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Contexte et questionnement

CHAPITRE 2 Etudes de la sismicité :

2.4 La jonction Alpes-Bassin Ligure

2.4.1 Contexte et questionnement

Je ne vais pas me lancer dans une synthèse sismotectonique de la jonction Alpes Bassin Ligure car tout, ou presque vient d‟être rassemblé dans la thèse d‟HDR de Christophe Larroque [Larroque, 2009]. Je vous invite d‟ailleurs à vous reporter à ce document très complet avant toute étude de la région. Je vais donc tenter de résumer les questions centrales qui ont animées mon travail sur la région. La brièveté de cette présentation va en choquer plus d‟un, tant le sujet est dense complexe, et toujours le sujet de controverses, même au sein de notre laboratoire.

Où sont les failles actives ?

Durant les derniers cent millions d‟années, l‟évolution cinématique de l‟ouest de l‟Europe était dominée par la convergence entre les plaques Afrique et Eurasie qui a entraîné la subduction de l‟Océan Téthys puis la collision des continents [Dercourt et al., 1986]. L‟évolution récente de cette zone aboutit à un puzzle de bassins (tels que le Bassin Ligure) et de chaînes (telles que l‟arc de Nice et le Massif de l‟Argentera) au sein de la zone de collision Afrique-Europe. La structure d‟ensemble de la région présente donc un fort héritage structural et des contrastes importants à l‟échelle de la croûte et de la lithosphère [Blundell et al., 1992; Thouvenot et al., 2007]. De nombreuses failles découpent la région, certaines s‟enracinent à la base de la couverture sédimentaire, vers 1 ou 2 km de profondeur, comme les chevauchements frontaux des arcs de Nice et de Castellane [Laurent et al., 2000], d‟autres traversent la croûte cristalline sur plusieurs kilomètres d‟épaisseur comme la faille Argentera-Bersezio. De nombreuses observations de terrain ont permis de montrer que les principales failles de la région ont été réactivées à plusieurs reprises durant cette longue histoire [Corsini et al., 2004]. En tant que sismologue préoccupée par l‟aléa sismique, la question centrale que je me pose est simple: où sont les failles actives et quels séismes peuvent elles générer ? La question est simple, mais malheureusement la réponse ne l‟est pas. En effet dans cette région, les observations morphotectoniques, sismologiques et géodésiques ne fournissent que très rarement des certitudes dans ce domaine. Les causes sont les suivantes :

le mouvement des plaques est extrêmement lent, comme le prouvent les récentes mesures de géodésie synthétisées par J.M. Nocquet [Larroque et al., 2008] ;

le taux d‟érosion relativement élevé efface souvent les traces morphologiques des séismes ;

les sédiments quaternaires sont rares ; la sismicité est diffuse … ou bien le parait.

Plusieurs projets ont été financés qui ont permis d‟avancer à petit pas dans la connaissance de l‟activité récente de la zone. En ce qui me concerne, j‟ai travaillé sur cinq projets sur cette zone. Le plus récent, le projet QSHA (Quantitative Seismic Hazard Assesment, projet financé par l‟Agence Nationale de la Recherche de 2005 à 2009), avait pour but de recenser les failles actives dans une petite zone „Terre-Mer‟ autour de la frontière italienne (Figure 2. 8), de proposer des scénarios de séismes et de simuler les mouvements du sol en utilisant des méthodes diverses [Virieux et al., 2009]. Une carte d‟identité de quelques failles a été établie grâce au travail d‟Oona Scotti (IRSN) et de Christophe Larroque (Figure 2. 9). Elle recense les divers indices d‟activité relevés par différentes études sur un même objet dans une zone géographique restreinte [Scotti et al., 2007].

Figure 2. 8 : Carte des failles potentiellement actives répertoriées dans le projet QSHA [Larroque et al., 2009]. Disponible sous http://qsha.unice.fr/WEB_WP2/index_Failles.php. Système d’information Géographique et cartographie : Jenny Trévisan.

Faille MARCEL :

Situation géographique sur la bathymétrie de la campagne MALISAR

Fiche descriptive

Contexte

géologique La faille Marcel se trouve au pied de la marge Ligure à environ 20 km au SE de Nice Longueur Environ 11 km

Direction

moyenne N 65E Pendage 80° N Cinématique Décrochement sénestre

Segmentation Non Point ouest 43,505N 7,514E Point est 43,567N 7,653E

Profondeur Mini Maxi : 15 km : 0

Indice pour la géométrie en profondeur

En surface les données de sismique et de sondeur à sédiment attestent d‟une faille avec un pendage subvertical.

En profondeur le mécanisme au foyer du séisme de 2001 montre un des plans nodaux avec un pendage de 40° vers le nord.

Profondeur sismogénique régionale 15 km Magnitude possible M=6,5 Sismicité

actuelle Séisme du 25/02/2001 (Ml=4,6) Séisme du 26/12/1989 (Ml=4,5) Sismicité

historique Non répertoriée

Mécanisme au foyer

Date et

magnitude strike dip rake

26/12/1989 Ml=4,5 231 36 -4 20/12/2001 Ml=4,6 243 41 74 Indices de déformation récente

Un escarpement sous-marin de quelques dizaines de mètres de haut est attribué au fonctionnement de cette faille.

Bibliographie

Larroque C., Migeon S., Beslier M.O., Mercier de Lépinay B., Sage F., Cattaneo A., Corradi N., Cuppari A., Marsset B. et L. Brosolo (2006). Aléa sismique et aléa gravitaire sur la marge nord du bassin Ligure : Résultats préliminaires de la campagne MALISAR 1. Réunion des Sciences de la Terre, Dijon 04-08 décembre 2006, Volume des résumés p. 88.

Compilation 2007 – C. Larroque (UMR Géosciences Azur)

Figure 2. 9 : Faille MARCEL : Exemple de fiche d’identité (projet QSHA, [Scotti et al., 2008]). Système d’information géographique et cartographie : Jenny Trévisan.

Récemment des datations isotopes cosmogéniques d‟échantillons prélevés dans le nord du Mercantour suggèrent une activité tectonique intense durant l‟Holocène ayant pu générer des séismes majeurs (M>7) [Sanchez et al., 2010a; Sanchez et al., 2010b].

Les séismes nous permettent-ils d’imager des failles dans cette zone ?

Les habitants de la région niçoise savent que le risque sismique n‟est pas négligeable dans la région mais la plupart ont oublié que de forts séismes capables de détruire des bâtiments ont eu lieu dans le passé (Figure 2. 10). Les événements les plus notables sont le séisme de Roquebillière de 1564 et le séisme Ligure de 1887. Ce dernier a atteint l‟intensité intensité IX dans certaines zones [Laurenti, 2006; Scotti et al., 2004]. Il engendré des destructions massives dans les villages de la côte Ligure italienne et plus de 600 victimes (Figure 2. 11).

Figure 2. 10 : Carte de la sismicité historique pour les événements d’intensité supérieure à VI (d’après les données SISFRANCE et le Cataloguo Parametrico dei Terremoti Italiani 2004). Extrait de [Larroque, 2009].

Figure 2. 11 : Photos de destructions dues au séisme Ligure de 1887. A gauche un village de la côte Italienne Ligure, à droite des campements installés dans la ville de Nice. Photos extraites du livre d’André Laurenti [1998].

De nos jours, la côte d‟Azur est régulièrement secouée par des séismes de magnitude modérée : 4 à 10 petites secousse par mois souvent imperceptibles, et un séisme plus fort (magnitude supérieure à 4.5) tous les 4 ou 5 ans. Le dernier séisme date de 2001, nous sommes donc en retard !

La qualité actuelle du réseau terrestre permet de détecter tous les séismes à terre de magnitude locale supérieure à 1.9. Dès que l‟on s‟éloigne des côtes, cette magnitude de complétude diminue. Deux catalogues de sismicité existent en France : celui du laboratoire de Géophysique (LDG) du Comissariat à l‟Energie Atomique (CEA) et celui du Réseau National de Surveillance Sismique (RéNaSS). Chaque catalogue est bâti à partir d‟un réseau de stations différent, de modèles de vitesse différents et d‟algorithmes de localisation différents. Il est ainsi naturel que les cartes de sismicité obtenues ne soient pas identiques (Fig 2.12). Un troisième catalogue existe en France, celui du Bureau Central Sismologique Français (BCSF) qui combine des données du CEA et du ReNaSS et propose de nouvelles localisations et donc … une nouvelle carte. Si l‟on affiche les trois cartes de la sismicité de la région, que l‟on joue un peu sur les échelles et que l‟on ne se soucie pas des incertitudes, on peut entrevoir de vagues alignements de la sismicité. Cependant, les travaux sérieux montrent que pour l‟instant aucun alignement significatif n‟a été obtenu avec les catalogues, en particulier dans la zone sud, à part sur la faille de Saorge-Taggia [Turino et al., 2009].

Ce caractère diffus de la sismicité est-il représentatif du relâchement des contraintes dans notre région ou bien est-il dû simplement à la difficulté de localiser finement les événements ?

Figure 2. 12 : Epicentres des séismes de magnitude > 2.5 de 1988 à 2009 dessinés à partir des catalogues du LDG, du ReNaSS et du BCSF. Carte et système d’information géographique : Jenny Trévisan.

Je présente dans les chapitres qui suivent les principaux résultats des travaux que j‟ai menés sur des séismes isolés ou des crises sismiques dans la région.

2.4.2 Etude de quelques petits séismes de la région