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Un écrit créatif

Dans le cadre d’un EPI (Enseignement de Pratiques Interdisciplinaires), sous la direction de leurs professeurs de mathématiques et de français, les élèves de la 3e 6 du collège du Cèdre du Vésinet

devaient au cours de cette année produire de manière collaborative un roman à énigmes.

Lors de la première séance, les professeurs ont présenté le projet, annoncé les objectifs et demandé aux élèves, afin qu’ils s’en emparent, comment ils en imaginaient la rédaction. Au cours du brainstorming qui suivit, de nombreuses idées ont été notées au tableau et, finalement, ils ont choisi de partir sur une histoire de machine à remonter dans le temps qui permettrait de se rendre à la recherche d’inventeurs. Ensuite, ces introductions ont été anonymées et l’une d’entre elles a été choisie par l’ensemble de la classe. Les élèves se sont répartis par groupe de deux ou trois et chaque groupe s’est vu confier la réalisation d’un chapitre sur l’Edu-Pad.

Cependant, après quelque temps, la plupart de ces élèves ont décidé d’abandonner ce projet. Certains d’entre eux, certainement plus motivés, ont choisi de le poursuivre afin de pouvoir le présenter au diplôme national du brevet. Pourtant, ne pouvant s’engager dans la totalité d’un roman, ils suggérèrent à leurs professeurs d’écrire plutôt une nouvelle. Ils décidèrent donc de partir de l’introduction qui avait été choisie et de se répartir l’écriture des différents chapitres.

Cette fois encore, chaque chapitre faisait l’objet d’un pad différent, rangé dans le dossier EPI2019. Mais, très vite, les élèves ont préféré travailler tous ensemble sur le même document. L’un d’entre eux a même préféré écrire auparavant le chapitre qui lui avait été octroyé dans un autre traitement de texte et l’a copié dans le pad une fois terminé. Les relectures et corrections ont pu, dès lors, être apportées par ses camarades sur son texte.

C’est ainsi que nous nous sommes retrouvés avec un pad assez volumineux qui, parfois, nous amenait aux limites des possibilités de cet outil qu’est Etherpad.

IACONO Eric

Suivant les conseils de leur professeur de français, les élèves ont, avant l’écriture de la nouvelle, réalisé des fiches de personnage, caractérisant chacun d’entre eux tant du point de vue physique (grain de beauté, malformation, parure particulière etc.) qu’intellectuel, voire spirituel. Cela leur a permis d’obtenir une cohérence tout au long des chapitres.

À ce propos, un élève, confronté à ce genre de problème, demanda à un autre via la zone de clavardage s’il pouvait lui envoyer les fiches de personnage. Personne ne les retrouvant, ils se sont décidés à contacter directement leur professeur.

figure. 8

Echange entre élèves sur le chat de l’écrit créatif

Cette anecdote est assez révélatrice d’une des caractéristiques de ces élèves. Il est, en effet, souvent rapporté qu’ils ont d’assez grandes difficultés d’organisation aussi bien au niveau matériel qu’à celui des idées. A ce sujet, Vanmeerbeek écrit que « leur souci de la perfection ou du détail, leur sens critique, le manque d’organisation pratique peuvent les desservir et aboutir à des résultats en dessous de la moyenne.63 »

Un écrit réflexif

L’écrit réflexif fut, lui, mis en place sur le réseau d’aide de Garancières, dans les Yvelines, sous l’impulsion de la psychologue de l’éducation nationale de ce RASED. Il s’agissait de parvenir à obtenir de la part de quelques élèves à haut potentiel ayant été testés par cette psychologue, des retours sur leurs modes de fonctionnement dans le but de préparer un document que l’on pourrait annexer au PPRE Elèves à Haut Potentiel réalisé par le groupe de travail éponyme des Yvelines. Il semblait important à tous les membres de ce réseau64 de nourrir ce document de propos d’élèves. Cela pour

que chacun, élève, enseignant ou famille, s’en empare et parvienne à une meilleure compréhension de ce mode de fonctionnement spécifique.

63 Vanmeerbeek et coll. Enfants à haut potentiel : attitude du médecin traitant, Presse Med, Masson, Paris,

2006

64 La psychologue de l’éducation nationale, la maître G, chargé de l’aide rééducative et le maître E, chargé de

Nous avons souhaité le réaliser sur ce traitement de texte collaboratif afin de pouvoir observer, en outre, si le fait de travailler à plusieurs pourrait leur permettre de progresser tant du point de vue de la maîtrise de la langue que du développement des compétences sociales.

Après avoir choisi une dizaine d’élèves qui seraient potentiellement intéressés pour participer à cette étude, nous avons élaboré trois pads différents que nous avons regroupés dans un dossier « Projet écriture EIP ».

Initialement, nous avions prévu de ne communiquer l’adresse d’un seul pad à chaque groupe d’élèves, mais très vite, la plupart d’entre eux, enthousiastes, nous ont demandé s’ils pouvaient également participer aux autres écrits. Nous leur avons donc communiqué l’adresse du dossier.

Chaque pad abordait un point précis concernant les élèves à haut potentiel, et nous avions, afin de guider leur réflexion, proposé quelques questions qui étaient déjà écrites dans les documents.

• Écrits réflexifs – groupe 1 : De quelle façon apprends-tu ? o Quels sont tes points d’appui (tes forces) ?

o Qu’est-ce qui est le plus difficile pour toi ?

• Écrits réflexifs – groupe 2 : Comment te sens-tu à l’école – au collège ? o 1 - Dans ta classe ?

o 2 - Dans tes relations aux autres élèves ? o 3 - Dans ta relation aux adultes ?

• Écrits réflexifs – groupe 3 : Des conseils…

o Quels conseils donnerais-tu aux adultes pour accompagner au mieux les élèves à haut potentiel ?

o Quelle serait ton école idéale ?

Parmi les dix élèves sélectionnés pour participer à ce projet, quatre ont écrit dans les trois pads et cinq dans les pads n°1 et n°2. La grande majorité de ces élèves – sept – ont participé au pad n°1.

L’idée initiale était de ne produire qu’un seul texte, mais nous nous sommes vite aperçus que cela serait difficile avec des élèves qui ne se connaissent pas. Ces derniers, d’ailleurs, n’ont pas du tout utilisé la zone de chat65 et ont décidé d’écrire, sans se concerter, dans le ou les pads de leurs choix

65 Un ou une ? élève l’a utilisée pour nous informer du temps de réflexion dont il ou elle ? avait besoin face à

IACONO Eric

directement, sous les questions que nous avions posées, les uns à la suite des autres sans jamais intervenir sur les écrits qui n’étaient pas les leurs.

Les écrits intermédiaires

Les écrits intermédiaires ou écrits de travail représentent des outils pour apprendre à penser. Ils sont des « médiateurs cognitifs et affectifs66 » et leur étude permet au professeur de repérer les liens entre

l’écriture et la réflexion de l’élève. En analysant les corpus récoltés, via l’historique dynamique du logiciel qui permet de prendre en compte toutes les phases de l’écriture, nous pourrons observer les caractéristiques des écrits de ces élèves à haut potentiel et mieux comprendre la manière dont ils les élaborent.

Il est possible, notamment, de voir si les changements initiés par les élèves sont le fruit d’une réflexion métalinguistique lorsque, tout en écrivant, ils se rappellent les règles du système linguistique et les appliquent à leurs écrits. Ou bien, de la même manière, nous pouvons voir si les modifications lexicales successives sont les marqueurs d’une activité métadiscursive et attestent de leurs compétences syntaxiques.

Cet outil d’écriture collaborative, en rendant visibles les différentes phases d’élaboration d’un texte, nous donne accès à son évolution et nous permet de voir si, d’une part, les élèves se relisent et se corrigent en écrivant et, d’autre part, si le travail collaboratif peut être, pour eux, une source de réflexion voire d’innutrition.