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Chapitre V . Etude géochronologique et géochimique du domaine TTG central le long du

V.I. Introduction et objectif de ce chapitre

V.2 Contexte géologique et localisation des échantillons

La Guyane Française est recouverte par une épaisse forêt tropicale, et une couverture latéritique compliquant sérieusement la tache du géologue. Les quelques rares affleurements apparaissent principalement le long des cours d’eau, qui érodent la latérite et mettent ainsi à nu les roches sous-jacentes. Autres points d’affleurement remarquables, les inselbergs (sorte

de dôme pointant au cœur de la forêt) et les « savanes roches » (clairières de roche) présentent une végétation éparse principalement composée d’espèces lithophiles (orchidée…), mais leur accès reste le plus souvent difficile. Les cours d’eau étant les voies de communication quasi uniques, le travail s’effectue donc principalement le long des fleuves. Les cours d’eau sont fortement sujets à des variations de niveau assez remarquables en fonction de la pluviométrie. Par exemple, sur le cours d’eau « la Mana », pendant la saison sèche les affleurements sont quasi continus, alors qu’en saison humide la remontée du cours d’eau peut s’effectuer quasiment sans apercevoir les sauts constituant les principaux affleurements (Fig.V.2). Le problème du géologue sera de trouver le bon compromis entre un niveau d’eau assez élevé permettant une navigation facile et un niveau d’eau suffisamment bas permettant de travailler dans de bonnes conditions. Pour notre mission le long de « la Mana », c’est la petite saison sèche du mois de Mars et d’Avril qui a été choisie. Les niveaux d’eau ont fortement fluctué lors de notre mission, avec des baisses rapides et des remontées tout aussi rapides du niveau de plusieurs mètres. Ce niveau d’eau important a coïncidé, lors de la montée et de la descente du fleuve, à la partie Nord de la coupe, entre Saut Sabat et les environs de Saut Fracas.

Figure V.2 : Variation du débit de « la Mana » au niveau de Saut Ananas, le point 1 représente la même zone sur les deux photos. Les photos sont prises à 5 jours d’intervalle. (Réf : MAN53 sur la carte présentée fig.V.4)

La coupe commence au niveau de Saut Sabat (Fig.V.3), où un pont routier sur la route reliant Cayenne à St Laurent du Maroni permet de franchir « la Mana ». Entre Saut Sabat et Saut Chien (Fig.V.3), la partie nord de la coupe est constituée par un ensemble de grés et de quartzite, avec des intercalations de conglomérats mono- ou polygéniques et de pélites. Cette formation a été décrite historiquement par Choubert (1960, 1974) et portait le nom de formation de Bonidoro. Milesi et al. (1995) définissent cette unité comme l’Ensemble

Détritique Supérieur (EDS). Cet ensemble détritique se dépose dans une série de bassins grossièrement alignés selon un linéament morphostructural majeur de direction à peu près est-ouest, « le Sillon Nord Guyanais ». Ces bassins de type « pull-apart » se sont formés en contexte décrochant sénestre (Ledru et al., 1991 ; Egal et al., 1992).

Figure V.3 : Carte géologique au 1/500 000 de la Guyane Française d’après Delor et al, 2003, les nombres inclus dans les carrés blancs se réfèrent à des échantillons antérieurs à notre étude et cités dans le texte.

Figure V.3b : Légende de la carte géologique au 1/500 000 de la Guyane Française présentée à la Fig.V.3.

L’analyse des faciès et de leur organisation sédimentaire indique un dépôt en milieu fluviatile, avec cependant des variations du contexte de dépôt suivant les bassins.

Sur notre coupe, c'est-à-dire le bassin de « la Mana », l’EDS se compose d’une succession de séquences grano-décroissantes constituées de :

- conglomérats et microconglomérats à stratifications en auge et à galets mal triés de quartz d’une taille inférieur à 5 cm.

- grés-quartzites légèrement feldspathiques, à stratifications en auge ou obliques soulignées par des minéraux noirs (oxyde de fer). Ces dépôts sont puissants (>5000 m) et monotones. Le milieu de dépôt est de type fluviatile à rivières peu profondes et non chenalisantes.

Selon Milesi et al. (1995) les transformations métamorphiques observées dans l’EDS sont très irrégulièrement développées. Les cristallisations statiques d’andalousite et de staurotide sont interprétées comme la marque d’un métamorphisme de contact à relier à la mise en place des granitoïdes contigus dont l’âge est estimé à 2083 Ma par Milesi et al. (1995).

L’EDS s’est donc déposé antérieurement à 2083 Ma. Les zircons détritiques les plus vieux collectés dans l’EDS donnent un âge moyen égal à 2127 ± 7 Ma (Milesi et al., 1995). Le sédiment correspondant a donc un âge maximum de 2127 Ma.

Quelques âges modèles en Sm-Nd sont disponibles pour l’EDS (Delor et al., 2003). (Fig.V.3) L’échantillon noté (5) (Fig.V.3) est une métapélite à 2 micas, l’âge modèle en Sm-Nd est de 2.14, et l’ε(Nd) est de -3.7, l’échantillon noté (7) (Fig.V.3) est une métapélite à biotite, l’âge modèle est de 2.14, et l’ε(Nd) est de -8.6, et un grés microconglomératique (échantillon (10b) (Fig.V.3)) donne un âge modèle de 2.14 et un ε(Nd) de -3.3. D’après Delor et al. (2003), une source crustale pré-Transamazonienne est nécessaire pour expliquer les valeurs ε(Nd)t négatives.

Entre Saut Chien et Saut Koumarou (Fig.V.4), « la Mana » s’écoule dans le domaine Trondhjémite Tonalite Granodiorite (TTG) central défini par Delor et al. (2003). La cartographie du massif central TTG lors de la réalisation de la carte géologique de la Guyane (1 : 500 000) a été principalement basée sur une campagne de géophysique aéroportée (Delor et al., 2003) avec quelques missions de terrain permettant de corréler les signaux géophysiques avec les différentes lithologies. Le massif TTG central reste un domaine peu connu et les quelques datations disponibles (Delor et al., 2003) sont principalement situées sur les bords du massif (Fig.V.3). L’échantillon (12) (Fig.V.3) est une granodiorite située au Nord du massif, les zircons de cette granodiorite donnent un âge de 2148 ± 4 Ma (TIMS). Pour la méthode Sm-Nd sur roche totale, l’échantillon (12) donne un âge modèle à 2.15 Ga et une valeur d’ε(Nd)t positive (entre +2.2 et +2.3).

L’échantillon (11) (Fig.V.3) voisin de l’échantillon précédent (12) donne des résultats similaires, un âge de 2146 ± 2 Ma pour les zircons (TIMS), et un âge modèle (2.15 Ga) et une valeur d’ε(Nd)t positive (entre +2.2 et +2.3). Ces valeurs d’ε(Nd)t positives, ainsi que les âges modèles (TDM) rhyaciens démontrent le caractère juvénile (1ere extraction du manteau) des granodiorites (Delor et al., 2003).

Une autre datation dans le sud du massif (Echantillon (23) : tonalite à biotite (Fig.V.3)) donne un âge à 2141 ± 8 Ma (zircons datés par la méthode Pb évaporation).

D’après Delor et al. (2003), la mise en place du domaine TTG central s’effectue en plusieurs étapes entre 2148 et 2120 Ma. Un volume très important de granodiorite se met en place à 2148 Ma (en orange foncé sur la Fig.V.3) et ensuite jusqu’à 2120 Ma une série de granitoïdes de type TTG se met en place à la périphérie du massif de granodiorite datée à 2148 Ma. Lors de notre remontée de « la Mana », aucune relation structurale entre le domaine central TTG et l’EDS n’a pu être observée et c’est seulement à partir de Saut Fracas (Fig.V.3) que nous avons pu observer le massif central TTG.

La lithologie observée au niveau de Saut Fracas est une tonalite (MAN68) (Fig.V.4) typique à quartz, oligoclase (An21-25), feldspath potassique (microcline) et biotite (XMg =0.61-0.64) (Fig.V.5A). Cette lithologie est identique pour la série d’affleurements précédents Gros Saut, c’est à dire pour Saut Grand Continent, Saut Topi-Topi, Saut Petit Continent, Saut Ti Papa et enfin Saut Patawa (Fig.V.4). Cette série de Sauts se succède sur une longueur d’environ 8 km. Aucune orientation tectonique ou magmatique n’a pu être observée sur ces affleurements. Le niveau d’eau de « la Mana » étant très haut, peu d’affleurements étaient visibles et les seuls observables présentaient une importante altération de surface masquant les structures. Au niveau de Gros Saut (MAN65) (Fig.V.4), la lithologie est très différente de celle rencontrée en aval. Il s’agit d’un granite de composition plus potassique que les roches échantillonnées précédemment. La paragenèse observée est du type feldspath potassique (microcline), oligoclase (An12-17), quartz, biotite (XMg =0.31-0.37), épidote, zircon et apatite (Fig.V.5B). Pour les sauts suivants, on retrouve la lithologie tonalitique de Saut Fracas (MAN68). De Saut Baboune à Saut Ikissi, les roches magmatiques présentent une foliation verticale de direction moyenne N045 (variant de N060 à N040). A partir de Saut Chapeau et jusqu’à la Crique Loubère, les foliations ne sont plus verticales, elles montrent des pendages vers le NW variant de 25° à 50°. La direction des foliations est globalement de N060. Certains affleurements présentent des amphibolites en enclave et en partie assimilées par la tonalite (Fig.V.6). A Saut Petit Bakou et Saut Grand Bakou, les foliations sont horizontales et leur direction varie de N100 à N120. De Saut l’Or Rosalie à Saut Ananas, les foliations sont N-S avec un pendage vers l’W (40° à 60°). A Saut Ananas, les directions de foliation sont globalement N-S, mais elles montrent des variations locales (jusqu’à N040). Différentes lithologies sont observées sur l’affleurement de Saut Ananas :

- la lithologie typique du massif TTG : une tonalite foliée à quartz, oligoclase (An23-25), feldspath potassique (microcline) et biotite (XMg= 0.39-0.43) (MAN53a) (Fig.V.5D).

- une lithologie basique à amphibole (XMg= 0.44-0.47), plagioclase (altéré) (An29-32) et quartz (MAN53d) (Fig.V.5E).

- des filons tardifs aplitiques (MAN53c) de composition semblable à la tonalite (MAN53a) associés à des filons de quartz tardif.

Figure V.4 : Carte géologique détaillée de la zone du fleuve « la Mana ». Les unités géologiques sont tracées d’après la carte géologique au 1/500 000 de la Guyane Française. Les échantillons représentés sur la carte correspondent aux échantillons étudiés dans la partie géochimie.

Figure V.5 : Photographie en lame mince (A) Tonalite MAN68 (B) Granite MAN65 (C) lithologie basique à amphibole MAN24 (D) Tonalite MAN53a (E) lithologie basique à amphibole MAN53d. Les photographies de droites sont prises en lumière polarisée non analysée (LPNA) et celles de gauches sont prises en lumière polarisée analysée. (amph : amphibole ; bi : biotite ; ep : épidote ; Fk : feldspath potassique ; pl : plagioclase ; qtz : quartz)

Les relations entre les lithologies sont difficilement observables et peu évidentes. La lithologie basique (MAN53d) forme des enclaves décimétriques à métriques dans la granodiorite (MAN53a). Les filons aplitiques sont sécants sur la foliation de la granodiorite. Entre Saut Ananas et Saut Grand Koumarou, les foliations sont verticales avec une direction E-W.

Dans le massif TTG central, la stratégie d’échantillonnage a été de sélectionner les échantillons régulièrement le long du transect afin d’avoir une contrainte géochronologique et géochimique sur l’ensemble du massif.

Au-delà de Saut Grand Koumarou, « la Mana » quitte le domaine TTG, et suit plus ou moins le contact entre le domaine TTG et une alternance de roches basiques à ultra-basiques. « La Mana » traverse successivement des domaines constitués de méta-andésites, de dacites, de rhyodacites et de rhyolites (Delor et al., 2003) (Figuré 34 sur la Fig.V.3) et des domaines principalement constitués de gabbros, de pyroxénites, de péridotites serpentinisées ; des diorites et des amphibolites sont associées à ce complexe (Barruol et al., 1978) (Figuré 25 sur la Fig.V.3). L’ensemble des roches basiques à ultrabasiques présente un métamorphisme amphibolitique très développé. De Saut Grand Koumarou jusqu’à la source de « la Mana » (au-delà de Degrad Blanc) les roches collectées sont principalement des amphibolites. L’amphibole se développe au dépend des minéraux ferro-magnésiens, et englobe les plagioclases (Fig.V.5C). Localement des tonalites sont associées aux amphibolites (MAN32, Saut des sept Ilets), mais les relations structurales entre ces deux lithologies sont difficiles à contraindre.

Les données structurales sont rares, et les relations entre les différentes lithologies restent difficiles à appréhender à partir des seules observations de terrain. L’étude géochimique et géochronologique des échantillons collectés le long de « la Mana » vise ainsi à mieux caractériser les différentes lithologies et leurs relations.

Figure V.5 : Photographie présentant des amphibolites en enclave (partie mélanocrate) et en partie assimilées par la tonalite.

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