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Contrôle d'accès et notification

1. Du Media Space aux mediaspaces

1.3. Contrôle d'accès et notification

Figure 22. Interface de RAVE (extrait de [BM90])

1.3. Contrôle d'accès et notification

La liaison des espaces individuels par le mediaspace soulève de nombreux problèmes liés au contrôle de l'accès aux équipements audiovisuels. Très rapidement, les utilisateurs du mediaspace prennent conscience du danger que ces équipements peuvent représenter pour leur intimité et celle de leurs collègues.

Lorsque le système est introduit dans une petite communauté homogène, cette exposition de la vie privée peut être acceptée par les membres de la communauté. Ainsi, le premier Media Space n'offrait aucune possibilité de contrôle sur les connexions. Toutes les demandes aboutissaient et la seule protection offerte était la possibilité de débrancher les caméras et les micros. Cette solution, bien qu'efficace, est également radicale et était rarement utilisée. Pour l'appelant, il est en effet difficile de savoir si l'absence d'image ou de son est du à une panne ou à une volonté de l'autre personne, et lorsque l'on met au point un système géographiquement distribué, il est important de savoir localiser les pannes...

RAVE et CAVECAT ont été déployés dans des contextes sociaux plus complexes où se côtoyaient chercheurs et personnels administratifs. Dans ce type de contexte où la population est divisée en multiples sous-groupes, les utilisateurs souhaitent pouvoir contrôler plus finement l'accès à leurs moyens audiovisuels. Divers mécanismes de contrôle ont donc été mis en œuvre pour concilier accessibilité et vie privée.

La première méthode de contrôle utilisée dans les mediaspaces est la négociation explicite entre le système et la personne appelée, selon le principe du téléphone : "acceptez-vous l'appel de X ?". Si ce modèle offre un moyen simple pour contrôler les demandes de connexion, il crée également de nouveaux problèmes : comment savoir si une personne est là sans la déranger ? Comment refuser une communication sans vexer celui qui l'a demandée ? Ainsi, face à cette dernière question, les utilisateurs de Cruiser préféraient ne

pas répondre à un appel en laissant croire qu'ils étaient absents, plutôt que de devoir exprimer clairement le refus [CFKL92]. Ce type de réaction est le plus souvent lié au manque d'information sur l'identité de l'appelant et son intention. L'espace physique qui nous entoure nous fournit de nombreux indices visuels et auditifs qui permettent de juger de la disponibilité des autres personnes sans pour autant s'engager dans une communication directe. Ainsi, un simple coup d’œil à travers une porte ne perturbe pas la personne aperçue mais renseigne néanmoins sur son activité et sa disponibilité.

Les concepteurs et les utilisateurs de RAVE ont choisi de différencier le partage de bureau et le visiophone. Ces deux services sont pourtant identiques en termes d'utilisation des ressources audiovisuelles, puisqu’ils utilisent tous deux une liaison bidirectionnelle audio et vidéo. Le partage de bureau et le visiophone se différencient non pas par des critères techniques, mais par des critères d'usage : la durée de la communication et le type d'échanges attendu. La diversification progressive des services telle que nous l'avons décrite correspond à la reconnaissance de la diversité des usages. En nommant les usages observés et en les proposant comme services, les concepteurs du mediaspace offrent aux utilisateurs un moyen d'exprimer l'intention liée à une demande de connexion. Associée à l'identité de l'appelant, cette expression de l'intention donne à la personne appelée une indication du degré d'engagement attendu [GMM+92] (Figure 23) qui l'aide à décider de la suite à donner à la demande.

Figure 23. Classement des services par degré croissant d'engagement attendu

Dans Cruiser, comme dans le premier Media Space, toutes les connexions étaient réciproques, c’est-à-dire bidirectionnelles. La diversification des services a rapidement montré que cette réciprocité stricte est trop intrusive [CFKL92]. Dans le cas du coup d’œil par exemple, s'il est légitime que la personne contactée soit avertie que quelqu'un la regarde, l'apparition soudaine sur son écran de tous ceux qui jettent un coup d’œil peut s’avérer gênante. Divers mécanismes de notification ont donc été mis en œuvre afin de limiter le côté intrusif du mediaspace tout en maintenant les utilisateurs informés de l'activité du système.

Les notifications sont un ensemble de commandes déclenchées avant, pendant ou après l'exécution d'un service pour indiquer aux utilisateurs du mediaspace l'activité du système. Ces notifications peuvent prendre différentes formes : boîtes de dialogues, courrier électronique, traces dans un fichier, sons échantillonnés ou synthétisés, etc. L'utilisation du son se révèle particulièrement intéressante puisqu'il permet d'informer efficacement l'utilisateur sans monopoliser son attention [Con97]. Ainsi, RAVE permet d'associer des sons usuels échantillonnés aux différents services, tel que le bruit d’une porte qui grince pour les coups d’œil ou un déclenchement d'appareil photo lorsqu'une image est numérisée pour la vue d'ensemble.

La notification peut combiner des aspects visuels et auditifs pour recréer l'approche non intrusive du monde réel. Montage utilise par exemple un fondu d'images et une montée progressive du niveau sonore pour établir les connexions, évitant ainsi l'apparition soudaine d'une personne sur l'écran. La Figure 24 montre l’utilisation de cette approche progressive pour annoncer un coup d’œil. Le coup d’œil n’établit par défaut qu’une liaison vidéo bidirectionnelle, mais une icône de haut-parleur et un bouton "Visit" permettent aux deux personnes connectées d’ajouter une liaison audio ou de le transformer en liaison de type visiophone, dont la durée n’est pas limitée et qui offre des images plus grandes.

Figure 24. Fondu d'images pour annoncer un coup d’œil

(extrait de [TR94])

Associés à des mécanismes de contrôle d'accès, les notifications permettent de décrire des protocoles sociaux complexes tels que :

Accepter les demandes de visiophone venant des membres de mon équipe. Pour les autres, une confirmation est nécessaire. Pour les coups d’œil,

si je ne suis pas déjà connecté, montrer la personne ; sinon, je veux entendre un bruit de porte

RAVE propose ainsi une série de dialogues qui permettent à l'utilisateur de spécifier pour chaque service la liste des personnes autorisées à l'exécuter ainsi que les actions à effectuer au début et à la fin de la connexion (Figure 25).

Figure 25. Panneau de contrôle de RAVE pour le contrôle et la notification liés au service de coup d’œil. L’utilisateur est en train de choisir la liste des personnes autorisées à

demander ce service.

Plusieurs mediaspaces permettent également de choisir les règles à appliquer en indiquant le degré d’accessibilité voulu. Dans CAVECAT, les utilisateurs contrôlent ce degré d’accessibilité par une porte virtuelle (Figure 26).

Figure 26. Interface de CAVECAT

(Ontario Telepresence Project)

Selon l'état de cette porte, les demandes de connexion sont traitées différemment :

• si la porte est ouverte, toutes les demandes sont acceptées ; • si elle est entrouverte, les coups d’œil sont autorisés mais les

autres demandes nécessitent un accord explicite (il faut frapper avant d’entrer) ;

• si elle est fermée, l’accord explicite est nécessaire pour tous les services ;

• si elle est verrouillée, vous ne pouvez que laisser un message. Dans le même esprit, Montage utilise également la métaphore de la porte et propose : Accessible, Ne pas déranger, Fermé, Autre. Ne

pas déranger indique permet aux autres utilisateurs d'obtenir la

connexion s'ils insistent, tandis que Fermé correspond réellement à une porte fermée. Autre permet à l'utilisateur de laisser un message expliquant pourquoi il refuse les connexions.