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Contrôle de la puissance injectée

4 1 Forçage à champ de force aléatoire

4.1.1 Contrôle de la puissance injectée

Le principal inconvénient lié à la définition explicite d’un champ de force f est la difficulté à estimer a priori la puissance injectée dans le domaine. Si on considère un volume de fluide V, l’équation de l’énergie cinétique moyennée sur ce volume, s’écrit à chaque instant :

1 2  duiui dt  V =hfi(x, t)ui(x, t)iV− heiV, (4.2) en admettant qu’il n’y a aucun flux d’énergie cinétique aux frontières du domaine. En régime statis- tiquement stationnaire, c’est donc la puissance volumique moyenne injectée,hfi(x, t)ui(x, t)iV qui fixe le montant de dissipation dans l’écoulement. À viscosité fixée, la puissance injectée, inconnue a priori, fixe donc la taille des plus petites échelles de l’écoulement η=ν3/41/4, et conditionne implicitement

le respect de la contrainte de résolution spatiale pour une discrétisation donnée. Dans le cadre d’un forçage de turbulence tridimensionnelle homogène, Alvelius (1999) propose l’utilisation d’un forçage décorrélé en temps, qui permet un meilleur contrôle de la puissance injectée. On propose de préciser ce résultat en étudiant la réponse de l’écoulement lorsqu’il est soumis à un champ de force fi0(x),

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constant au cours du temps, et modulé par un bruit blanc s(t), décorrélé dans le temps. On se place ici dans le cadre des processus ergodiques, afin de simplifier les démonstrations, bien que celles-ci restent valables dans le cadre strict des processus statistiquement stationnaires. Cette hypothèse amène donc à confondre moyenne temporelle et moyenne d’ensemble (Cf. Goodman 1985, chap. 3, p. 60-67). On rappelle au préalable les propriétés d’un bruit blanc, à savoir :

1. Il est à moyenne nulle :

hs(t)ie =0 (4.3)

2. Sa puissance moyenne est finie et égale à la variance σ du signal : D

s2(t)E

e =σ (4.4)

3. Il est décorrélé en temps :

hs(t)s(τ)ie = σδ(t−τ) ∀(t, τ) (4.5)

Le signal s(t) étant décorrélé en temps, son échelle de temps caractéristique est infiniment petite (ty- piquement de l’ordre du pas de temps pour un signal numérique). On suppose donc que cette échelle de temps τf est plus petite que toutes les échelles de temps de l’écoulement, et en particulier l’échelle de temps associée aux structures dissipatives :

τf < ν

e

1/2

(4.6) À partir de cette hypothèse qui sera vérifiée ultérieurement on peut estimer la puissance de la force qui apparaît dans l’équation de l’énergie cinétique (4.2). En effet, la variation rapide du terme de forçage conduit à évaluer le champ de vitesse comme solution de l’équation de la dynamique simplifiée :

dui

dt (x, t) = fi0(x, t)s(t) (4.7)

En intégrant ui(x, t)dans l’équation (4.7), et en multipliant la valeur obtenue par fi(x, t), on obtient une estimation de la puissance Pf de la force :

Pf(x, t) = fi0(x, t)ui(x, t)s(t) ≈ fi0fi0(x)

Z t

t0

s(t)s(τ) (4.8)

On peut en déduire une estimation de la puissance moyenne injectée : D Pf E T (x) = D Pf E e(x) ≈  fi0fi0(x) Z t 0 s(t)s(τ)  e ≈ fi0fi0(x) Z t 0 hs (t)s(τ)ie ≈ fi0fi0(x) Z t 0 σδ(t−τ) (d’après (4.5)) D Pf E T (x) ≈ σ fi0fi0(x) 1t 2, (4.9)

1t/2 résulte de l’intégration d’un demi-Dirac et exprime la demi-unité de temps.

On peut donc réécrire l’équation (4.2), en régime statistiquement stationnaire, compte tenu du résultat (4.9) :

0≈ fi0fi0(x) V

1t

2 − hheiViT (4.10)

Dans ces conditions et aux dimensions près, le montant de dissipation est égal au carré scalaire de la force appliquée. Avec un forçage de cette nature, on peut donc estimer a priori la puissance injectée dans le domaine.

Génération d’un bruit blanc dans un espace temporel discret

Pour obtenir un signal aléatoire vérifiant les propriétés de décorrélation temporelle exposées ci-dessus, on synthétise numériquement un bruit blanc. On considère donc un signal échantillonné au pas de temps ∆t. On choisit le pas de temps constant pour simplifier les notations, bien que la nature de l’échantillonnage n’affecte pas les résultats établis par la suite. On considère un signal s(t)formé d’une suite aléatoire de coefficients αi, générée à partir d’une distribution aléatoire de forme quelconque, à moyenne nulle et de variance σ. On peut écrire s(t) comme une fonction en escalier sur les divers intervalles d’échantillonnage :

s(t)|[nt,(n+1)t[=αn (4.11) On vérifie immédiatement que s(t)vérifie (4.4). Ce signal est également décorrélé en temps. En effet on observe que : ∀t0 s(t)s(t0) =    α2n si t0∈ [n∆t,(n+1)∆t[ αnαn0si t0∈ [n0∆t,(n0+1)∆t[ n0 6=n, (4.12)

ce qui permet d’obtenir, par passage à la moyenne d’ensemble :

∀t0 s(t)s(t0) e =    α2n e =σsi t0 ∈ [n∆t,(n+1)∆t[ hαnieαn0 =0 si t0 ∈ [n0∆t,(n0+1)∆t[ n0 6=n (4.13) On définit une distribution de Dirac “numérique” δnum(t), qui est fonction nulle partout, sauf sur l’intervalle [0,∆t[. Sur cet intervalle, on fixe la valeur de la fonction à 1t/∆t (Cf. figure 4.1), de telle manière que les valeurs de la fonction restent sans dimension, et que son intégration temporelle soit unitaire. En utilisant δnum pour exprimer (4.5), on retrouve alors les propriétés de la décorrélation temporelle :

∀(t, t0) s(t)s(t0)

e=σδn(t) (4.14)

Les égalités établies précédemment sont donc compatibles au passage dans un espace discret.

Compatibilité avec le schéma numérique utilisé

Pour une résolution par différence finie, la représentation de la distribution doit être cohérente avec le schéma numérique et exprimer les mêmes propriétés. En effet, on va résoudre l’équation de la dynamique, et non l’équation de l’énergie. Il faut donc en particulier vérifier que la puissance moyenne de la force est finie afin que le calcul ne diverge pas du fait de la discrétisation. De la même manière que précédemment, on estime la puissance de la force, lorsque les équations sont résolues numériquement.

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0 ∆t

1t ∆t

t

Fig. 4.1 – Numérisation d’une distribution de Dirac. Fonction δnum(t)

Par cohérence avec le schéma défini dans l’équation (2.8), f sera définie au demi-temps intermédiaire, comme le champ de pression. La discrétisation de l’équation (4.7) donne :

un+1−un

∆t =f0sn+1/2 (4.15)

En multipliant la force au second membre par un+1/2= (un+1+un)/2 et en réutilisant l’équation (4.15) pour exprimer un+1 en fonction de un et sn+1/2, on obtient l’expression discrétisée de la puissance injectée sous la forme :

Pf = ∆t2 (fi20)

 sn+12

2

+uni fin+1/2 (4.16)

Par passage à la moyenne temporelle et en notant que huifiiT s’annule du fait de la décorrélation temporelle, on obtient finalement :

D Pf E T = ∆t 2 (f 2 i0) D sn+12 E T (4.17)

Par comparaison avec l’équation (4.9), on constate qu’il sera nécessaire de spécifier la valeur de la grandeur fi0/

∆t plutôt que celle de fi0 pour obtenir les caractéristiques voulues du forçage. L’étude du deuxième terme du second membre de (4.16) montre que l’annulation en moyenne qui repose sur la décorrélation temporelle de f par rapport à u, sera d’autant mieux assurée si :

∆tν

e

1/2

(4.18) En simulation directe, on peut estimer la durée du pas de temps à partir de la contrainte de stabilité liée à l’intégration temporelle explicite des termes advectifs de l’équation de la dynamique. En assimilant la taille de maille à la plus petite échelle de longueur de l’écoulement η = ν3/41/4, et en estimant

la vitesse maximale atteinte sur le domaine par rapport à l’énergie cinétique turbulente moyenne K, le critère CFL u∆t

∆x ∼1 permet d’écrire :

∆t∼ η

K1/2 (4.19)

Après quelques développements, on peut montrer que : ∆t≈ν

e

1/2

oùRet=K2/νε exprime le nombre de Reynolds de turbulence. Ce résultat permet de montrer que la validité de l’équation (4.18) est assurée dès que le nombre de Reynolds de turbulence est suffisamment élevé (Ret>100 typiquement).