• Aucun résultat trouvé

2.1. Problématique

Plusieurs substances chimiques organiques existantes (largement utilisées dans l’industrie et le commerce), nouvelles (sous-produits de procédés) ou émergentes qui pourraient se retrouver dans l’air ambiant des lieux de travail ne possèdent pas de VLEP (Brandys et Brandys, 2008; Mulhausen et al., 2006; Paustenbach et al., 2011; Scheffers et al., 2016; Schenk, Hansson, Ruden et Gilek, 2008). Par ailleurs, cette situation risque peu de s’améliorer. En effet, du fait entre autres des nouvelles technologies, le nombre de substances en circulation (p. ex. produits commercialisés, déchets et sous-produits de procédés et fabrication) ne cesse de croître, occasionnant entre autres l’apparition de nouvelles entités aux structures chimiques parfois (très) complexes et aux propriétés physico-chimiques particulières, comme c’est l’exemple de nanomatériaux (Borak et Brosseau, 2015; Gordon et al., 2014). De plus, avec l’amélioration incessante des méthodes analytiques (et technologiques), de plus en plus de substances organiques (p. ex. impuretés, métabolites,) jadis non détectées dans l’air ambiant du milieu professionnel, le sont maintenant, et souvent à de très faibles concentrations (EFSA, 2012; Gordon et al., 2014). Nous constatons donc actuellement un déséquilibre entre les ressources disponibles pour développer des VLEP et le nombre de substances nécessitant une telle évaluation (Whaley et al., 2000). Cette situation est particulièrement difficile pour les petites et moyennes entreprises qui, comme nous l’avons mentionné en introduction générale et au chapitre 1, sont très souvent désavantagées du fait de leurs ressources (financières et humaines notamment) limitées pour développer des VLEP internes ou du moins des stratégies de contrôle de l’exposition (Howard, 2005).

Plusieurs raisons sont évoquées dans la littérature pour expliquer le manque de VLEP pour un nombre impressionnant de substances dont spécifiquement le manque de données de toxicité adéquates (Borak et Brosseau, 2015; Debia et Krishnan, 2010; Ding, Schenk, Malkiewicz et Hansson, 2011; Drew et Frangos, 2007; Gordon et al., 2014). Il serait cependant impossible des points de vue pratique, économique et éthique, de réaliser des tests de toxicité pour chacune des substances en circulation et chez toutes les espèces pertinentes (ECETOC, 2006; Gordon et al., 2014; Mulhausen et al., 2006; Paustenbach et al., 2011; Vaughan et Rajan- Sithamparanadarajah, 2017; Whaley et al., 2000). Par ailleurs, le nouveau paradigme de la toxicologie valorise et recommande de plus en plus les solutions de rechange aux tests de

toxicité traditionnels (Adler et al., 2011; Bessems et al., 2014; NRC, 2007). C’est l’exemple des programmes ToxCast et Tox21 de l’agence américaine de protection de l’environnement (U.S. EPA – Environmental Protection Agency).

Ainsi, au cours des dernières décennies, un changement de paradigme s’est initié au sein de la communauté scientifique, prônant le remplacement des approches quantitatives classiques par des approches qualitatives d’analyse et gestion du risque sanitaire professionnel (ECETOC, 2006; Howard, 2005). Parmi les approches qualitatives proposées, énumérons celles basées sur les « kick-off levels » (DOHSBASE, 2014) et celles s’appuyant sur le concept de « bandes de dangerosité » (hazard banding). En ce qui concerne ces dernières, il s’agit notamment des approches de l’OEB (Guest, 1998), de « gestion graduée des risques » (control banding) (Scheffers et al., 2016; Vaughan et Rajan-Sithamparanadarajah, 2017; Zalk et Nelson, 2008) et celle de la priorisation du risque (Risk Prioritization) (ECETOC, 2004; Marquart et al., 2008). Or, ces approches qualitatives sont généralement axées sur la prescription de stratégies de contrôle de risque (p. ex. ventilation, contrôle de l’ingénierie, confinement). Notons cependant qu’un recours trop fréquent à ces approches au détriment d’approches quantitatives (basées sur des données) pourrait à long terme remettre tout le système en question du fait par exemple du manque de données de toxicité nécessaires pour les valider (Borak et Brosseau, 2015). Ceci, ajouté à l’utilité des VLEP mentionnée au chapitre 1, renforce la légitimité et la pertinence des approches quantitatives pour développer et établir des VLEP, même pour des substances ayant très peu ou pas de données de toxicité.

Ainsi, plusieurs initiatives ont été mises de l’avant au cours des dernières décennies pour explorer ou développer de nouvelles stratégies et approches quantitatives de développement et d’établissement de VLEP. La revue des données publiées indique cependant que contrairement aux substances irritantes, peu de recherches ont été effectuées pour le développement de VLEP pour des substances à effets systémiques (voir chapitre 1). De plus, la majorité des approches proposées était basée sur des indicateurs de dose externe d’exposition (p. ex. NO(A)EL). La dose interne est pourtant reconnue comme étant un meilleur indicateur de toxicité. Par ailleurs, l’évidence scientifique supportant l’association entre l’exposition aux substances chimiques organiques, notamment les composés organiques volatils (p. ex. vapeurs de solvants, peintures, colles, produits de nettoyage), et certaines maladies professionnelles (p. ex. irritations des yeux

et des voies respiratoires supérieures, effets neurologiques et respiratoires, cancers) n’est plus à démontrer (ACGIH, 2016; Austin, 2004; Kuwabara et al., 2007; Luan et al., 2006). La situation actuelle invite donc sérieusement à réviser les processus d’analyse et de gestion des risques sanitaires en SST, et à prioriser le développement de solutions de rechange pour la dérivation quantitative des valeurs limites pour l’exposition professionnelle.

2.2. Hypothèse de recherche

Une approche qui intègre l’information sur la structure moléculaire, les paramètres physiologiques de l’espèce et les modélisations de type « relation quantitative structure (ou propriété) -propriété » (QPPR (ou QSPR)) et pharmacocinétique à base physiologique (PBPK) permettrait de prédire des valeurs de seuils de préoccupation toxicologique pour permettre la caractérisation des risques sanitaires associés aux substances organiques sans VLEP.

2.3. Objectifs

La présente thèse a pour objectif de développer des seuils de préoccupation toxicologique pour permettre la caractérisation des risques sanitaires associés aux substances organiques sans VLEP en utilisant la structure moléculaire et la dose interne. Pour ce faire, trois sous-objectifs ont été identifiés, à savoir :

1- Prédire des seuils de préoccupation toxicologique pour l’exposition professionnelle aux substances chimiques organiques à effets systémiques;

2- Développer des modèles intégrés de type QPPR-PBPK prédictifs de la toxicocinétique et des doses internes des substances chimiques organiques;

3- À partir des doses internes et de la structure moléculaire, prédire des seuils de préoccupation toxicologique et développer des modèles prédictifs de valeurs limites, pour l’exposition professionnelle aux substances chimiques organiques.

Chapitre 3. Derivation of Occupational Thresholds of

Documents relatifs