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Il faut prendre en considération les changements du paysage entre la protohistoire et le Haut-Empire pour mieux comprendre la transformation du paysage sacré. Au IIeet Iers. av. n. è., nous avons affaire à un paysage dominé par des « oppida ». Jusqu’au Iers. de n. è., ce pay- sage a été remplacé graduellement par une organisation

À la fin de l’âge du Fer, nous voyons des changements profonds dans la société indigène. Un facteur important doit être identifié dans les structures hiérarchiques qui ont été mises en question par les événements du Iers. av. n. è. (par ex. la municipalisation, la colonisation, la monétisa- tion, les actions de César, les guerres, la conscription des Gaulois dans les armées romaines, le droit latin) ; ces processus ont catalysé l’intégration des indigènes dans

théonym/épith. Aix Apt Nîmes Glanum Vaison théonym/épith. Aix Apt Nîmes Glanum Vaison

Abianus / Avianus 1 1 - 1 - Lanovalus 2 - - - -

Accorus 3 - - - - Lauscos 1 - - - -

Act[---?] 1 - - - - Liber pater 2 1 2 - -

Aesculapius - 1 - - L]ucuttectus 1 - - - -

A[---]inenses 1 - - - - Luna - - - 1 3

Albiorix/-ca - 2 - - - M(…) 2 3

Almahae 1 - - - - Mars 5 6 4 1 9

Apollo - - 1 1 1 Mater Magna 1

Auribus [= Bona Dea, Roklosia ?] - - - 1 - Matres (cf. aussi épithètes) 3 - 1 - 11 Avicantus - - 1 Matîr/matrebo - - 1 1 - Belados 1 - - - - Meldios - - - 1 - Belesami - - 1 Mercurius 8 5 1 9 Belenos/Belinus 2 - 1 - Minerva 2 2 2 2 5

Bergonia 1 Mithras (Merc) - 1 - - -

Bona Dea 1 - 1 - N(…) d(eo) 1 - - - -

Borbanus/-manus 2 - - - - Nemausus 13 - - Boutrix - - - 1 Nymphae 5 4 5 - 5 Britovius/Bruatos - 1 - - - Obio - 1 - - - Ca[---?] 1 1 - - - Parcae 5 - 1 1 - Caudellenses 1 Proxumis 1 20 - 6 Ceilniios (?) 1 - - - - Roklosiae - - 1 Dexiva 3 - - - - ]ronea - 1 - - - Diana 2 - - 1 Serapis - 1 - - Divannos 1 - - - - Silvanus 4 15 9 8 5

Dulovio - - - 2 Sol Invicto (1)1 - 1 -

Epona - - 1 - Suleviae 1 1

Fatae - 1 2 - 1 Terra mater - - 1 - -

Fortuna - - 1 - 2 Ubelnae 1 - - - -

Gerudiatae 1 - - - - Ura, Urnia - - 2 - -

Giarinos 1 - - - - Uroicae 1 - - - - Glanis - - 1 - Uxovinus - 1 - - - Glanicae - - 1 - Valetudo - - - 2 - Hercules 2 - 8 - Vasio - - - - 7 Heros 1 - - - - Veator - 1 - - - Ialonus - 1 - - Ventus - - 1 - - Iboita 3 - - - - Vessaniae - 1 - - -

Isis - 4 - - Ves[ta / -saniae?] 1 - - - -

Iuno 1 7 1 1 Victoria (Aug) 1 - 1 - 2

Iunones - 1 1 Vintur - 2 - - 1

Iuppiter 15 10 5 3 6 Virolantia - 1 - - -

-Fulgur conditum - 3 3 - 1 Vogientae - 3 - - -

Vulcanus - - 1 - 2

Total n° dédicaces

85 72 97 41 83

Tableau 10. - Témoignages épigraphiques de théonymes dans les cités d’Apt et d’Aix-en-Provence, par comparaison avec Nîmes, Glanum et Vaison- la-Romaine – autres villes avec un panthéon de type « indigène » ; les colonies romaines à déduction assurée, avec en partie au moins de population allogène, comme Arles, disposent d’un panthéon plus « romain » (à Arles on trouve par exemple les dédicaces au numen et aux génies de l’empereur et de la colonie, mais il n’y a qu’un seul théonyme indigène (Cailarus, CIL XII 655) et aucune dédicace à Mars ou à Mercure).

Il faut mettre en relation les témoignages épigraphiques avec les représentations iconographiques (les sculptures, les bas-relief), mais là aussi il faut être prudent: premièrement, l’iconographie des divinités « indigènes », « gallo-romaines » peuvent provenir des représentations et des attributs typi- quement gréco-romains ; deuxièment, beaucoup de ces objets cultuels, comme des statuettes, pourraient provenir d’un contexte privé, par exemple d’un laraire.

les structures de l’empire.

Les acteurs de ce processus ne sont donc pas seule- ment les élites, mais une grande partie de la population, parce que ce sont eux (les vétérans, les commerçants, etc.) qui contestent la place traditionnel de l’aristocratie et le rôle des cultes existants ; et ce sont donc les élites qui répondent à cette menace.

Dans ce contexte on peut proposer que le culte proto- historique des héros-ancêtres, qui était très répandu dans la Provence, a été attaché aux groupes familiaux. Si c’est le cas, on peut supposer que le pouvoir des élites dans cette région était nettement fondé sur leur fonction reli- gieuse ; la restructuration des hiérarchies sociales et l’abandon des oppida peut être à l’origine de l’interrup- tion du culte des héros-ancêtres ; ce culte très politique était destinés à créer une identité collective et à maintenir la cohésion dans la communauté.

Donc, dès le Iers. av. n. è., pour préserver leur pouvoir socio-religieux, les élites ont probablement adopté plu- sieurs stratégies, entre autres la construction de mauso- lées monumentaux pour afficher leur pouvoir en milieu rural (donc un culte d’ancêtres au contexte très localisé – surtout entre 50 av. et 50 de n. è.). Le « culte » de l’em- pereur, dont le rôle évoque celui des héros protohisto- riques, est davantage destiné à organiser les rapports entre Rome et une cité provinciale ; comme nous avons vu, les flamines dans nos deux cités appartiennent à un petit groupe de notables et à Apt ils sont pour la majorité originaires des autres cités de la Narbonnaise.

Par conséquent, le culte impérial ne semble pas ouvert à la plupart des familles aristocratiques. Pour préserver leur pouvoir socio-religieux, les élites ont probablement contribué à fonder de lieux de culte susceptibles d’être frequentés par la population rurale tout en étant confor- mes à l’idéologie et aux mentalités du Haut-Empire ; les élites pouvaient s’approprier des conceptions divines dans lesquelles le peuple est souvent personnellement impliqué par l’intermédiaire de la prière et du vœu.

Ces (nouveaux) lieux de culte s’attachent à servir de point de repère aux communautés rurales et ont parfois été construits sur des propriétés privées. Un tel lien entre familles aristocratiques et culte des ancêtres à l’époque protohistorique expliquerait la raison pour laquelle on a reconnu autant de lieux de culte en Provence au début de l’Empire ; ceci contrairement à d’autres régions de la Narbonnaise où la plupart des cultes semble associée aux agglomérations, où les élites s’accordent pour une centra- lisation du pouvoir religieux. Ce choix des élites pourrait peut-être aussi expliquer pourquoi les chefs-lieux de nos deux cités n’ont pas développé de centres religieux importants (sauf probablement pour le « culte » de l’em- pereur) comme la plupart des autres cités de la Gaule romaine.

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