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des choses, l’utilisateur a donc également besoin d’une licence pour pm2. Les résultats de cette analyse sont importés dans Matlab c sous forme d’un fichier SDIF3 [SW00].

En dernier lieu, notons que si la connaissance instrumentale (voir section 7.1.2) est stockée dans une structure de données dont la taille avoisine les 10 mégaoctets, en revanche l’ensemble des échantillons instrumentaux nécessaires aux simulations d’orchestration occupe aujourd’hui un espace mémoire de plusieurs gigaoctets, et ce pour une représentativité seulement partielle des possibilités instrumentales (voir paragraphe 8.1.1).

Il est évident que la simulation par lecture de simples fichiers son n’est pas extensible à l’infini. Deux solutions s’offrent alors à nous :

1. Ne retenir qu’un échantillon par zone de hauteur et de dynamique où le timbre varie peu, et recourir « à la volée » à des techniques de transposition et d’ajustement de volume. C’est la stratégie adoptée par la plupart des samplers.

2. Développer un moteur de synthèse instrumentale puissant et réaliste, mais cela sort to-talement de notre domaine de compétences. Il serait alors plus raisonnable de convenir d’un format standard de données (de type MIDI4) grâce auquel les propositions d’or-chestrations pourraient être « interprétés » par un environnement de synthèse existant, quoique la généricité d’un tel format n’a rien d’évident. Cette question reste aujourd’hui en suspens. . .

12.3 Considérations sur les limites actuelles

Notre outil d’aide à l’orchestration est encore loin de répondre à toutes les situations d’« écriture du timbre » : dans sa version actuelle, il ne permet de traiter qu’une partie des scénarii imaginés par les compositeurs (voir section 4.2). Il convient toutefois de distinguer, parmi ces limites, celles qui tiennent à l’état de nos connaissances et à l’avancement de nos recherches, de celles imposées par notre approche de l’orchestration assistée par ordinateur.

12.3.1 Description du timbre

Nous ne pouvons nier que la description sonore utilisée dans notre système ignore de nombreux aspects du timbre. En outre, la pertinence d’une approche multicritère utilisant des descripteurs essentiellement harmoniques ou spectraux — donc potentiellement redondants — mérite d’être posée. Nous avons toutefois montré au chapitre 8 que lorsque la cible à orchestrer peut être décrite de manière uniquement spectrale5, notre approche se justifie malgré la potentielle corrélation entre les différentes dimensions. Quant aux aspects temporels ou spectro-temporels du timbre, nous renvoyons le lecteur aux travaux de Damien Tardieu [TR07] portant sur la caractérisation du timbre instrumental à l’aide de modèles statistiques, en rappelant que notre système devrait en bénéficier d’ici peu. Pour l’heure, nous ne pouvons que nous restreindre à une description du son accessible à notre expertise.

3

Sound Description Interchange Format. Il s’agit d’un format standard pour la description des sons, défini par l’IRCAM et le CNMAT.

4

Musical Instrument Digital Interface (voir [SF97]).

5

Les timbres utilisés comme cibles de test aux chapitres 8 et 11 sont des textures polyphoniques sans variations temporelles, et dont le spectre est relativement stable dans le temps.

184 CHAPITRE 12. PROTOTYPE ACTUEL

12.3.2 Timbre et hauteur

Tous les sons de la base de données constituant la connaissance instrumentale sont harmo-niques et monophoharmo-niques. L’extraction des principaux partiels résolus de la cible permet de déduire la contribution de chaque son de la base à un spectre « simplifié », et cette contribution se fait actuellement par le prisme de la hauteur (voir section A en annexe). Dans notre sys-tème d’aide à l’orchestration, la hauteur est donc implicitement considérée comme un attribut privilégié, alors qu’une part significative de la musique contemporaine prétend au contraire s’en affranchir.

Peut-il en être autrement ? « Le problème, lorsqu’il s’agit d’évaluer le rôle du timbre en soi, est que, pour la plupart des musiques occidentales dont l’importance esthétique est avérée, l’utilisation du timbre est largement subordonnée aux structures de hauteurs et de rythmes. » (McAdams & Saariaho, Qualités et fonctions du timbre musical, in [Bar85]). Erickson [Eri75] confirme ce point du vue, et va jusqu’à douter qu’on puisse se passer de la hauteur : « La hauteur complique énormément la situation, et il n’est pas sûr que l’on puisse envisager des situations où elle n’intervienne pas de façon significative. »

En se tournant vers le timbre (voir chapitre 2), la pensée musicale a certes tempéré l’impor-tance de hauteur, mais ne l’a pas éradiquée pour autant. L’écriture basée sur une organisation des hauteurs a perduré avec la musique spectrale, dans laquelle le timbre est majoritairement considéré comme une agrégation fusionnée de hauteurs. D’autre part, l’utilisation massive de la transformée de Fourrier, qui permet de décomposer le son en une somme de hauteurs élé-mentaires, a très certainement contribué au maintien du primat de la hauteur. Notre outil d’orchestration, en partant de l’analyse d’un son cible et en tentant de l’approcher à l’aide d’une mixture de sons monophoniques ne cautionne-t-il pas cette supériorité de la hauteur, et ne favorise-t-il pas une approche spectrale de l’orchestration ?

Au début de notre thèse, les techniques liées aux descripteurs spectro-harmoniques du si-gnal étaient déjà suffisamment matures pour qu’un modèle spectral du timbre instrumental, à la fois descriptif et prédictif, puisse être rapidement développé. Nos premiers travaux [CTA+06] ont ainsi concerné l’imitation d’un instrument de l’orchestre par un petit groupe de deux ou trois instruments. L’analyse spectrale et la décomposition harmonique de la cible à travers les MRP (voir paragraphe 8.1.2 et annexe A) procédaient de cette démarche initiale. Dans un second temps seulement fut-il question de problèmes plus généraux, que nous avons délibéré-ment choisi d’aborder avec la même description. Les composantes transitoires ou bruitées du timbre étant beaucoup plus délicates à modéliser, il était normal que la recherche sur l’aide à l’orchestration se concentre dans un premier temps sur des problèmes spectraux, sans jamais cependant les traiter comme une finalité, mais comme un moyen à la fois d’éprouver notre approche combinatoire de l’orchestration et de valider nos stratégies d’optimisation basées sur une conception descriptive du timbre.

Cette vision de l’orchestration, dans laquelle le timbre comme objet d’analyse induit une organisation des hauteurs, s’apparente fort à la démarche du mouvement spectral. Bien que n’ayant jamais affiché la volonté de privilégier une esthétique musicale particulière, il est inévitable que dans les premiers temps de son émergence une technologie favorise certaines pratiques. Là où certains pourraient donc dénoncer une dérive ou une focalisation esthétique, nous préférons y voir un point d’entrée vers la complexité de l’orchestration. Notre recherche n’est en rien confinée dans le spectralisme, mais l’approche analytique de cette démarche l’a rendue plus perméable à une pensée scientifique qui s’aventurait en terre inconnue.

12.3. CONSIDÉRATIONS SUR LES LIMITES ACTUELLES 185

12.3.3 Liberté et contrôle

Aussi bien dans le cas d’une orchestration imitative que d’une orchestration générative, l’analyse d’un son est une étape incontournable de notre approche. A partir de cette analyse, notre système va chercher des combinaisons instrumentales dont le timbre résultant présente une certaine similarité avec le son initial. Les orchestrations proposées par l’outil demeurent donc dans un rapport indépassable de subordination au son premier. La « synthèse instru-mentale » du son visé, toujours conditionnée par l’analyse du « timbre premier », ne pourra jamais prétendre à la même liberté expressive que la démarche sémantique de Varèse ou de Lachenmann (voir section 2.1), où la mise en temps et en espace du vocabulaire sonore n’est pas gouvernée par un système préexistant à l’œuvre. En revanche, elle sera plus aisément « contrôlable » par un outil scientifique orienté vers la création tel que celui que nous propo-sons.

12.3.4 Fusion instrumentale

Si les fonctions d’agrégation définies en annexe A permettent de prédire avec une précision acceptable (cf. chapitre 8) les valeurs de descripteurs d’une configuration, rien ne permet en revanche d’estimer la qualité de la fusion instrumentale des solutions proposées. En d’autres termes, rien ne permet de prédire si les orchestrations découvertes par notre système seront perçues comme un accord où comme un timbre unifié (sur ce point voir Erickson [Eri75]). Les études menées sur les phénomènes de fusion acoustique ont montré qu’ils étaient aussi délicats à décrire qu’à prévoir. Hormis quelques cas triviaux — on sait par exemple qu’un violon vibré et un accord de cuivres sont perçus comme deux plans sonores distincts — la fusion instrumentale dépend de nombreux paramètres, comme la synchronicité de l’entrée et de l’évolution des voix, les rapports de hauteurs et d’intensité, les instruments utilisés et leur disposition spatiale. . . A l’heure actuelle, nous n’avons pas d’autre choix que de laisser au compositeur le soin de contrôler et d’estimer par lui-même le niveau de fusion instrumentale. Après tout, on trouve déjà chez Wagner, Debussy, Schoenberg, Webern et Stravinsky des agrégats de hauteurs que l’on perçoit davantage comme des timbres que des accords. Cent ans après, il est donc permis de supposer chez les compositeurs une bonne connaissance de ces mécanismes, grâce à laquelle il pourront adapter les orchestrations proposées par le système au degré de fusion instrumentale souhaitée.

12.3.5 Aspects temporels

Notre système ne pouvant aujourd’hui décrire et orchestrer que des sons stationnaires, l’évolution temporelle du timbre n’est pour l’instant possible que via un découpage de la cible en plusieurs segments statiques. Le compositeur est donc amené à définir autant de cibles et à rechercher autant de solutions que de segments. Non seulement cette approche ne permet d’appréhender que des tranformations relativement lentes du timbre, mais elle n’offre en outre aucun contrôle sur les transitions entre les segments. Les orchestrations étant recherchées de manière indépendante, la continuité timbrale et la jouabilité des transitions sont laissées à l’appréciation du compositeur. Nous verrons toutefois au chapitre 14 un exemple de timbre dynamique dont seul le début a été orchestré avec notre système, et dont la fin est déduite par modification continue de paramètres de jeu. Nous présenterons également deux exemples dans lesquels le solveur de contraintes présenté au chapitre 10 est utilisé pour transformer

186 CHAPITRE 12. PROTOTYPE ACTUEL

graduellement une orchestration par l’ajout de contraintes supplémentaires, offrant ainsi la possibilité d’un contrôle temporel du timbre à l’aide de variables symboliques.

12.3.6 Etendue de la connaissance instrumentale

Au cours de nos multiples collaborations et rencontres avec les compositeurs, ces derniers n’ont pas manqué d’émettre un certain nombre de critiques sur notre outil. La principale concerne les limitations de l’instrumentarium actuellement disponible. Notre caractérisation exclusivement spectro-harmonique du timbre restreint en effet la connaissance instrumentale à des échantillons d’instruments à sons harmoniques et entretenus. Les sons de percussions, de piano, de harpe, de guitare ou encore de pizzicati de cordes n’y figurent donc pas. Bien qu’ils possèdent tous, à l’exception d’une certaine classe de percussions, des composantes harmoniques et une hauteur unique clairement identifiable, leur intégration dans notre système nécessite une compréhension de la façon dont ils se mélangent aux son entretenus, ce qui dépasse aujourd’hui le spectre de nos connaissances.

Au caractère entretenu des échantillons instrumentaux s’ajoute également une condition d’harmonicité. Notre approche de l’orchestration consiste en effet à « expliquer » un spectre complexe par un ensemble de spectres harmoniques. Au grand dam de nombreux compositeurs, les instruments à spectre complexe (tels que certaines percussions ou les vents en « multipho-nique ») ne peuvent donc intervenir dans nos propositions d’orchestration. Leur incorporation à l’instrumentarium nécessiterait de « repenser » notre critère harmonique : comment en effet qualifier la contribution de ce type de sons aux principaux partiels résolus de la cible en dehors du prisme monophonique ? C’est une question qui reste pour l’instant ouverte.

Nous ne devons cependant pas oublier que la connaissance instrumentale de notre système est encore bien loin de couvrir l’ensemble des sons harmoniques et entretenus. Tuba, accor-déon, saxophones, contrebasson, clarinette basse, trombone basse, flûte picolo, flûte basse produisent des timbres accessibles à nos descripteurs et leur utilisation est fréquente dans les grands orchestres comme dans les ensembles. La généralisation du notre outil d’orchestration pourrait donc déjà commencer par l’ajout de ces instruments, ainsi qu’à la possibilité pour l’instrumentarium complet de jouer en quarts de tons.

La possibilité pour les compositeurs de compléter la connaissance instrumentale à l’aide de leurs propres banques de sons est également apparue, au cours des divers échanges et collabo-rations avec ces derniers, comme un enjeu crucial. Nombreux sont en effet les compositeurs qui travaillent à partir d’esquisses enregistrées par leurs futurs interprètes et qui préfèrent utiliser ces sons plutôt que ceux du système. Le cas d’un compositeur/interprète ayant une connais-sance plus approfondie que le système sur la pratique de son instrument peut également se présenter. Enfin, l’apport de sons électroniques doit également permettre d’utiliser l’outil pour des pièces mixtes.

Toutes ces raisons justifient la possibilité de pouvoir « personnaliser » la connaissance instrumentale de l’outil d’aide à l’orchestration, via une interface dévolue à la création de nouveaux instruments, couplée à un outil automatique d’extraction de descripteurs. Cette fonctionnalité requiert toutefois que les sons importés par l’utilisateur soient cohérents en termes de dynamiques avec les sons « natifs » du système, sous peine d’obtenir des orchestra-tions aberrantes du point de vue des équilibres acoustiques entre les différentes sources. Là encore, il n’existe pas de réponse toute faite. On peut éventuellement envisager une procédure bien calibrée pour ajuster le gain des échantillons en fonction d’une dynamique théorique

don-12.3. CONSIDÉRATIONS SUR LES LIMITES ACTUELLES 187

née par l’utilisateur. Une telle solution n’a rien d’évident à mettre en œuvre, car l’intensité perceptive est une donnée éminemment subjective. En outre, elle ne résout pas le problème des sons électroniques, pour lesquels la notion de dynamique — au sens d’une intention de compositeur laissée à l’appréciation des interprètes — n’existe pas vraiment.

Chapitre 13

Scénario d’utilisation

Un exemple d’orchestration imitative Relance de l’algorithme à partir d’une solution intermédiaire Contrôle de l’évolution temporelle à l’aide de contraintes Ce chapitre est un exemple d’orchestration imitative dont le processus complet, du son cible initial à la partition définitive, est détaillé étape par étape. La notion d’interface avec l’utilisateur est ici centrale. Les concepts utilisés ont tous été introduits dans les chapitres précédents, à l’exception toutefois de la notion de « clustering par schémas » (voir section 13.2), qui permet de regrouper les solutions efficientes en catégories distinguées selon des paramètres symboliques. Le lecteur est invité à avoir en tête les schémas des figures 12.1 et 12.2.

13.1 Données d’entrée

Les éléments permettant de contrôler le système en entrée sont reportés figure 13.1. La fe-nêtre de gauche permet de définir l’effectif orchestral. Au centre, un patch Max/MSP contrôle l’analyse du son à orchestrer ainsi que le « mapping de fondamentales » (voir infra). A droite, les partiels de la cible sont « projetés » sur un ensemble de spectres harmoniques.

Le patch central se décompose lui-même en deux blocs principaux. Dans la partie su-périeure, une visualisation en forme d’onde permet de sélectionner une partie « stable » du timbre à reproduire. Un certain nombre de paramètres contrôlent également l’extraction des principaux partiels résolus (MRP — voir paragraphe 8.1.2 et annexe A) par le programme pm2. La partie inférieure est utilisée pour « relier » les MRP à un ensemble réduit de hauteurs fondamentales sur ces partiels. Cet ensemble de hauteurs agit comme un filtre sur la base de données constituant la connaissance instrumentale : les sons dont la hauteur n’appartient pas à l’ensemble ne peuvent pas figurer dans les propositions d’orchestration. L’hypothèse sous-jacente est qu’ils ne possèdent pas de partiels communs avec les MRP de la cible.

Dans le cas présent, la cible est un son de trombone joué avec une anche de basson (ce problème nous a été soumis par le compositeur Yan Maresz). Nous avons ici choisi d’extraire 25 partiels principaux avec une résolution fréquentielle (f 0min) de 50 Hz. Selon le type de cible, les valeurs de ces paramètres peuvent être capitales pour la pertinence de l’analyse. Vient alors ensuite une autre étape cruciale pour la réussite de l’orchestration : la détermination des hauteurs parmi lesquelles l’algorithme de recherche pourra choisir les sons candidats. Plusieurs possibilités s’offrent à l’utilisateur :

190 CHAPITRE 13. SCÉNARIO D’UTILISATION