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Contrôle de l’expression des éléments répétés

Fgure 12. La méthylation de l’ADN au cours du développement.

3.4 Contrôle de l’expression des éléments répétés

Le génome humain est constitué pour moitié de séquences répétées (Mills et al. 2007). Il en existe deux types: les séquences répétées en tandem correspondant à l’ADN satellite principalement retrouvé au niveau des centromères et des télomères, et les séquences répétées dispersées correspondant aux éléments transposables répartis sur l’ensemble du génome. La plupart de ces séquences sont méthylées, et elles contiennent la majorité des cytosines méthylées du génome. En revanche, la méthylation de ces deux types de séquences a vraisemblablement des rôles différents.

3.4.1'Maintien'de'l’intégrité'du'génome'

Les éléments transposables sont répartis en deux catégories : les transposons et les rétrotransposons possédant une activité transcriptase reverse. La transposition de ces éléments représente une menace de l’intégrité des génomes de mammifères. Premièrement, leur activité est source de mutation par intégration dans les gènes. Deuxièmement, leur nombre et leur homologie peuvent permettre à des évènements de recombinaison entre chromosomes non homologues d’avoir lieu.

La méthylation de ces éléments répétés indique un rôle de la méthylation de l’ADN dans la défense des génomes contre ces éléments. La méthylation des rétrotransposons inhiberait ainsi la transcription et donc la réplication de ces éléments. Tandis que la méthylation des transposons pourrait empêcher les évènements de recombinaison d’avoir lieu. Cette hypothèse est appuyée par les observations effectuées dans les cellules ES mutées pour Dnmt1 qui présentent une instabilité génomique (Chen et al. 1998). De plus, les éléments IAP sont déméthylés et réactivés dans les embryons Dnmt1-/- (Walsh et al. 1998). Par ailleurs, la méthylation des

éléments transposables a lieu au cours de la gamétogenèse et nécessite DNMT3L. En effet, la délétion de Dnmt3l provoque une hypométhylation et une activité de transposition accrue (Bourc’his et Bestor 2004 ; Webster et al. 2005).

Bien que les mécanismes de méthylation des éléments transposables ne soient pas totalement résolus, il apparaît clairement que des petits ARNs de 25-30 nt appelés piARNs permettent l’établissement de la méthylation et le contrôle des séquences répétées (Aravin et al. 2007). L’analyse de la méthylation de l’ADN et de l’expression des piARNs dans des cellules germinales fœtales invalidées pour un gène de la famille Argonaute : Piwi montre une hypométhylation des éléments LINE-1 et IAP associée à une réduction de l’expression des piARNs (Kuramochi-Miyagawa et al. 2008). Ces résultats suggèrent que les piARNs sont requis dans la méthylation de

novo des éléments transposables dans les cellules germinales (Aravin et al.

2008).

3.4.2'Rôle'dans'l’établissement'des'structures'hétérochromatiques'

Outre les éléments transposables, le génome contient d’autres types de séquences répétées qui sont responsables de la mise en place des structures hétérochromatiniennes. C’est le cas, chez l’Homme et la souris, des régions péricentriques qui permettent de définir une architecture correcte des centromères nécessaire à la cohésion des chromatides sœurs et à la ségrégation des chromosomes au cours de la mitose et de la méiose (Probst et Almouzni 2011).

Chez la souris, les centromères et péricentromères représentent la majorité des domaines d’hétérochromatine du génome. Les centromères sont composés de nombreuses répétitions riches en A-T de 120 pb s’étalant sur près de 600 kb et appelées satellites mineurs (Choo et al. 1997), tandis que les péricentromères sont des séquences répétées adjacentes aux centromères appelées satellites majeurs. Ces répétitions sont également riches en A-T et le motif est long de 234 pb réparties sur plus de 2 Mb (figure 13 ; Vissel et al. 1989). Les répétitions de différents chromosomes sont capables de s’agréger à l’interphase pour former une structure compacte nommée chromocentre. Ces répétitions sont fortement méthylées et participent à la structure du chromocentre. En effet, le traitement de cellules eurythroleucémiques murines par la 5-aza entraine une réexpression des satellites mineurs et une décompaction des chromocentres (Bouzinba-Segard et al. 2006). La méthylation de l’ADN au niveau de ces

éléments répétés semble être conduite par l’environnement chromatinien. La délétion de Suv39h1 et Suv39h2, deux histones méthyltransférases, dans des cellules ES de souris provoque une diminution du niveau de méthylation de l’ADN et elle est associée à une activation de la transcription des répétitions (Lehnertz et al. 2003).

Par ailleurs, chez l’Homme, le syndrome ICF (Immunodeficiency, Centromeric instability, Facial anomalies) est une maladie génétique touchant le gène Dnmt3b et qui est caractérisée par une hypométhylation des répétitions péricentriques associée à une instabilité chromosomique (Elrich et al. 2008).

La méthylation de l’ADN joue également un rôle dans la formation du nucléole. Les cellules Dnmt1-/- présentent, en effet, une désorganisation du

nucléole (Espada et al. 2007). Or le nucléole est constitué de séquences répétées codant pour les précurseurs des ARNs ribosomaux et agrégées dans ce compartiment nucléaire spécialisé. Il a été montré qu’un ARN non codant interagit avec le promoteur de l’ADN ribosomal permettant ainsi le recrutement de DNMT3b et l’inhibition de la transcription des ARNs ribosomaux (Schmitz et al. 2010).

Figure 13. Structure des centromères chez la souris (Guenatri et al. 2004).

Les centromères sont constitués d’éléments répétés appelés satellites mineurs et satellites majeurs.

3.5'Rôle'de'la'méthylation'de'l’ADN'dans'le'corps'des'gènes'

Les profils de méthylation à l’échelle du génome ont permis de révéler qu’une quantité importante de méthylation de l’ADN est en fait localisée dans le corps des gènes (Lister et al. 2009 ; Laurent et al. 2010). Cette distribution est conservée à travers l’évolution et reflète probablement une fonction ancestrale de la méthylation de l’ADN (Feng et al. 2010 ; Zemach et al. 2010). La méthylation dans le corps des gènes est fréquemment retrouvée dans les gènes exprimés de façon ubiquitaire et elle est corrélée à la transcription (Ball et al. 2009). Bien que surprenantes, ces données sont cohérentes avec l’enrichissement de la marque H3K9me3 dans le corps des gènes (Vakoc et al. 2005). Une explication possible serait que la méthylation dans le corps des gènes régule l’efficacité de la machinerie d’élongation et empêche l’initiation de la transcription de promoteur interne alternatif (Maunakea et al. 2010).

Une autre fonction hypothétique de cette méthylation serait de réguler l’épissage via le recrutement du spliceosome par des MBPs. Par ailleurs, la méthylation de l’ADN pourrait permettre la modification des histones et altérer la position des nucléosomes. On sait d’ores et déjà que les marques des histones peuvent influencer l’épissage (Luco et al. 2010). Par ailleurs, des travaux supportent ces hypothèses en montrant un défaut d’épissage dans les cerveaux de souris mutantes pour MeCP2 (Young et al. 2005)