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1.1. Positionnement de la thèse

La ville est aujourd’hui au cœur des problématiques environnementales. Plus de la moitié de la population mondiale vit en ville et environ 80% de la population française est urbaine (d’après l’INSEE)47. Dû à l’actuelle prise de conscience de la réalité du réchauffement climatique, une plus grande attention est portée au réchauffement urbain dont l'effet d'ICU et à l'étude de phénomènes extrêmes tels que les canicules. Comme détaillé au chapitre 1, l’îlot de chaleur urbain, entraîne une exposition de la population urbaine à des températures plus élevées. Plusieurs études estiment que l’ICU augmente le risque de mortalité pendant les vagues de chaleur, comme par exemple à Berlin (rapport InVS, Laaidi, 2012). Cet effet additionnel accentue le stress hydrique déjà ressenti par les habitants lors d’épisodes de vagues de chaleur, ce qui est particulièrement néfaste la nuit lorsque l’organisme est en période de récupération (Kounkou-Arnaud et al., 2012). Il pose et posera des questions sanitaires essentielles, aussi du fait du vieillissement de la population. C’est typiquement ce qui s’est produit durant la canicule de l’été 2003. Cet été, le plus chaud que la France ait connu, est placé parmi les plus graves catastrophes sanitaires.

Décrire et comprendre les interactions entre le milieu urbain et son environnement apparaît donc comme un défi devant faire appel à des approches diversifiées et pluridisciplinaires. La climatologie urbaine est au cœur des problématiques d’ambiances climatiques et d’îlots de chaleur urbain.

Le CNRM (Laboratoire Météo-France CNRS) étudie au cours des projets interdisciplinaires les impacts croisés du changement climatique et de l’expansion urbaine sur de grandes agglomérations jusqu’à l’échelle du quartier (MUSCADE, ACCLIMAT, EPICEA). Pour simuler une canicule, un modèle de calcul des îlots de chaleur urbain (ICU), TEB, a été conçu par Météo-France et le CNRS. Ce modèle permet ainsi de représenter la ville de manière théorique et dispose d’informations plus fines que la maille tels que la température des murs ou des routes, (cf chapitre I) peu exploitées de nos jours.

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Pour Paris, l’enjeu repose tout d’abord sur l’obtention de données microclimatiques fines et intra- urbaines qui n’existent pas à ce jour. Cela se vérifie par le faible nombre de stations Météo-France opérationnelles à l’échelle parisienne (Fig.2.1). Cependant, certaines problématiques, comme l’étude de l’îlot de chaleur urbain, demandent une précision spatio-temporelle plus grande, à l’échelle du quartier ou de la rue, voire même des bâtiments.

Figure 2.1 : Localisation des deux stations météorologiques (point rouge) gérées par Météo-France, en activité en 2016 dans Paris (carte créée à partir du portail Publithèque)

La recherche que nous présentons est menée dans le cadre du projet RepExtrem (www.lisis.ifsttar.fr/projet/repextrem), financé par le programme RDT48 (Risques-Décision-Territoire) du MEEM (Ministère de l'Environnement, de l'Energie et de la Mer), conjointement avec Météo- France (laboratoire CNRM Centre National de Recherche Météorologique) et l’IFSTTAR (Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux). Dans ce projet, le laboratoire CNRM fournit les simulations de canicule. L’analyse, la représentation cartographique de la canicule et le processus global sont l’objet de mon sujet de recherche à l’IFSTTAR. Cette recherche vise à améliorer l’estimation des canicules et leurs représentations fondées sur la différenciation entre les températures intérieures et extérieures dans les bâtiments. Dans ce contexte et dans le cadre du projet RepExtrem, on s’intéresse à l’amélioration du calcul et à la représentation de ce risque caniculaire en zones urbaines denses. Cette recherche doit mieux répondre à la question du lieu (où sont précisément les zones à risques dans une ville) et de la dangerosité. Elle vise à concevoir des cartes de dangerosité liées au risque de canicule à l’échelle des quartiers, en prenant en compte la durée. La prise en compte de la notion de durée pour l’évaluation de la dangerosité est essentielle puisqu’elle est une caractéristique forte du phénomène de canicule sur les personnes à risque. Il est important de montrer que les valeurs ne sont pas homogènes dans l’espace et ont une certaine durée.

48http://rdt-risques.fr

Station Longchamp

115 Ainsi, notre méthodologie permet de mieux estimer les températures à l’intérieur et à l’extérieur d’un bâtiment lors d’épisode caniculaire. Pour cela, nous proposons de coupler le modèle SURFEX- TEB avec des données de validation provenant de capteurs sur une zone étudiée. Additionner la mesure climatique in situ avec la modélisation pour obtenir des connaissances et des informations plus précises, voire plus robustes, reste un des enjeux climatiques.

Changement climatique, expansion urbaine, intensification des canicules, îlot de chaleur urbain, modélisation et outil d'analyse du microclimat sont mots clés de notre recherche. Cette thèse les met en relation tout en les agrémentant de concepts climatiques et géomatiques dans le but de répondre à notre problématique.

1.2.

Approche pluridisciplinaire

Cette recherche a un caractère pluridisciplinaire. Elle est à l'interface entre la géographie, la climatologie et la géomatique (Fig.2.2). La démarche globale et transversale du projet RepExtrem permet d’approfondir et d’acquérir de nouvelles connaissances dans les différentes spécialités.

Figure 2.2 : Multidisciplinarité de la thèse – Analyse et représentation des épisodes caniculaires en zones urbaines denses Quelques concepts et notions de thermique du bâtiment sont utilisés. Ils nous permettent d'approfondir nos connaissances et notre analyse sur les bâtiments de Paris.

1.2.1. Le rôle de la géographie

La problématique de la thèse s'inscrit dans un espace géographique donné : l'espace urbain dense (Paris, pour notre étude). La ville est un espace décrit par des formes urbaines variées. Chaque forme intègre des fonctions urbaines (habitats, loisirs, zones d'activité, etc.) et, est définie par une densité. La densité est caractérisée par le coefficient d'occupation des sols (COS)49. L'INSEE utilise une

typologie européenne « degré d'urbanisation »50 permettant de caractériser les villes. Une ville est

densément peuplée si la part de la population dans les mailles urbaines denses est supérieure à 50% de la densité surfacique. Paris est donc caractérisée comme une ville dense. Paris dispose de

49

Le COS calcule la densité de construction sur une parcelle.

50

Fondée sur des calculs de densité et de population selon un principe d'agrégation de carreaux de 1km de côté.

Géographie :

- Analyses spatiales et statistiques - Expérimentation terrain

Climatologie :

- Comprendre le

climat et ses modèles - Etude d'un évèment extrême : la canicule

Géomatique :

- Structurer et

représenter les

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quasiment toutes les formes urbaines marquées par son histoire : bâti ancien, cité ouvrière, ville nouvelle, etc. Paris a été choisi pour nos expérimentations. Plusieurs bâtiments de cette ville ont été équipés de capteurs Tinytag. Grâce aux nombreux traitements statistiques (via le logiciel R) empruntés à l’univers de la géographie, les résultats de ces expérimentations montrent que les configurations urbaines agissent sur la qualité de vie et sur le climat. L’analyse spatiale et statistique est utilisée tout au long de notre recherche.

1.2.2. Le rôle de la climatologie

Paris, ville densément peuplée est caractérisée par l'effet de l'ICU. Des processus radiatifs, hydrologiques, anthropiques différents de ceux observés en milieu naturel sont présents. La description et l’explication de la variabilité du climat à diverses échelles de temps et d’espace passent par des simulations. Le modèle SURFEX-TEB nous permet de simuler ces différents processus lors de périodes caniculaires. Ces simulations soulignent notamment que la ville n’est pas un bloc homogène. Les analyses de ces simulations assimilées avec les mesures réalisées sur Paris apportent de nouveau résultats.

1.2.3. Le rôle de la géomatique

Depuis quelques années, les systèmes d’informations géographiques, par leurs capacités à manipuler, stocker et représenter une information spatiale attirent les climatologues. Cette discipline, à l'interface entre la géographie et l'informatique, permet de répondre à des besoins en climatologie. Pour travailler sur des données spatio-temporelles, les SIG (Systèmes d'Information Géographiques) sont dès lors de puissants outils permettant d’analyser et de cartographier des phénomènes locaux et spatiaux tels que les canicules. Ils permettent de fournir des représentations visuelles mais aussi de constituer des bases de données spatiales via des logiciels de stockage. Nous utilisons les SIG pour stocker et visualiser les données. Nous développons des outils et méthodes grâce à la géomatique. Les outils proposés sont informatiques avec une dimension spatiale.

Le projet se localise à l’intersection de trois domaines : la climatologie, la géographie et la géomatique. En climatologie, nous nous basons sur les effets à grande échelle en focalisant notre attention sur les phénomènes caniculaires. En géographie, notre espace de travail est l’espace urbain dense, à savoir Paris. En géomatique, les SIG nous permettent de représenter spatialement et temporellement nos données.

1.3.

Problématique

Comme nous l’avons énoncé, les descriptions des impacts du changement climatique et l’expansion urbaine sont décrites à l’échelle régionale, nationale et mondiale. Il reste maintenant à affiner la description de ces impacts à échelle plus fine, tout en gardant les effets de plus grande échelle, comme l'ICU. Nous concentrons notre étude sur la question suivante : comment mieux analyser et cartographier la canicule dans un espace dense afin de mettre en avant la dangerosité de ce phénomène climatique?

De cette problématique, nous avons identifié trois défis majeurs exposés sous forme de questionnement :

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- Le modèle SURFEX-TEB dispose d’informations plus fines à l’échelle d’une maille de

250*250m à l’exemple de la température des murs, de la rue ou des toits. Si on couple le modèle SURFEX-TEB à des connaissances sur les types de bâtiment dans les zones urbaines, peut-on améliorer les prévisions localement ?

- Les modèles climatiques, comme SURFEX-TEB, sont destinés aux experts. Ils ne sont pas tournés vers la communication. Peut-on mieux donner à voir les données des sorties du modèle ?

- Le phénomène caniculaire, comme d’autres phénomènes, devient dangereux en fonction du

temps. L’IBM, indice de référence en France pour caractériser la canicule (Partie A), ne prend pas en compte les températures intérieures, alors que l’on passe plus de 80% de notre temps dans des lieux clos, ni la durée pour caractériser la dangerosité de l’évènement. L’espace ne peut plus être vu comme une réalité objective. L’espace est perçu, ressenti et vécu. Dans notre recherche on souhaite intégrer la notion d’espace vécu (Fremont A., 1974). Pour cela, des campagnes de mesures sont réalisées sur Paris dans des appartements habités. Ces mesures mettent en avant la différence entre les températures intérieures et extérieures et l’accumulation de la chaleur dans les bâtiments. Peut-on mieux appréhender le risque caniculaire en se focalisant sur un type d’appartement ? Peut-on mettre en avant le ressenti de la canicule ? Peut-on concevoir un nouvel indice prenant en compte la dangerosité du phénomène caniculaire à l’intérieur d’un appartement ? Peut-on améliorer la représentation de l’intensité du phénomène caniculaire ?

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