un gain appréciable pour les applications robustes aux pertes et donc, l’intérêt d’intégrer ce genre de mécanismes inter-couches dans les nouveaux standards de communication sans fil.

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