• Aucun résultat trouvé

La construction de la réalité en situation de justification

Nous avons fait l’hypothèse que l’étude des justifications permettait d’instruire la question du maintien institutionnel. Il convient à présent de nous intéresser à la manière dont les critiques formulées par les acteurs peuvent contribuer à modifier l’ordre institutionnel ou, dans notre cas, à le maintenir. En particulier, il s’agit d’illustrer à l’aide des concepts développés par Boltanski l’idée, émise dans la section précédente, selon laquelle la permanence des institutions peut provenir d’une forte activité critique.

II.4.1. Le monde, le réel et les types d’épreuves selon Boltanski 2009

Nous avons évoqué l’évolution qu’a subie la pensée de Boltanski par rapport à ce qu’elle était à l’époque de la publication de la Justification. Face à la position intenable d’une conception du réel exagérément affiliée à l’état de justice, l’auteur réintroduit des éléments étrangers au sens de la justice :

«(…) pourquoi ce sont toujours les mêmes qui, face à toutes les épreuves, ou presque, se révèlent médiocres (des petits dans le langage de De la justification). On ne peut pas dire que cette question serait étrangère au sens de la justice des acteurs. Si tel était le cas, elle serait absolument inaccessible depuis une sociologie pragmatique de la critique. »

(Boltanski 2009, page 67)

Dans notre travail, nous nous inscrivons dans une position similaire, plus nuancée vis-à- vis de la place laissée à la force, car nous entendons l’intégrer dans notre analyse. Tout en mettant l’accent sur la créativité et les capacités interprétatives des acteurs dans la poursuite de la justice, nous cherchons à expliquer pourquoi ce sont toujours les mêmes logiques qui sont privilégiées à l’issue des épreuves relativement légitimes. Et le fait de vouloir capter ce que les situations présentent de domination dans une perspective pragmatique rend nécessaire un tel positionnement. Car notre intention ne supporterait

158

pas un simple collage (Boltanski 2009, page 82) entre une vision de la sociologie critique et une approche adhérant aux principes de la sociologie de la critique.

En nous focalisant sur le pilier cognitif des institutions, nous cherchons à rendre visibles les aspects tenus-pour-acquis des organisations. Si l’on considère l’institution comme inséparable de sa contestation, le moment critique et son étude représentent un moyen de révéler les éléments de la réalité auxquels les acteurs adhèrent.

« La question de la critique me paraît indissociable de celle des institutions à laquelle elle s’arc-boute.»

(Boltanski 2009, page 85)

La stabilité institutionnelle peut dès lors être conçue relativement à la nature de la critique réalisée par les individus envers l’institution. Autrement dit, c’est en étudiant la critique que l’on peut imaginer expliquer le maintien institutionnel, en ce qu’il comporte de confirmation des institutions existantes.

« Confirmation et critique ne prennent sens qu’envisagées dans leur relation dialogique. »

(Boltanski 2009, page 99)

De cette façon, nous pouvons imaginer la critique comme capable de mettre en œuvre le changement, mais également, et cela est sans doute plus original, comme un instrument de confirmation des institutions en place. Cette relation dialogique illustre le lien entre contrainte institutionnelle et action des individus que nous avons évoqué dans la section précédente. À l’aide du cadre de Boltanski, c’est à travers l’analyse de ce lien que nous avons pour ambition d’étudier l’institution.

Si la stabilité institutionnelle peut être considérée comme relative à la nature des critiques, il convient logiquement d’étudier les propriétés des critiques émises par les individus. Dans son ouvrage, Boltanski distingue le registre métapragmatique, qu’il qualifie comme les moments au cours desquels les acteurs augmentent leur niveau de réflexivité pour qualifier les situations, des moments pratiques, au cours desquels les acteurs se tournent vers les actions à accomplir (se reporter au tableau 8). Le registre pratique étant par conséquent caractérisé par une plus grande tolérance et un niveau d’antagonisme réduit.

159 Tableau 8. L’action des acteurs face à l’incertitude chez Boltanski 2009

Incertitude/Inquiétude

Registre pratique Registre métapragmatique

Les acteurs sont tournés vers l’action : antagonismes limités et tolérance importante.

Les acteurs augmentent leur niveau de réflexivité : qualification. Discours tenu en public pour stabiliser les interprétations.

Critique :

Les acteurs expriment publiquement leurs inquié- tudes.

Confirmation :

Confirmer ce qui est pour consolider ce qui est (discours épidictique), construire socialement le monde. Le point de vue n’est pas exprimé pour ce qu’il est, c'est-à-dire un point de vue.

Tableau 9. L’institution et ses fonctions chez Boltanski 2009

L’INSTITUTION

« un être sans corps à qui est déléguée la tâche de dire ce qu’il en est de ce qui est » ; « la tâche de dire et confirmer ce qui importe. » (p 117 de la critique, Boltanski, 2009)

Fonctions sémantiques Fonctions de coordination Fonctions de police

Dire et confirmer ce qui importe.

Aspects organisationnels qui assurent la coordination.

Assurées par les adminis- trations : réglementations, pouvoir gouvernemental et judiciaire.

Au moment d’une controverse, l’étude des justifications montre avec une plus grande clarté ce qui résulte de l’institution (se reporter au tableau 8), car les acteurs doivent monter en généralité pour soutenir leurs argumentations. Les acteurs quittent en effet le monde des routines et font face à une situation d’incertitude. Ils questionnent alors ce qu’ils font. En conséquence, ce que la réalité montre (à travers ce que l’institution dit à propos de « ce qu’il en est de ce qui est », Boltanski 2009, page 92) est confronté à ce qui arrive véritablement. Or ce qui arrive est naturellement parcouru par l’incertitude. Notons que Boltanski fait l’hypothèse que « ce qui arrive » correspond au « monde » et ce dernier entre en opposition avec « la réalité » qui est socialement construite128. À ce stade, les

128 Une différence plus ou moins basée sur la distinction classique effectuée entre le risque et l’incertitude

de Knight (1921). Il faut être très précautionneux ici car l’utilisation du mot « monde » ne fait pas du tout référence à la notion de « monde » développée dans De la Justification. Ici, Boltanski fait référence au monde par opposition à la réalité, qui est socialement construite. Sans lien apparent avec ce que nous

160

éléments cognitifs qui sous-tendent l’institution apparaissent de façon explicite : les qualifications, les formats d’épreuves et les principes de catégorisation mobilisés pour supporter ou modifier l’institution. En temps normal, la réalité telle qu’elle est construite par les institutions a le pouvoir de mettre le monde à distance, permettant aux acteurs de se débarrasser de leurs inquiétudes en leur apportant de la stabilité. Mais l’émergence d’une controverse rapproche la réalité et le monde, faisant croître l’anxiété des acteurs et mettant à l’épreuve ce que l’institution dit à propos de ce qu’est la réalité (« la réalité de la réalité »).

« Une activité interprétative ne s’impose en effet qu’en cas de doute, de trouble, d’hésitation, d’incertitude quant à ce qui fait le monde commun. (…) Le désaccord constitue donc le cas par excellence où le « voir-comme » doit être explicité : « Ce paysage et un paysage » doit être converti dans la formule « je vois cet espace comme un paysage » qui signale la possibilité qu’il soit vu comme autre chose ou autrement.»

(Trom 2001, page 73)

Lorsque le niveau de réflexivité augmente, l’incertitude émerge et deux cas de figure se présentent : soit les acteurs cherchent à se rassurer dans l’existant (dispositifs de confirmation) soit les acteurs expriment publiquement leurs inquiétudes (formes critiques).

Dans les situations s’inscrivant dans le registre métapragmatique, le rôle joué par les institutions est primordial. Car c’est le rôle sémantique des institutions est alors pleinement activé. En effet, en tant qu’entité capable de perpétuer ce qui est pour des êtres éphémères, puisque incarnés pour ce qui les concerne, l’institution va alors confirmer l’existant en tentant d’éloigner la critique. Dans notre travail, il faut donc se représenter l’institution de la façon suivante :

« C’est donc d’abord (…) dans ses fonctions sémantiques qu’il faut envisager l’institution.»

(Boltanski 2009, page 117)

venons de décrire, la notion de monde dans De la Justification (cité+objet), révèle la manière dont les acteurs construisent le réel en faisant appel à des principes généraux lors de leur travail de justification. Ainsi, de façon peu commode, dans De la Justification, le « monde » relève du concept de réalité exposé par Boltanski en 2009, plutôt qu’à celui de « monde » tel que Boltanski le présente en 2009.

161 Figure 8. Les trois fonctions de l’institution

Source : élaboré à partir de Boltanski (2009)

L’institution, dans sa fonction sémantique, construit et soutient la représentation du réel des acteurs. Elle permet de donner un sens aux éléments incertains en les qualifiant grâce aux principes de catégorisation des cités et selon le format d’épreuve communément accepté. Il s’agit alors d’un véritable travail institutionnel.

« Il est indéniable que le travail institutionnel de détermination et de qualification de ce qui est et de ce qui vaut exerce, quel que soit le genre de société où il est mis en œuvre, un effet de constitution d’une vérité officielle et aussi de ce que l’on met habituellement sous l’appellation de « sens commun » (…).Le pouvoir des institutions exerce par là un puissant effet sur ce que nous avons appelé la constitution de la réalité et, corrélativement, contribue fortement à assurer l’exclusion des possibles latéraux, c'est-à-dire la mise à distance du monde.»

(Boltanski 2009, page 149)

Cependant, Boltanski insiste sur le fait que l’institution englobe à la fois le registre de confirmation et celui de la critique et que, par ailleurs, ces deux phénomènes sont indissociables l’un de l’autre. La critique ne saurait être elle-même sans la confirmation, l’une et l’autre se dessinent par référence à l’autre et doivent donc être considérées de pair.

« Mais la critique ignore, et c’est la forme d’inconscience qui lui est propre, ce qu’elle doit au travail de confirmation qui lui fournit l’axe sans lequel elle serait condamnée à errer, sans direction. »

(Boltanski 2009) Fonction sémantique de l’institution Fonction de coordination de l’institution (organisation) Fonction de police de l’institution (administration)

162

Le lien entre institution et critique : description de la figure 9

Le lien entre institution et critique est représenté dans la figure 9. Dans cette représentation, il apparaît qu’en disant ce qu’il en est de ce qui est, l’institution détermine les formats d’épreuves, les qualifications et les principes de catégorisation qui construisent la réalité, telle qu’elle est, en interprétant les objets provenant du monde. De cette façon, l’institution instille de la certitude face à l’incertitude inhérente au monde. L’institution opère ainsi une mise à distance du monde.

En bas de cette représentation graphique, on observe la « contradiction herméneutique 1 ». Cette contradiction est liée à la nécessaire incarnation de la dimension sémantique de l’institution sous une forme administrative et organisationnelle. Comme l’indique Boltanski, cette contradiction est à l’origine de la sempiternelle critique tournée vers l’institution : en ne pouvant exister sans représentation charnelle, l’institution est constamment menacée d’être critiquée pour sa partialité. L’incarnation de la dimension sémantique de l’institution peut toujours être critiquée comme favorisant en pratique les intérêts de la minorité qui la représente.

Une seconde source de critique provient de la seconde « contradiction herméneutique » que nous avons figurée dans la partie droite du schéma. Cette dernière prend corps lorsque les éléments apportés par le monde se confrontent aux prétentions soutenues par ce que l’institution nous dit de ce qui est. Lorsque le décalage est apparent, le réel tel qu’il est construit est critiqué puisqu’il ne permet pas d’intégrer les nouveaux objets du monde. Car dans ce cas, l’institution ne parvient plus à jouer son rôle de mise à distance du monde. Les formats d’épreuves, les qualifications et les principes de catégorisation sont placés sur la sellette. Nous verrons alors que deux cas peuvent se présenter : soit un renforcement du pouvoir des institutions, auquel cas l’institution joue son rôle d’instance de confirmation, soit une remise en cause de ce pouvoir à l’issue du moment critique.

163 Le lien entre institution et critique : description de la figure 9 (suite)

C’est dans les moments de critique de ces deux « contradictions herméneutiques » que les épreuves légitimes décrites dans la section précédente peuvent avoir lieu. Et comme nous l’avons démontré, une épreuve ne pouvant être de part en part légitime, des forces sont également à l’œuvre. En effet, lorsque l’incertitude augmente, comme c’est le cas dans les moments relevant du registre métapragmatique, l’univers de justice se dévoile – rappelons que l’incertitude sur son issue est l’une des caractéristiques fondamentales de l’épreuve – et entraîne parallèlement la confrontation des forces – car nous avons démontré que l’épreuve légitime est finalement indissociable de la force. De ce processus dynamique peuvent enfin émerger des formes de domination au sens de Boltanski.

Cette présentation nous amène à décrire les trois types d’épreuves récemment décrit par Boltanski afin d’analyser ce lien entre institution et action critique des individus.

164

Figure 9. Monde, réalité et institution chez Boltanski 2009

Formats d’épreuve Qualifications Principes de catégorisation Construction de la

réalité

Éléments arrachés au

monde

Institution

Dévoilement de la contradiction herméneutique 2. L’écart entre réalité

et monde : critique

Dévoilement de la contradiction herméneutique 1 (incarnation de l’institution abstraite par un corps) :

critique Interprétations : fonctions

organisationnelles et administratives Qualifications

sémantiques

Mise à distance du monde par le pouvoir des institutions

165

II.4.2. Les différents types d’épreuve

En complément de la conception du monde social que nous venons de décrire, Boltanski décrit trois types d’épreuves que nous reprendrons dans le cadre de notre analyse empirique. Dans le cas d’un régime de confirmation, l’aspect sémantique des institutions est plus apparent et voit émerger un premier type d’épreuve que le sociologue qualifie d’épreuves de vérité. Ensuite, Boltanski distingue deux types d’épreuves qui prennent place lors des moments critiques, les épreuves de réalité et les épreuves existentielles.

• L’épreuve de vérité :

Les épreuves de vérité dépendent directement de la fonction sémantique des institutions. Elles visent à confirmer la réalité en la déployant dans sa complétude. En répétant la norme à travers des cérémonies ou des rituels, elles donnent à voir l’ordre institué. Les cérémonies (religieuses, d’État, de monarchie ou républicaine) en sont des exemples représentatifs. On peut alors se demander s’il s’agit là de véritables épreuves au sens de Boltanski, lui qui affirme qu’une épreuve, pour en être une, doit être une épreuve de quelque chose. Sur ce point, les épreuves de vérité semblent bien constituer des épreuves puisqu’il est toujours possible qu’elles soient entravées par des manifestations intempestives du monde. Ce dernier peut en effet se rappeler au réel soi-disant ordonné. Les épreuves de vérité peuvent donc échouer, « comme en témoigne l’anxiété qui préside à leur préparation » (Boltanski 2009, page 158).

Le recours au discours tautologique ou un discours épidictique, c'est-à-dire un discours qui loue ou blâme en distinguant ce qui est bon ou mauvais, qui ferme la réalité sur elle- même, est sensible dans la mise en œuvre de ces épreuves par les instances de confirmation. Contrairement au moment de la critique, ou les arguments sont échangés, les énoncés des épreuves de vérité privilégient l’utilisation de formules (Boltanski 2009, page 158).

• L’épreuve de réalité :

Lors des moments critiques, les épreuves de réalité sont à l’œuvre : elles opposent le monde au réel. Une première éventualité s’établit par la mise à l’épreuve de la capacité de l’ordonnancement et de la construction sociale à intégrer les éléments qui surgissent de

166

l’incertitude. Cet ordonnancement, nous l’avons spécifié, se réfère à la stabilité provenant des qualifications et des formats d’épreuve. Ainsi apparaît la possibilité que la critique porte sur le manque de pureté de l’épreuve (le fait qu’il y ait un décalage entre les prétentions liées à la réalisation de l’épreuve et ce qui se déroule effectivement). Une seconde possibilité tient au fait que l’épreuve peut elle-même être mise à l’épreuve (Boltanski 2009, page 160). Bien entendu, dans cette éventualité, le registre de discours quitte celui de la formule pour adopter celui de l’argumentation. Il s’agit de confronter ce qui est avec ce qui est prétendu être. Néanmoins, ces opérations ne présument en rien de l’issue de la démarche : il peut ne s’agir que d’un ajustement permettant « une confirmation de l’ordre établi » (p161), mais il peut aussi bien aller dans le sens de la critique :

« [L’ orientation des épreuves de réalité] est conservatrice quand elles assurent les hiérarchies existantes en validant une réalité déjà en grande partie pré-ajustée aux formats d’épreuves (c'est-à-dire construite). Mais l’épreuve de réalité, quand elle est prise au sérieux, peut néanmoins avoir un effet perturbateur, soit en dévoilant des contradictions entre diverses formes d’expressions normatives, soit en portant au jour des dimensions que l’on pourrait dire oubliées de la réalité.»

(Boltanski 2009, page 161)

Sans pour autant présumer de l’issue, les situations dans lesquelles sont engagées des épreuves de réalité ont en commun de donner à voir « la réalité de la réalité », certes, mais elles permettent aussi bien souvent en procédant de la sorte de « renforcer la réalité de la réalité ». Car elles rendent visibles le caractère approprié des agencements en utilisant le format des épreuves. Elles peuvent mener à affiner les compromis établis entre les cités dont le rapprochement s’est fragilisé et menace de se défaire.

Nous l’avons décrit précédemment, les épreuves de réalité doivent se présenter comme des épreuves de quelque chose. Car, si tout est joué d’avance, nous ne sommes alors plus en présence d’épreuves de réalité mais face à des épreuves de force, caractérisées par la violence qui y est exercée (Boltanski 2009, page 124).

Selon nous, c’est en étudiant ces épreuves qui sont garanties institutionnellement dans leur format, dans leur validité, que l’on peut accéder à la dimension institutionnelle de la vie sociale.

167 • L’épreuve existentielle :

En comparaison des moments de la critique concernés par les épreuves de réalité, et que Boltanski qualifie d’épreuves « réformistes » (page 156), la sortie de la confirmation peut s’opérer par le truchement des épreuves plus « radicales » que constituent les épreuves existentielles. Contrairement aux deux épreuves précédentes, ces épreuves sont exécutées à un niveau plus individuel et particulier : elles ne résultent pas d’un processus d’institutionnalisation « en sorte qu’elles conservent un caractère individuel – ou comme on dit, « vécu » – (…) » (Boltanski 2009, page 162). Ainsi, en particulier dans le cas d’affaires, l’origine du changement des contours de la réalité réside dans l’expérience de l’injustice qu’un cas individuel a mis sur le devant de la scène (Boltanski cite le cas de la récente affaire Humbert dans le débat sur l’euthanasie, page 165), en convoquant des éléments du monde susceptibles de remettre en cause l’ensemble du réel construit socialement (« les relations confirmées » et « les épreuves de réalité instituées »).

Nous résumons les caractéristiques de chacune de ces épreuves dans le tableau 11 :

Tableau 10. Trois types d’épreuve selon Boltanski 2009

Type d’épreuve Epreuve de vérité Epreuve de réalité Epreuve

existentielle

Régime Confirmation Critique Critique

Registre de discours Quasi tautologique

Formules

Argumentations Dénonciations

Institutionnalisation Oui, caractère

collectif Oui, caractère collectif Non, caractère individuel

Appui de l’épreuve Ce qui est Ce qui est de ce qui

est

Les expériences individuelles (injustice, humiliation)

Rapport à la réalité Confond réalité et

le monde Confronte le monde et la réalité En dehors de la réalité, ouverture vers le monde

168

Synthèse de section 6

• Que l’on se place dans le cadre d’un changement des institutions, ou bien dans celui de leur maintien, nous faisons l’hypothèse qu’il faut considérer les critiques pour saisir l’institution.

• L’institution en effet, dans sa stabilité comme dans son instabilité, est indissociable de sa contestation. Dans une telle perspective, nous avons donc détaillé la nature des