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Contexte biologique: importance du tissu adipeux brun dans le contrôle de la balance

Chapitre II : Analyse protéomique quantitative chez des organismes non séquencés 75

A. Contexte biologique: importance du tissu adipeux brun dans le contrôle de la balance

Au niveau mondial, le nombre de personnes en surcharge pondérale (1.5 milliards) [157] a aujourd’hui dépassé le nombre de personnes sous-nutries (∼900 millions). Alors que depuis des décennies les études réalisées chez l’Homme et les modèles rongeurs de laboratoire ont clarifié de nombreux mécanismes de l’obésité [158], les traitements restent essentiellement inefficaces. Or l’obésité est un trouble métabolique majeur qui peut entraîner de nombreux problèmes, dont le diabète [158]. Il est donc urgent de trouver des nouveaux modèles d’études. Au cours de l’évolution, certaines espèces ont développé des adaptations à des contraintes environnementales extrêmes, leur permettant de ne pas présenter de troubles métaboliques dans des environnements conduisant à l’obésité et au diabète chez l’Homme. C’est par l’étude d’une telle espèce, le campagnol des champs, et de ses réponses à une diète obésogène que ce projet vise à découvrir de nouvelles voies de lutte contre l’obésité induite par l’alimentation.

L’obésité est caractérisée par un bilan énergétique positif, l’organisme recevant plus d’énergie qu’il n’en dépense [158]. Dans ce cas, l’excès d’énergie est stocké sous forme de réserves lipidiques dans le tissu adipeux blanc. Les entrées d’énergie proviennent bien sûr de l’alimentation alors que la dépense d’énergie est multifactorielle : métabolisme de base, thermogenèse, travail musculaire, productions. Chez les petits mammifères, la thermorégulation peut impliquer la thermogenèse dite de frisson, qui est une réponse immédiate au froid. Dans ce cas, ce sont les contractions musculaires qui produisent de la chaleur pour assurer l’homéostasie thermique, mais l’efficacité va rester limitée. La thermogenèse sans frisson (NST) peut prendre le relai. Celle-ci passe par la production de chaleur due à l’activation du tissu adipeux brun (BAT) [159, 160].

Les cellules du BAT sont très différentes des adipocytes blancs. Elles contiennent de nombreuses petites gouttelettes contenant des lipides (alors que les adipocytes blancs possèdent une vacuole lipidique occupant tout l’espace), mais surtout elles sont remplies de nombreuses mitochondries (voir Figure II-1) [161]. Au niveau des membranes internes de ces mitochondries, la synthèse d’ATP est couplée aux réactions d’oxydation de la chaine respiratoire. Brièvement, la chaine respiratoire permet une accumulation de protons dans l’espace inter-membranaire des mitochondries, et le retour de ces protons dans la matrice mitochondriale est réalisée par la synthase d’ATP qui utilise cette énergie pour générer de l’ATP. Or ce couplage n’est pas parfait, notamment du fait de la présence d’une protéine,

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l’UCP1 (« uncoupling protein 1 »), qui permet le retour des protons depuis l’espace inter-membranaire vers la matrice mitochondriale sans passer par l’ATP synthase et, dans ce cas, l’énergie est dissipée sous forme de chaleur [162] .

Figure II-1 : Représentation schématique d’une cellule adipeuse brune[161].

La présence de BAT chez les nouveaux nés est connue depuis longtemps, mais la récente découverte de leur présence chez l’homme adulte [163] a relancé l’intérêt porté à ce tissu dans la lutte contre l’obésité. En effet, Fridyland et al. ont émis l’hypothèse selon laquelle les troubles métaboliques chez l’homme (tels que l’obésité ou le diabète) pourraient être dus à un fonctionnement inadéquat de leur BAT en réponse à des changements environnementaux (température et régime alimentaire) [164]. Le possible rôle du BAT comme acteur essentiel du bilan énergétique de l’organisme réside dans le fait qu’il convertit l’énergie emmagasinée en chaleur (voir plus haut). Cette activité est très loin d’être anecdotique puisqu’il a été montré que chez l’adulte la production de chaleur due au BAT représente 15% de la dissipation moyenne d’énergie journalière [165]. De plus, le fait que le BAT soit « activé » en réponse à l’alimentation [166]renforce son potentiel rôle protecteur vis-à-vis de pathologies comme l’obésité ou le diabète [167] [168] [169, 170].

L’objectif de ce projet était donc d’étudier le rôle possible du BAT dans la protection contre l’obésité. Cette étude a été réalisée en collaboration avec le Dr Pierre Bize de l’Université d’Aberdeen (Ecosse) qui a artificiellement sélectionné 2 lignées de campagnols des champs (Microtus arvalis, Taxonomie 47230) pour leurs niveaux bas ou élevés de NST. Des données préliminaires, montrant que les campagnols présentant des bas niveaux de NST ont une masse plus élevée que les autres à l’age adulte (Bize et al., résultats non publiés), suggèrent que ce modèle animal unique pourrait permettre de mieux comprendre le possible rôle du BAT dans la protection contre l’obésité. Ces 2 lignées de campagnols ont donc été exposées soit à un régime alimentaire contrôle (4.5% de graisses) soit à un régime enrichi en graisses (23.6% de graisse) et maintenus dans un environnement froid (14°C) ou chaud (28°C).

Du point du vue analytqiue, ce travail était spécifiquement dédié au développement d’une stratégie de protéomique quantitative pour pouvoir ensuite analyser le protéome différentiel du BAT de ces animaux en fonction de leur lignée, de la température et du traitement nutritionnel subi. Les verrous à lever résidaient dans l’optimisation des méthodes et du traitement des données protéomiques afin de les adapter aux échantillons de Campagnol, une espèce dont le génome n’est pas connu.

Schéma expérimental :

Le schéma expérimental de sélection des campagnols est présenté sur la Figure II-2. Les analyses protéomiques consistaient à comparer 8 conditions, chaque condition composée de 6 réplicas.

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Figure II-2 : Schéma expérimental du traitement appliqué aux campagnols.

Des animaux des deux lignées (thermogénèse élevée ou non) ont été maintenus dans un environnement froid (14°C) ou chaud (28°C) puis soumis soit à un régime gras (23.6% de graisse) ou contrôle (4.5% de graisses).

B. Contexte analytique et objectifs

Le campagnol est un modèle de choix pour l’étude de l’obésité, cependant, le génome de cet organisme n’est pas séquencé, ce qui complexifie le traitement des données. En effet, nous ne disposons pas d’une banque de données qui contiendrait les séquences protéiques du campagnol, banque essentielle pour réaliser une recherche par empreinte de fragments peptidiques (grâce à Mascot notamment). La première étape a donc été de trouver une banque de données d’un (ou de plusieurs) organisme(s) suffisamment proche(s) du campagnol pour réaliser des identifications par homologie de séquences grâce aux peptides dont la séquence a été strictement conservée au cours de l’évolution entre le campagnol et cet(ces) autre(s) organisme(s).

On peut imaginer que, bien que cette méthode permette d’identifier un certain nombre de protéines, il restera un très grand nombre de spectres non interprétés car les peptides sont absents de la banque de données. Afin d’augmenter la couverture du protéome étudié, nous avons donc mis en place une stratégie de séquençage de novo. Cette stratégie, donc le principe est expliqué en page 30, permet d’interpréter les spectres issus de la fragmentation de peptides dont la séquence n’est pas strictement conservée. Pour ce faire, nous avons utilisé le logiciel PepNovo [57] puis l’algorithme MS BLAST (Basic Local Alignment Search Tool). Nous avons souhaité dans un premier temps évaluer le fonctionnement de PepNovo, pour en optimiser le paramétrage. Puis nous avons déterminé des paramètres de validation des assignations spectres-peptides et de filtre « manuel » des identifications.

Le but de ce projet étant de déterminer le protéome différentiel du BAT des campagnols selon la lignée, la diète ou encore la température, nous avons de plus mis en place une quantification de ces protéines. En effet, c’est l’information de l’abondance relative de chaque protéine entre les conditions qui nous permettra de répondre à la question posée. Vu le contexte, la méthode la plus appropriée ici est une méthode de quantification globale relative sans marquage par extraction des courants d’ions (dont le principe est expliqué en page 48).

L’objectif de ce projet était donc de mettre en place une méthode « Label-free » XIC MS1 à partir de l’identification fiable des peptides par Mascot et par séquençage de novo. Si la mise en place de cette stratégie (d’un point de vue bio-informatique) était aisée pour la première catégorie de peptides, il a en revanche été nécessaire de procéder à différents développements pour les peptides « de novo », que nous allons développer dans la suite de ce chapitre.

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Enfin, Le grand nombre d’échantillons (n= 48) rendait difficile la mise en place d’un préfractionnement protéique car le temps d’analyse aurait alors été trop important, ce qui aurait pu nuire à la reproductibilité des données. Nous avons donc décidé de traiter les échantillons par digestion liquide, afin de n’avoir qu’une analyse par échantillon.