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La construction de l’objet « participation des citoyens »

En France, la thématique de la « démocratie participative » est loin de s’épuiser tant dans le milieu politico-administratif qu’universitaire comme en témoigne cette thèse. Cependant, dans le cadre du mémoire de Master, nous avions perçu que la participation des citoyens dans le cadre de procédures participatives n’allait pas de soi. Certains auteurs soulignent l’existence d’effets de contexte et mettent en avant la nécessité de prendre en compte l’environnement des dispositifs pour observer le processus participatif (Carrel, 2009 ; Jobert, 2009 et Neveu, 2011). La portée des expériences participatives varie considérablement en fonction des objectifs poursuivis, des thèmes abordés, des territoires et des individus concernés. De plus, la manière dont les participants vont s’exprimer au sein de ces dispositifs dépend pour beaucoup des contextes d’interaction, « contexte qui inclut ce qui s’est passé

avant le débat ou la controverse, ce qui se passe pendant le débat institué, et ce qui se passe après »11. L’implication des individus sera différente, tant dans la forme que dans le contenu, s’il existe ou non, une dynamique en amont ou en parallèle de la concertation institutionnalisée. En ce sens, l’enjeu consiste à évaluer la participation au-delà des dispositifs institués pour saisir un processus plus large, analyser ses effets dans sa dynamique et son environnement propre. « Historiciser les observations »12 conduit donc à prendre en compte le processus participatif et donne à voir comment il émerge ou s’intensifie par la mise en œuvre d’une procédure de concertation.

La participation des citoyens s’est institutionnalisée ce qui se traduit dans des textes de loi. Peu de précisions sont avancées quant aux formes concrètes à donner à cette exigence de participation. Ceci s’explique par l’absence de définition légale de la participation des citoyens. A ce titre, L. Blondiaux souligne « la force d’une notion floue »13. La participation

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Jobert A., « Dans les salles, trop d’acteurs, jamais assez de public … », in Ion J et al. (dir.), Les intermittences

de la démocratie : Formes d’action et visibilités citoyennes dans la ville, Paris, l’Harmattan, 2009, p. 60.

12 Neveu C., « Démocratie participative et mouvements sociaux : entre domestication et ensauvagement ? »,

Participations, 2011, p. 194.

13 Blondiaux L. « Le nouvel esprit de la démocratie. Actualité de la démocratie participative », La République des Idées, Seuil, 2008, p. 13.

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est un concept à l’aspect « fourre-tout »14

à la fois en termes de pratiques et de cadres. De même, la participation des citoyens revêt une dimension à la fois normative et empirique. D’un côté, elle désigne un idéal démocratique, la démocratie ne se perpétue qu’à la condition que les citoyens s’impliquent dans la vie politique. Et d’un autre côté, elle renseigne sur l’état des relations entre les citoyens, les élus et les institutions. Dans la pratique, elle peut prendre des formes multiples puisque derrière l’apparent consensus quant à l’utilisation du terme « participation », de manière concrète, cette notion revêt des formes différentes allant de la simple transmission d’informations à la coproduction de la décision.

I.1. La démocratie participative : contexte d’émergence d’une norme politique devenue « incontournable »

En France, depuis plus de trente ans, la notion de « démocratie participative » a émergé progressivement pour devenir aujourd’hui une norme de l’action étatique, comme le démontre à la fois, l’existence de lois, décrets, conventions internationales, etc. ainsi qu’une volonté politique affichée. La démocratie participative s’entend comme le recours à des dispositifs visant à impliquer les citoyens de manière complémentaire aux formes traditionnelles de représentation politique. Cette « concertation institutionnalisée » ouvre des espaces de discussions entre différentes parties prenantes sur un sujet donné. Les échanges sont cadrés par une procédure spécifique : conseil de quartier, débat public, conférence de consensus, jury citoyen, conseils des jeunes, conseil de développement, etc. En même temps, de nouveaux métiers émergent entraînant la construction d’un nouveau vocabulaire. Or, les concepts auxquels font référence ces procédures (ceux de participation, de débat, de discussion, de concertation, etc.) ont pour particularité d’être flous. Néanmoins, ils font l’objet d’une forte valorisation symbolique (Blondiaux, 2005 ; 2007 ; Blondiaux et Sintomer, 2009 ; Mermet et Berlan-Darqué ; 2009). Ces évolutions ont d’ailleurs suscité l’intérêt des chercheurs en sciences humaines et sociales depuis de nombreuses années. Mais « de quoi parle-t-on au

juste ? »15

14 Carrel M., « La démocratie participative dans les quartiers populaires. Obstacles et leviers ». Débat du 3 avril 2008 paru dans Les cahiers du Pôle, 2008, p. 8.

15 Blondiaux L., « La démocratie participative, sous conditions et malgré tout. Un plaidoyer paradoxal en faveur de l’innovation démocratique », Revue Mouvements n° 50, 2007, p. 2.

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I.1.a. Un renouveau de la pensée politique

Depuis le milieu des années quatre-vingt, la pensée politique s’est renouvelée dans le sillage des écrits de J. Habermas autour du concept de démocratie délibérative. Selon les théories de la démocratie délibérative, « la légitimité et la rationalité des décisions collectives

reposent sur un processus de délibération collective conduit rationnellement et équitablement entre des individus libres et égaux »16. Ce renouveau s’est accompagné de la mise en place de procédures visant à associer les citoyens au processus de décision politique :

« C’est à cette offre institutionnelle de participation que renvoie aujourd’hui l’idée

de démocratie participative. C'est à un mouvement qui vise, plus ou moins clairement et efficacement, à institutionnaliser la participation des citoyens ordinaires sous d'autres formes que la simple désignation de représentants élus »17.

M.H. Bacqué et Y. Sintomer (2012) analysent cette montée de la thématique de la démocratie participative au regard de la concomitance de plusieurs éléments d’explication structurels : crise des formes traditionnelles de la représentation politique, crise de l’action bureaucratique traditionnelle, restructuration de l’Etat social, etc. En ce sens, les modes de gestion étatique sont bouleversés en profondeur.

« Les démocraties contemporaines se cherchent un nouvel esprit, de nouveaux fondements. Les formes classiques de la représentation politique survivent, mais leur légitimité s’amenuise et leur efficacité décline »18

.

Cette « crise de la représentativité » est accentuée par la coexistence de deux phénomènes ayant des incidences politiques majeures : la mondialisation et la décentralisation.

D’une part, à l’échelle planétaire, depuis quelques décennies, les flux de capitaux, de biens et de personnes connaissent une explosion sans précédent. Sous le poids de la mondialisation et d’un économisme triomphant, les échelles de décision changent, dépassant de plus en plus le territoire national entraînant des reconfigurations de la politique. Dorénavant, l’Etat a « une

double responsabilité »19 à la fois devant sa population mais également devant la communauté internationale. La participation devient alors une exigence contemporaine à la fois pour des raisons économiques, sociales et politiques en même temps qu’une contrainte amenant le rôle et les processus de légitimation de l’Etat à se transformer.

16 Blondiaux L., Le nouvel esprit de la démocratie. Actualité de la démocratie participative, La République des Idées, Seuil, 2008, p. 41.

17

Blondiaux L., « La démocratie participative, sous conditions et malgré tout. Un plaidoyer paradoxal en faveur de l’innovation démocratique », Revue Mouvements n° 50, juin 2007, p. 3.

18 Blondiaux L., Le nouvel esprit de la démocratie. Actualité de la démocratie participative, La République des Idées, Seuil, 2008, p. 5.

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D’autre part, la politique de décentralisation menée en France depuis les années quatre-vingt, renforce les transformations de l’Etat en conférant aux collectivités territoriales de nouvelles compétences. A. Mabileau parle d’un « retour au local »20

: la décentralisation permet « une relocalisation des politiques publiques »21 en rapprochant les besoins de la population et les lieux de décision. En effet, elle conduit à un renouvellement des modes traditionnels de gestion et d’administration afin d’accroître l’efficacité des services publics et la pertinence des politiques mises en place. Or, cette « crise » des formes traditionnelles de la représentation politique n’épargne pas les représentants locaux. La légitimité politique des décisions qu’ils prennent devient objet de discussions. Qu’il s’agisse des désillusions de la part des citoyens face à leurs représentants (Gaudin, 2013), d’une montée de la défiance à l’égard du politique (Rosenvallon, 2006 ; Blondiaux, 2008) ou d’un désenchantement démocratique (Perrineau, 2003), les élus s’accordent sur les difficultés à gouverner une société de plus en plus fragmentée et complexe.

A la différence d’une conception classique de l’intérêt général dicté dans la sphère du pouvoir, selon J. Habermas, la légitimité d’une décision est le résultat d’un processus de délibération ouvert à tous. Autrement dit, cette « crise de la gouvernabilité »22 relève davantage d’une crise de l’intérêt général, dont la définition, pour être acceptable doit passer par la connaissance et la reconnaissance des modalités de sa production (Rui, 2004). Dans le même sens, les travaux de L. Blondiaux et Y. Sintomer mettent en évidence la montée d’un véritable « impératif délibératif »23 entrainant d’importantes transformations des formes et des registres de justification de la décision. Peu à peu, l’idée selon laquelle « l’implication

politique des citoyens ordinaires s’inscrirait dans la conséquence de [ces] mutations sociales profondes »24 s’impose. La participation des citoyens constitue donc à la fois « un moyen de

régulation entre des partenaires de plus en plus nombreux, dans un contexte marqué à la fois par les mutations institutionnelles et par la construction européenne »25 en même temps qu’un moyen de démocratiser la démocratie représentative. C’est ce double mouvement, d’une part le tournant délibératif de la pensée politique contemporaine et d’autre part la

20 Mabileau A., « Les génies invisibles du local. Faux semblants et dynamiques de la décentralisation », Revue

Française de Sciences Politiques, 1997, p. 347.

21 Idem, p. 357.

22 Blondiaux L., Le nouvel esprit de la démocratie. Actualité de la démocratie participative, La République des Idées, Seuil, 2008, p. 27.

23

L. Blondiaux et Y Sintomer, « L’impératif délibératif », Presses universitaires de France, Rue Descartes, 2009.

24 Blondiaux L., Le nouvel esprit de la démocratie. Actualité de la démocratie participative, La République des Idées, Seuil, 2008, p. 28.

25 C. Blatrix, « La « démocratie participative », de mai 68 aux mobilisations anti-TGV. Processus de consolidation d’institutions sociales émergentes », thèse de doctorat en Science Politique, janvier 2000, p. 29.

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montée de cet impératif participatif dans l’action étatique que nous qualifions de démocratie participative.

I.1.b. La participation des citoyens : une pluralité d’enjeux

Au-delà de l’absence de définition consensuelle de la participation, cette notion se construit également autour de représentations, de pratiques et de procédures. Dans un contexte de multiplication de « détours participatifs » (Blatrix, 2010), les modalités et les finalités des dispositifs sont extrêmement variées (Bacqué, Rey et Sintomer, 2005). Ils renvoient à une pluralité d’enjeu autant pour la société civile que pour la sphère du pouvoir, que nous allons maintenant relever.

En premier lieu, la participation des citoyens « renvoie à toute une série d’objectifs en

termes d’efficacité »26 de l’action étatique. Cet enjeu managérial ou gestionnaire de la participation répond à la crise de la bureaucratie administrative traditionnelle. Les « gens

ordinaires »27 sont sollicités pour permettre à un savoir du quotidien de devenir visible et audible. En mobilisant les savoirs des usagers, les services de l’Etat et les collectivités territoriales seraient plus aptes à répondre aux besoins et aux attentes de la population. Cet enjeu gestionnaire de la participation renvoie à une idée dominante aujourd’hui dans le discours politique : celle d’une modernisation des services publics. D’ailleurs, de nombreux auteurs s’accordent à dire que les conseils de quartier renvoient davantage à des enjeux de gestion publique plutôt qu’à des enjeux démocratiques (Blondiaux, 2005 ; Bacqué, Rey, Sintomer, 2005). Dans cette perspective, la participation est avant tout un instrument de modernisation de l’action étatique.

Deuxièmement, l’institutionnalisation de la participation, notamment dans le cadre de la politique de la ville en France, renvoie à un enjeu social, selon lequel la participation vise à « transformer les rapports sociaux »28 :

« Dès lors, la participation vise sous différentes formes à remobiliser les habitants, à

recréer du lien, à ouvrir des espaces de rencontre et d’échange qui remplacent sous un autre mode les formes plus anciennes de sociabilité et d’encadrement, à former de nouveaux interlocuteurs ou leaders aptes à organiser leur collectivité, à dépasser certains conflits »29.

26 C. Blatrix, « La « démocratie participative », de mai 68 aux mobilisations anti-TGV. Processus de consolidation d’institutions sociales émergentes », thèse de doctorat en Science Politique, janvier 2000, p.10.

27

Clarke J. et Vannini L., « L'enrôlement des gens ordinaires », l'évitement du politique au cœur des nouvelles stratégies gouvernementales ?, Participations, 2013/2 N° 6, p. 167-189.

28 Bacqué M.-H., Rey H., Sintomer Y. (sous la direction de), Gestion de proximité et démocratie participative,

une perspective comparative, Paris, collection la Découverte, 2005, p. 28.

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Dans ce cadre, il s’agit d’accroître les compétences des « exclus » ou leur « empowerment » (Rosenberg, 2001 ; Carrel, 2007 ; Biewener et Bacqué, 2012) Cette notion fait référence à « un processus d’apprentissage des individus membres de groupes défavorisés

en vue d’une insertion sociale où ils peuvent faire valoir leur culture et leurs intérêts »30

. Néanmoins, de manière générale en France, au regard des objectifs poursuivis par les commanditaires, la conception de l’intervention auprès des habitants des quartiers d’habitat social s’envisage davantage sous le mode d’une « injonction participative »31

que d’une démarche de justice sociale favorisant les groupes dominés. Dans ce cadre, l’objectif est d’éduquer les habitants à la citoyenneté pour leur permettre de formuler des propositions relevant de l’intérêt général (Carrel, 2007) et souvent, les couches moyennes deviennent la norme de référence sur laquelle doivent s’aligner les couches populaires (Bacqué, Rey, Sintomer, 2005). Dans tous les cas, les thématiques du vivre-ensemble et de la formation à la citoyenneté sont au cœur des dispositifs pour répondre à cet enjeu social.

Quant à l’enjeu politique, la démocratie participative renvoie « à des objectifs en termes de

démocratisation de la décision et de développement de la citoyenneté »32. La participation est censée « déboucher sur une transformation des relations civiques »33. Certains travaux montrent ainsi que, malgré les limites inhérentes aux procédures participatives, l’ouverture d’espaces de discussions constitue une véritable avancée de la démocratie du point de vue des gouvernés. La participation est envisagée comme permettant de transformer en profondeur le système politique institutionnel (Bacqué et Sintomer, 2012). Les dispositifs de concertation permettent d’ « enrichir le débat », d’ « éclairer l’opinion publique » ou d’« informer la

décision »34. De plus, ils facilitent l’accès à l’information, la confrontation des points de vue et des connaissances relatives à l’objet mis en discussion. De même, la participation concourt au développement d’une certaine culture civique des individus engagés dans le processus (Bacqué, Rey, Sintomer, 2005). De plus, les procédures de concertation participent de l’évolution des relations entre les citoyens et les élus. Toutefois, du point de vue des gouvernants, la participation s’envisage souvent comme permettant de légitimer le système politique et les décisions prises (Gaudin, 2013) plutôt que de démocratiser le processus

30 Bacqué M.-H., Rey H., Sintomer Y. (sous la direction de), Gestion de proximité et démocratie participative,

une perspective comparative, Paris, collection la Découverte, 2005, p.30.

31 Carrel M., « Pauvreté, citoyenneté et participation : quatre positions dans le débat sur la « participation des habitants » », 2007, p. 100.

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C. Blatrix, « La « démocratie participative », de mai 68 aux mobilisations anti-TGV. Processus de consolidation d’institutions sociales émergentes », thèse en Science Politique, janvier 2000, p. 10.

33 Bacqué M.-H., Rey H., Sintomer Y. (sous la direction de), Gestion de proximité et démocratie participative,

une perspective comparative, Paris, collection la Découverte, 2005, p. 31.

34 Bourg D. et Boy D., Conférences de citoyens, mode d'emploi: les enjeux de la démocratie participative, Descartes &Cie, 2005.

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décisionnel. Autrement dit, cet enjeu politique des dispositifs participatifs renvoie vers un équilibre incessant à trouver entre « technique de gouvernement » ou « instrument

d’émancipation politique » (Blondiaux, 2008).

Ensuite vient l’enjeu écologique. Il connait depuis plusieurs années un écho particulier, notamment en France au travers des Grenelle de l’environnement. La thèse de Bourg et Whiteside (2010), par exemple, défend l’idée que la prise en compte des enjeux environnementaux nécessite d’enrichir la démocratie représentative par des formes plus participatives. L’idée d’une nécessité de « décider autrement »35

en matière d’environnement est largement partagée, autant dans les milieux universitaires qu’auprès des instances politiques ou au sein des entreprises et industries. Le débat public est en ce sens une procédure emblématique. Le législateur prévoit la tenue d’un débat dès qu’un projet a « des

impacts significatifs sur l’environnement ou l’aménagement du territoire »36

. En effet, un débat en amont de toute étude de tracé permet une meilleure prise en compte des enjeux environnementaux tant qu’ils sont exempts des questions de riveraineté (Rui, 2004).

Pour conclure, ces différents registres de la participation, dans les faits, se mélangent les uns aux autres sans que l’ambiguïté ne soit jamais levée. Par exemple, cet impératif de modernisation et d’efficacité de l’action étatique (enjeu gestionnaire) et le souci de démocratisation des processus décisionnels (enjeu politique) s’entremêlent constamment, bien qu’à des degrés différents. De même, la volonté de légitimer la décision publique en matière d’aménagement du territoire (enjeu politique) et la nécessité d’une meilleure prise en compte de l’environnement (enjeu écologique) sont des dimensions perceptibles au sein d’une même procédure. La participation des habitants d’un quartier populaire (enjeu social) répond également à un enjeu gestionnaire visant à accroître l’efficacité de l’action étatique.

I.1.c. Démocratie participative et démocratie représentative : quelle(s) articulation(s) entre ces deux modes de gouvernement ?

De manière générale, depuis les années quatre-vingt, de nombreux projets en France sont touchés par une augmentation importante de la conflictualité. La contestation civique est double. D’une part, elle concerne le repérage de ce qui pose problème. Le système politique et financier ne peut pas toujours identifier de manière efficace ce qui pose problème dans la société. D’autre part, la contestation porte également sur la demande d’une meilleure

35 Mermet L., Berlan-Darqué M. (dir.), Environnement : décider autrement, Paris, l’Harmattan, 2009.

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implication de la société civile dans la résolution des problèmes. Par exemple, les enquêtes concernant le sang contaminé, l’amiante ou la « vache folle » ont démontré que les pouvoirs publics avaient fait des choix contraires à la sécurité sanitaire afin de préserver des intérêts économiques. En ce sens, le rapport au pouvoir de la société civile évolue et une dynamique civique se structure pour identifier les problèmes sociaux et faire pression sur le système étatique pour qu’il les traite. Les citoyens refusent de plus en plus la manière dont l’intérêt général est défini par les décideurs politiques. Face à la faillibilité de l’Etat à identifier les problèmes et à les résoudre, la société civile se mobilise.

Dans ce contexte, une première interprétation de l’articulation entre démocratie participative et démocratie représentative voit le jour. La démocratie participative vise la démocratisation de la démocratie représentative. En ce sens, la participation est envisagée comme permettant de relever les nouveaux défis liés à la modernité, sans se substituer à la démocratie représentative, puisqu’elle est conçue comme un processus qui la complémente (Blondiaux 2007). Surtout en France, « l’institutionnalisation de la participation aboutirait à

compléter ou à corriger la démocratie représentative en renforçant la communication entre représentants et représentés »37. Cependant, si « la participation est jusqu’à présent vue

comme une sorte de complément « vitaminé » de la démocratie représentative ou une compensation de ses insuffisances »38, elle peine alors à trouver sa place en dehors des « marges de la représentation politique »39. Bien que les modes de gouvernement représentatifs montrent des limites dans la prise en charge des préoccupations civiques, la participation se limite souvent à cet espace lacunaire laissé par la démocratie représentative et « le jeu des assemblées »40. Elle reste donc reléguée « à un rang symboliquement inférieur à

celui de la démocratie représentative »41.

Une deuxième interprétation émerge dans le prolongement des travaux de J. Habermas selon laquelle la délibération ne caractérise pas uniquement l’activité des représentants politiques mais qu’elle s’ancre dans les discussions ordinaires des simples citoyens (Blondiaux, 2005). Selon cette perspective, « l’élection ne représente qu’un moment

particulier dans un débat ininterrompu »42. La démocratie participative constitue également

37 Bacqué M.-H., Rey H., Sintomer Y. (sous la direction de), Gestion de proximité et démocratie participative,

une perspective comparative, Paris, collection la Découverte, 2005, p. 34.

38

Jean-Pierre Gaudin, La démocratie impossible, 2ème édition, Armand Colin, 2013, p. 120.

39

Idem, p. 125.

40 Idem

41 Idem

42 Bacqué M.-H., Rey H., Sintomer Y. (sous la direction de), Gestion de proximité et démocratie participative,

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un complément de la démocratie participative car les élus conservent le monopole de la prise de décision politique. Toutefois, l’enjeu consiste à mettre en place des procédures