• Aucun résultat trouvé

5. Synthèse des activités de Recherche

5.2.  DYNAMIQUE DES EMBOUCHURES ET LEUR RELATION AVEC LES LITTORAUX

5.2.1.  Contexte

Les deltas tidaux se forment principalement au niveau des embouchures étroites des estuaires micro et mésotidaux et dans les passes de marée des systèmes d’îles barrières (Harris, 1988, Dyer et Huntley, 1999). Ils comprennent les deltas de jusant et les deltas de flot, localisés de part et d’autre de l’embouchure tidale (Hayes, 1975). Le delta de jusant est à la fois contrôlé par les courants de jusant et par la houle. Le delta de flot est essentiellement contrôlé par les courants de marée. Les morphologies des deltas et de l’embouchure varient en fonction de la prédominance de l’action des houles ou des courants tidaux (Hubbart et al., 1979). Quand la houle domine, les chenaux de l’embouchure tidale sont souvent multiples alors que quand la marée domine, il existe un chenal principal unique (Hayes, 1975, Boothroyd, 1978, Fitzgerald et al., 1996, 2001).

40

La stabilité des embouchures tidales

Les embouchures tidales ont une morphologie très variable dans le temps et sont parfois instables, en terme de position (migration du chenal) ou en terme de morphologie de leur delta. Les deux paramètres forçant principaux sont le prisme tidal et la dérive littorale. En fonction du rapport entre le prisme tidal de vive eau

Ω

VE (en m3) et la dérive littorale totale annuelle Mtot (en m3, Bruun, 1966), a =

Ω

VE / Mtot, on peut évaluer la stabilité des embouchures (Bruun, 1978) :

- ΩVE / Mtot >150 : conditions relativement bonnes, peu de barres, bonne vidange ;

- 100<ΩVE /Mtot<150 : conditions moins satisfaisantes, la formation de barres devant l'entrée devient plus prononcée ;

- 50 <ΩVE /Mtot <100 : Le lobe du delta de jusant est important, mais un chenal peut le traverser ;

- 20 <ΩVE / Mtot <50 : "bar Bypassers". La houle déferle sur la barre pendant les tempêtes, et ferme l'embouchure. Le maintien de ces systèmes dépend de l'apport fluviatile augmenté lors des tempêtes ou des périodes de mousson. Les chenaux sont très dangereux pour la navigation ;

- ΩVE / Mtot < 20 : L’entrée de la lagune est alors un chenal de débordement instable et non permanent, plus qu'une véritable embouchure tidale.

Deux paramètres morphologiques essentiels, liés aux chenaux de marée, illustrent la variabilité des embouchures : la section mouillée minimale et la forme et le volume du delta de jusant.

• La section mouillée minimale

En 1931, O'Brien exprima une relation entre les dimensions générales d'une embouchure et le prisme de marée:

A = C. Ωn

Où Ω est le volume du prisme de marée (m3) entre le niveau moyen de marée basse et le niveau moyen de marée haute (pendant les vives-eaux), A, la surface de la section sous le niveau moyen des mers en m², et C et n des coefficients obtenus par régression linéaire.

Ces coefficients ont été calculés et la relation validée par différents auteurs (O'Brien, 1931, 1966; Nayak, 1971; Jarret, 1976; Eysink 1990; Gerritsen 1990; Hume, 1991; Hume et Herdendorf, 1992; Van de Kreeke, 1996; Michel, 1997, ...) sur des embouchures stabilisées (avec des jetées) ou non. La plus importante base de données provient de Jarret (1976) qui a analysé 108 embouchures des côtes atlantique, pacifique et du Golfe du Mexique.

Néanmoins, l'intervalle des valeurs de C et n est important (7.76 10-6 < C <5.02 10-4; 0.84 < n < 1.05) sur les différentes régions étudiées (Gao et Collins, 1994b), ce qui implique que la relation n'est pas universelle et que les conditions locales jouent un rôle important dans l'équilibre d'une embouchure (Salles, 2000).

• Les deltas de jusant

Walton et Adams (1976) ont montré que le volume du delta de jusant est étroitement lié au prisme de marée par la relation:

Où VΔ est le volume du delta de jusant au-dessus d'un niveau hypothétique de la topographie en l'absence d'embouchure (en m3) et Ω le prisme de marée. Les coefficients b et c0 sont obtenus pas régression linéaire à partir de mesures effectuées pour trois types de côtes en fonction de leur exposition à la houle. Le coefficient b peut être pris constant pour tous les types d’embouchure (b = 1,23), alors que c0 varie de 8,7.10-5 pour des côtes exposées à 13,8.10-5 pour des côtes peu exposées. Cette relation a été reprise par Eysink (1990), puis confirmée par De Vriend en 1994.

Fitzgerald (1988) utilisant les courbes de Walton et Adams a montré qu'une augmentation du prisme de marée de 5% peut multiplier par deux le volume du delta de jusant pour retourner à l’équilibre, demandant en termes de volume sédimentaire, un recul de la côte adjacente de 100 m. En ce sens, le volume du delta de jusant intervient également dans la stabilité des embouchures tidales et des îles-barrières.

Les modèles d’évolution des embouchures tidales

Le by-pass des sédiments aux embouchures tidales est le processus par lequel les sédiments sont transférés de la côte amont vers la côte aval de l'embouchure, via le chenal principal et/ou le delta de jusant. Sur la plupart des côtes à îles-barrières, la source de sable provient de l'érosion de la côte adjacente. Ce sédiment est transporté vers l'embouchure par la dérive littorale. Ce sable peut transiter le long du delta de jusant pour aller alimenter la côte aval, ou être bloqué par les courants de marée dans le chenal et s'accumuler sur la plate-forme de swash.

Lors des tempêtes, quand les vagues plus importantes apportent de grandes quantités de sable dans la passe et que la surcote induit des courants de flot plus puissants, le sable est transporté vers la lagune. Lors des périodes de beau temps, les sédiments présents dans l'embouchure sont transportés vers le large et se déposent sur le lobe terminal du delta de jusant (Fitzgerald et al, 2001). La transformation des vagues et leur déferlement sur le lobe terminal entraîne un transport vers la côte sur les plates-formes de swash du delta de jusant et le long du delta vers les plages adjacentes. Cette migration vers la côte prend souvent la forme de larges barres dites de "swash", qui migrent progressivement vers le littoral. Sur la côte aval, le sédiment migre vers la plage adjacente et peut être re-transporté vers l'embouchure selon la forme du delta de jusant et l'approche des vagues qui peut entraîner une dérive littorale inverse. Les mécanismes responsables du by-pass des sédiments aux embouchures ont été largement étudiés, et de nombreux modèles de fonctionnement ont été proposés. La plupart de ces modèles sont basés sur les études de Bruun et Gerritsen (1959) et Bruun (1966) et les travaux de FitzGerald (1982, 1996). Les processus de by-pass et d'évolution des embouchures tidales naturelles ont été décrits sous forme de 6 modèles conceptuels dans une revue de FitzGerald

et al. (2001)(cf. Illustration 3) :

· Modèle 1 : Embouchures stables pour lesquelles le chenal principal ne se déplace pas dans le delta de jusant ;

· Modèle 2 : Brèche du delta de jusant au niveau des embouchures qui migrent cycliquement vers la côte aval ;

· Modèle 3 : Migration de l’embouchure et brèche de la flèche ; · Modèle 4 : Migration du chenal externe ;

· Modèle 5 : Brèche de la flèche de la plateforme de swash ; · Modèle 6 : Embouchure dominée par les vagues.

44

Problématiques scientifiques

Les embouchures tidales et les iles-barrières, représentant environ 12% des côtes mondiales, sont des morphologies extrêmement dynamiques qui ont fait l’objet de très nombreuses études (Keulegan, 1951, Bruun, 1978, Speer and Aubrey, 1985, Komar, 1996, Metha, 1996). L’érosion dans l’embouchure et sur les côtes adjacentes est souvent observée, mettant en péril les activités ou infrastructures humaines. Cette érosion est généralement liée à la migration naturelle des embouchures ou à leur prisme tidal. Par ailleurs, ces systèmes sont des lieux d'échanges entre le bassin et l'océan, échanges d'eau, de sédiments, de nutriments ou de polluants, qui conditionnent les activités socio-économiques dans la lagune (aquaculture, marinas, ...). Ils sont très sensibles à l'intervention humaine et aux changements environnementaux tels que la remontée du niveau marin (Van Goor et al., 2001).

Pour prévenir l’érosion et la migration, ces embouchures sont souvent stabilisées artificiellement par des jetées, et il est alors souvent nécessaire d’effectuer des interventions de by-passing régulières pour limiter la croissance du delta de jusant, et rétablir le transfert naturel vers la côte aval-transit (Walker and Dunham, 1977). Dans le cas d’embouchures simples, ceci est relativement simple, mais dans le cas de lagunes à embouchures multiples, les interactions, beaucoup plus complexes sont mal connues, et peuvent mener à l’instabilité du système, voire à l’ouverture ou à la fermeture de l’une des embouchures.

Documents relatifs