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3.1.1 Accidentologie

En 2003, Lafont et Laumon ont montré l’influence de l’âge sur le risque de blessures graves ou fatales, à partir de l’analyse du registre des victimes d’accident de la voie publique du département du Rhône (60 000 victimes enregistrées de 2000 à 2003) (Lafont et Laumon, 2003). Une analyse plus récente du registre confirme l’accroissement du risque de blessures mettant en jeu le pronostic vital avec l’âge, et précise que les automobilistes de plus de 60 ans souffrent plus fréquemment de lésions thoraciques que les automobilistes plus jeunes. Si on considère des lésions au thorax moins graves, il est observé qu’il s’agit principalement de lésions osseuses : fractures de côtes et fractures du sternum, ces dernières étant fortement liées à des risques de contusion myocardique (Ndiaye et Chiron, 2009).

Ces analyses statistiques démontrent que malgré les améliorations technologiques apportées aux véhicules pour mieux protéger le thorax des occupants, en particulier le système airbag/ceinture avec prétensionneur et limiteur d’effort, les résultats ne sont pas encore suffisants. Une voie d’amélioration serait que les nouveaux dispositifs de protection des usagers d’automobiles aient une action personnalisée pour protéger de façon optimale l’ensemble de la population, en particulier les personnes plus âgées.

3.1.2 Mécanismes et critères de blessures thoraciques

Depuis les années 70, de nombreux essais sur corps légués à la science ont été menés dans le but d’établir une corrélation entre la déflexion thoracique et la gravité des blessures. Les travaux de Kroell en 1971 ont permis d’établir d’une relation statistique entre la compression (déflexion thoracique rapportée à la profondeur thoracique initiale) et la gravité de blessure aux thorax en choc frontal (Kroell et coll., 1971). La compression thoracique est devenue un critère de blessure réglementaire pour la prédiction des risques. Sur le mannequin règlementaire Hybrid III, la mesure de déflexion thoracique est réalisée sur un seul point du thorax, au milieu du sternum, et la valeur limite réglementaire a été définie sur la base des travaux de Mertz (Mertz et coll., 1991) : 50 mm de déflexion (22% de compression) pour un chargement avec ceinture.

Le critère basé sur la déflexion est directement lié aux risques de fractures des côtes (Kroell et coll., 1971), (Mertz et coll., 1991). Pour mieux estimer les risques de blessures des organes intra thoraciques, Lau et Viano ont proposé le « viscous criterion » basé sur la compression et la vitesse de déflexion (Lau et Viano, 1986). Selon les auteurs, ce critère doit être considéré pour des chargements générant des vitesses de déflexion entre 3 et 30 m/s, et par ailleurs ce critère est aussi mieux corrélé au risque de fractures osseuses. En dessous d’une vitesse de déflection de 3 m/s, Lau et Viano indiquent que la compression reste un bon critère pour la prédiction des risques de lésions des organes mous.

En 1998, l’analyse statistique d’une base de données d’accidents impliquant des limiteurs d’effort de ceinture (256 cas), a permis à Foret-Bruno et coll. (Foret-Bruno et coll., 1998) d’établir des relations entre le risque de fractures des côtes et l’effort ceinture, et ceci pour différentes classes d’âge. Les auteurs ont établi qu’une limitation de l’effort de ceinture épaule à 4 kN permettait de protéger 95% de la population de blessures graves (AIS3+ selon (AIS, 1990)).

Plus récemment et en vue d’améliorer la prédiction des risques de blessures thoraciques en choc frontal, en particulier pour divers mode de chargement, plusieurs équipes ont réalisés des expérimentations sur corps légués à la science pour décrire les mécanismes de la réponse au choc de la cage thoracique, (Kent et coll., 2003) (Kent et coll., 2005) (Kent et coll., 2006) (Kent, 2008) (Kent et coll., 2009) (Gabrielli et coll., 2009) (Vezin et Berthet, 2009).

Sur ce sujet, les auteurs s’accordent à dire que la déformation de la cage thoracique sous un chargement antéro postérieur se décompose en rotation des côtes par rapport aux vertèbres et au sternum, et en déformation des côtes. De plus, l’hypothèse selon laquelle une cage thoracique présentant des côtes initialement plus horizontales par rapport aux vertèbres, serait soumise à plus de déformation des côtes lors d’un chargement antéro postérieur, a été vérifiée par à l’aide d’un modèle en éléments finis par Vezin and Berthet, (Vezin and Berthet, 2009). L’ensemble de ces auteurs font l’hypothèse que les risques de fractures de côtes sont directement liés au niveau de déformation des côtes lors d’un chargement antéro postérieur du thorax (Vezin and Berthet, 2009), (Kent et coll., 2005).

3.1.3 Influence de l’âge

Il est bien établi que la tolérance à la blessure du thorax diminue au fur et à mesure que l’âge augmente (Kent et coll., 2003). Une personne âgée sera d’autant plus susceptible de souffrir de blessures importantes au thorax, principalement des fractures multiples de côtes, lors d’un accident de voiture.

Pourtant l’âge est un paramètre global et il semble important de définir son influence sur les paramètres intrinsèques expliquant la réponse mécanique du thorax aux chargements dynamiques : les propriétés des tissus biologiques (os, cartilage), la raideur et les butées articulaires costo-vertébrales et costo-chondrales, le morphotype du thorax (courbures du rachis, orientation des côtes).

La diminution de la masse osseuse avec l’âge est un processus universel et de manière générale, la résistance mécanique des tissus biologiques diminue à partir de 30-40 ans (Yamada, 1970), (Carter and Spengler, 1978), (Cowin, 2001). Comme l’illustre la synthèse de la littérature réalisée par (Zhou et coll., 1996), on observe une diminution de la limite à la rupture en traction de l’os cortical avec l’âge (Figure 16 ). De même, une diminution de la limite de rupture en traction du cartilage costal hyalin a été observée (Yamada, 1970). Par ailleurs, la perte osseuse modifie la structure des pièces osseuses. Plus spécifiquement, la diminution de l’épaisseur de cortical dans les sections de côtes lorsque l’âge augmente est clairement observée (Takahashi et Frost, 1966), (Kemper et coll., 2007). L’occurrence de fractures de côtes et de lésions au niveau des cartilages est directement liée à ces caractéristiques structurales et tissulaires altérées au cours du vieillissement.

Concernant l’influence de l’âge sur le morphotype du thorax, il est admis que la forme du thorax s’arrondie avec l’âge (Oskvig, 1999), (Gayzik et coll., 2008). D’une part, comme l’ont quantifié Gayzik et coll., la cyphose du rachis augmente (Gayzik et coll., 2008). D’autre part, comme décrit par Massoulie et Hammon (Massoullie et Hamon, 2002), le vieillissement s’accompagne d’une diminution de la raideur élastique des poumons, qui déplace la position d’équilibre de la cage thoracique vers une position d’inspiration chez les personnes âgées. Dans cette position, les côtes sont plus horizontales et l’angle du diaphragme est plus ouvert. Kent a quantifié cet effet de l’âge sur le relèvement des côtes dans le plan sagittal (Kent et coll., 2005), (Kent et coll., 2003).

On imagine facilement que ces modifications du morphotype du thorax avec l’âge seront directement liées aux risques de blessures. Si on se réfère aux observations sur les mécanismes de déformation de la cage thoracique sous un chargement antero postérieur (Vezin and Berthet, 2009), (Kent et coll., 2005), chez un individu avec une cage thoracique verticale, généralement un sujet jeune, ce chargement produira à la fois une rotation des côtes et de la déformation osseuse. Chez des personnes ayant une cage thoracique horizontale, généralement des sujets âgés, le chargement agit directement dans le plan des côtes et implique principalement une déformation osseuse (Figure 17 ). Ainsi, le relèvement

des côtes lié à l’âge implique une augmentation de la rigidité structurale de la cage thoracique et une diminution de la tolérance à la déflection thoracique. Ce dernier critère est directement corrélé à la gravité des blessures (Kroell et coll., 1971).

Figure 16 Limite à rupture de l’os cortical en fonction de l’âge. (Zhou et coll., 1996).

Figure 17 Mécanismes de

déformation du thorax en fonction de l’âge (Kent et coll., 2005)

3.1.4 Influence du genre et de l’indice de masse corporelle sur les blessures au thorax

La perte osseuse due au vieillissement est plus prononcée chez la femme, en particulier au moment de la ménopause, et peut s’avérer pathologique (ostéoporose). La modification de la structure des côtes et la diminution des propriétés à rupture des tissus osseux sont donc plus marquées chez la femme et ainsi les risques de fractures osseuses du thorax plus importants. A notre connaissance, l’influence du genre sur le morphotype du thorax n’a pas été quantifiée.

Par ailleurs, l’obésité (Indice de Masse Corporelle (IMC) supérieur à 30), a été associée à un risque accru de mortalité et un risque accru de blessures graves au thorax (fractures de côtes et contusions pulmonaires) (Mock et coll., 2002). De même, une relation significative entre le relèvement des côtes – et donc un risque accru de fractures de côtes - et l’IMC a été identifiée (Kent et coll., 2005), (Gayzik et coll., 2008). Une étude a mis en évidence une cinématique défavorable chez les sujets à fort IMC : plus grande avancée de la tête et du pelvis, rotation antagoniste du torse, grande déflection thoracique ; sans pour autant que

cela se traduise dans l’étude par des blessures plus graves (Forman et coll., 2009). Toutefois une étude plus récente montrerait des résultats différents : l’avancée pelvienne couplée avec la rotation antagoniste du torse impliquerait un glissement de la ceinture vers la partie la plus vulnérable du thorax et donc un risque aggravé de blessures graves au thorax (Kent et coll., 2010). L’influence de la corpulence sur le risque de blessure thoracique reste donc à éclaircir.

3.1.5 Modélisation personnalisée par EF

Comme déjà évoqué en introduction, la modélisation par EF du corps humain présente des potentiels intéressants pour la simulation d’impact et la prédiction de blessures.

Tout d’abord, ils offrent la possibilité d’évaluer des paramètres mécaniques locaux dans la structure anatomique humaine et potentiellement de définir des critères de lésions locaux. De façon générale, les premiers modèles de corps complet existants (HUMOS, THUMS, H-Model,) ont été validés pour la prédiction des lésions squelettiques dans des configurations de chocs diverses (Behr et coll., 2003)( Iwamoto et coll., 2002). Des modélisations détaillées de segments corporels ont permis de progresser dans la prédiction de lésions plus complexes. On peut citer le cas de la tête (Takkounts et coll., 2003) (Deck et coll., 2008)(Marjoux et coll., 2010), de l’abdomen (Ruan et coll., 2005), ou de la jambe (Arnoux et coll., 2008). Au niveau du thorax, la prédiction des fractures osseuses à l’aide d’un modèle en EF est basée sur des critères de rupture en contrainte ou en déformation et ce principe permet de prédire assez fidèlement ce risque de lésions (Song et coll., 2009) (Li et coll., 2010).

D’autre part, les modèles en EF offrent la possibilité de représenter assez facilement une population variée en termes d’anthropométrie et de caractéristiques des tissus biologiques. Cependant, dans un contexte de prédiction des risques de blessures en cas de choc, l’analyse ne peut être totalement personnalisée et un niveau de schématisation pertinent des variabilités inter individus et intra individu doit être trouvé afin de cibler des catégories de population spécifiques. Le pré requis pour cette schématisation est la connaissance des paramètres explicatifs de la variabilité inter individu. Dans un second temps, la personnalisation des modèles pour représenter la variabilité doit être évaluée, en particulier, la sensibilité de la réponse du modèle en fonction de cette personnalisation doit être vérifiée.

Cependant, l’expérimentation sur corps légués à la science ne permet pas d’observer les variabilités inter individus de la population adulte normale dans la mesure où il s’agit de sujets âgés et ayant souffert la plupart du temps de pathologies lourdes.

3.1.6 Observations in vivo dans le domaine du choc

Dans le domaine du choc, hormis les expérimentations datant des premières études appliquées à la sécurité des transports (Armstrong et coll., 1968) qui apportaient des connaissances nouvelles sur la tolérance au choc du corps humain, les expérimentations in

vivo se justifient par rapport aux expérimentations in vitro pour analyser l’influence de la

physiologie sur la réponse à un chargement dynamique - tonicité musculaire (Patrick, 1981), (Backaitis et St-Laurent, 1986), rattrapage d’équilibre (Robert, 2006) – ou bien pour évaluer la réponse de populations spécifiques - enfants (Sandoz B. et coll., 2011), (Arbogast et coll., 2009a), personnes âgées.

Parmi ces expérimentations récentes, celles qui sollicitent le thorax sont basées soient sur des chargements thoraciques en position allongée – de type massage cardiaque (Neurauter et coll., 2009), (Arbogast et coll., 2009b), ou kiné respiratoire (Bermond et coll., 2006) (Sandoz et coll., 2011), soit en décélération arrière (Dehner et coll., 2008) ou frontales sur chariot avec ceinture (Arbogast et coll., 2009a). Pour les décélérations frontales sur chariot avec ceinture, la sévérité de décélération (décélération maximale et durée) est choisie en deçà des décélérations enregistrées sur les attractions du type auto-tamponneuses (Arbogast et coll., 2009a).

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