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Considérations générales sur l’extraction minière artisanale, à petite échelle (EMAPE) de diamant

CADRE GENERAL DE LA ZONE D’ETUDE

1.5. Considérations générales sur l’extraction minière artisanale, à petite échelle (EMAPE) de diamant

1.5.1. Perception historique de l’EMAPE

L’exploitation minière artisanale en Afrique remonte loin dans l’histoire. Durant des siècles y compris la période coloniale, les régions occidentale et australe d’Afrique étaient de grandes exportatrices d’or vers le reste du monde. Le Ghana a longtemps été une grosse source de production d’or dans le monde, d’où son ancien nom de «Gold Coast» donné par les explorateurs européens. Avec l’avènement de l’exploitation industrielle à grande échelle des mines à partir du XVIIIe siècle, période de la révolution industrielle, les mineurs artisanaux vont progressivement être combattus et pourchassés (Foumbi, 2013).

Pour rester dans le cadre de notre étude relative au secteur diamantifère, il sera reproché aux chercheurs de diamant d'écrémer les gîtes alluvionnaires (Vogt, 1959): après leur passage, les teneurs résiduelles ne seraient plus exploitables par des méthodes industrielles. D'autre part, la diminution de la production industrielle prive les budgets des États de précieuses redevances minières et de taxes à l'exportation, particulièrement importantes. Les chercheurs de diamant et les commerçants, auxquels la notion d'intérêt public échappe totalement, esquivent toute ponction fiscale sérieuse. Aussi est-il permis de parler d'un pillage du potentiel minier, pillage compromettant l'avenir au profit non pas du travailleur, mais du commerçant et d'une population plus ou moins interlope vivant de la spéculation et de l'usure. L'exploitation anarchique du diamant telle qu'elle s'est développée en Afrique de l’ouest, est aussi source d’un déséquilibre économique : elle est responsable de l'abandon des cultures vivrières.

Cependant, on constate aujourd’hui que dans la sous-région ouest africaine comme dans toute l’Afrique subsaharienne, l’exploitation minière artisanale, à petite échelle se développe rapidement, par endroits de manière incontrôlée et en dehors de tout cadre légal ou réglementaire. Il est donc nécessaire de lui accorder une attention particulière. Le poids économique et social de l’exploitation minière artisanale, à petite échelle n’est pas à négliger. Selon une étude du Bureau international du travail (BIT, 2000), les petites exploitations minières assurent 80 à 100% de la production d’or, de diamant et de pierres précieuses, dans certains pays producteurs africains (ex : des pays de l'UFM) avec un extremum rencontré en Côte d'Ivoire où 100 % de l'exploitation diamantifère est artisanale.

les petites exploitations minières peuvent être considérables, en particulier pour les communautés ne disposant d’aucune autre source de revenus que les mines.

1.5.2. Définition de l’EMAPE

Selon une étude récente de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA) et le Bureau sous-régional pour l’Afrique de l’Ouest (CEA/BSR-AO), on distingue trois grands types d'exploitation minière (Foumbi, 2013): les exploitations à grande échelle (ou grandes mines), les exploitations à petite échelle (ou petites mines) et les exploitations minières artisanales (ou mines artisanales).

1.5.2.1. Définition de l’exploitation minière à grande échelle

L'exploitation minière à grande échelle, appelée aussi « exploitation minière industrielle » ou encore « grande mine », est celle qui emploie le plus grand nombre d’employés et qui extrait la presque totalité des ressources prélevées. Elle exige de gros investissements, des installations fixes de grande taille et l'utilisation des procédés industriels qui passent par l’exploration pour la mise en évidence d'un gisement, l'extraction, le traitement et la transformation des substances minérales. Son investissement est lourd et sa durée de vie est généralement supérieure à 5 ans.

Figure 12 : Site d’exploitation minière à « grande échelle », Source Africa Progress Panel, Focus areas, 2013.

L'exploitation se fait sur une grande échelle, implique l'excavation d'énormes mines à ciel ouvert, ou le creusement de vastes cavernes souterraines. Les déchets miniers constitués par la roche extraite non utilisée dans le processus d'exploitation sont empilés en blocs massifs, pouvant atteindre plusieurs dizaines de mètres de haut dans certains cas. Ce type d’exploitation minière ne sera pas traité dans notre étude.

1.5.2.2. Définition de l’exploitation minière à petite échelle

Le terme « exploitation minière à petite échelle » fait l'objet d'un grand débat tant parmi les analystes qu’au niveau des pays. En Afrique de l’Ouest et de façon générale, les principaux critères communément évoqués pour définir le contenu de l’exploitation minière à petite échelle sont:

 la dimension physique du gisement et la continuité ou non des opérations d’exploitation ;

 la dimension physique du gisement et la production journalière ou annuelle ;

 la structure organisationnelle de l’exploitation et son mode de gestion ;

 l’importance de l’investissement qu’elle requiert et le chiffre d’affaires qu’elle génère ;

 le nombre et le niveau de qualification des travailleurs impliqués dans l’unité de production ;

 le type d’équipement, le degré de mécanisation et le niveau de technologie déployée.

Figure 13 : Site d’exploitation minière à « petite échelle » en République de Guinée

Cependant, au niveau du choix de ces critères, de leur importance relative les uns par rapport aux autres et des associations que l’on peut faire de certains d’entre eux dans le cadre de cette définition, l’unanimité est loin d’être faite. Il en résulte que la signification accordée au terme « exploitation minière à petite échelle » sur la base de ces critères est très relative, tant il est vrai que leur importance est fonction de l’environnement économique et du niveau de développement général du pays, de son degré d’évolution technique et technologique et, enfin de la nature des minéraux exploités. Ceci est particulièrement vrai pour les critères de dimension physique du gisement, de l’importance du chiffre d’affaires, du nombre de travailleurs et du type de gestion.

Cette relativité conceptuelle fait que dans un grand nombre de textes législatifs et/ou réglementaires des pays ouest africains, il est assez fréquemment fait référence aux moyens limités et à la précarité des technologies et techniques opératoires utilisées pour définir ce type d’exploitation minière. Dans une étude datant de vingt ans (CEA,1992), la CEA indiquait déjà que dans le contexte africain (pays pauvres sous-équipés et aux moyens financiers limités), « le terme exploitation minière à petite échelle embrasse l’ensemble des opérations minières (artisanales, mécanisées ou semi-industrielles) qui n’exigent ni gros équipements, ni de lourds investissements, ni de technologies sophistiquées ».

Lors du deuxième séminaire sur la promotion des petites exploitations minières tenu à Niamey du 5 au 9 novembre 1990, une définition du concept de l'exploitation minière à petite échelle a été proposée : il s'agit d'« une exploitation minière de petite taille, permanente, possédant un minimum d'installations fixes, utilisant dans les règles de l'art, des procédés semi-industriels ou industriels et fondée sur la mise en évidence préalable d'un gisement ». Sur la base de cette définition consensuelle, les pays ouest africains ont adopté leurs propres définitions suivant les réalités locales.

En Côte d’Ivoire par exemple, le nouveau code minier de 2014 (Code Minier, 2014) en son article premier définit l’exploitation à petite échelle comme étant une « exploitation minière de petite taille, permanente, possédant un minimum d’installations fixes, utilisant dans les règles de l’art, des procédés semi-industriels ou industriels, et fondée sur la mise en évidence préalable d’un gisement. Elle comprend l’exploitation semi-industrielle et l’exploitation de la petite mine. ». La petite mine est une exploitation minière de petite taille, permanente possédant un minimum d'installations fixes utilisant dans les règles de l'art, des procédés industriels et dont la production annuelle en régime de croisière n'excède pas un certain tonnage du produit commercialisable (minerai, concentré ou

métal) fixé par substance et fondé sur la justification de l'existence d'un gisement. Quant à l’exploitation semi-industrielle, c’est une exploitation minière dont les activités consistent à extraire et concentrer les substances minérales et à en récupérer les produits marchands par des méthodes et procédés simples et peu mécanisés. En Sierra Leone, le code minier de 2009 (The Mines and Minerals Act, 2009), définit l'exploitation minière à petite échelle comme des opérations mécanisées ne dépassant pas vingt mètres de profondeur ou impliquant l’accès des galeries ou autres ouvertures souterraines : « Small-scale mining means the intentional winning of minerals in mechanised operations not exceeding twenty metres in depth or involving of adits or other various underground openings ».

1.5.2.3. Définition de l’exploitation minière artisanale

L'exploitation minière artisanale connaît un véritable « boom » depuis ces vingt dernières années (Jaques & Zida, 2004). Cette activité implique aujourd’hui probablement au moins 15 millions de personnes dans le monde, soit près de deux fois plus qu'il y a dix ans. Pour le seul continent africain entre 4,5 et 6 millions d'actifs sont concernés dont 30% à 40 % de femmes et entretiennent près de 40 millions de dépendants, soit 1 africain sur 20 (Jaques & Zida, 2004). Pour le secteur du diamant, l’extraction minière artisanale à petite échelle fournit la plupart des pierres de couleur dans le monde et 40 pour cent des diamants en provenance d'Afrique (Banque Mondiale, 2008).

Les définitions de l’exploitation minière artisanale contenues dans les textes législatifs et réglementaires en Afrique de l’ouest sont assez similaires. Le nouveau code minier ivoirien de 2014 (Code Minier Côte d'Ivoire, 2014) en son article premier définit l’exploitation artisanale comme

« l’exploitation dont les activités consistent à extraire et concentrer des substances minérales et à en récupérer les produits marchands en utilisant des méthodes et procédés manuels et traditionnels. Elle n’utilise ni produits chimiques, ni explosifs et n’est pas fondée sur la mise en évidence préalable d’un gîte ou d’un gisement ». En Guinée, l’article premier du code minier (Code minier Guinée, 2011) se limite à la définir comme étant « toute exploitation dont les activités consistent à extraire et concentrer des substances minérales et à récupérer les produits marchands par des méthodes et procédés manuels et traditionnels ».

Figure 14 : Site d’exploitation minière artisanale dans des placers localisés dans des dépôts latéritiques

De façon générale, la petite mine stricto sensu présente un profil de type entreprise, tandis que l’exploitation minière artisanale concerne des opérations menées par des individus ou des petits groupes dans une démarche qui s'apparente à une activité de subsistance. Cette dernière est souvent informelle, sans planification, avec des méthodes et des outils souvent rudimentaires, et est d’un financement imprévisible ou douteux.

Bien qu'il existe une grande proximité entre la mine à petite échelle et la mine artisanale, deux formes souvent rassemblées par les experts ou la communauté internationale sous le vocable (Hentschel, et al., 2003) de « Artisanal and Small-Scale Mining (ASM)», elles couvrent néanmoins deux réalités différentes. Mais cette distinction n’est pas toujours adoptée par tous. La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) créée en mai 1975, qui regroupe quinze États d’Afrique de l’ouest dont la Côte d'Ivoire, la Guinée, le Libéria et la Sierra Leone, dans La Directive C/DIR3/05/09 sur l'harmonisation des principes directeurs et politiques dans le secteur minier fusionne ces deux notions. Elle utilise plutôt le terme d’ « exploitation minière artisanale à petite échelle ».

Selon cette directive (CEDEAO, 2009), ce type d’exploitation désigne « toute exploitation dont les activités consistent à extraire et concentrer des substances minérales, et à récupérer les produits marchands en utilisant des méthodes et procédés manuels et traditionnels » et « les opérations minières sur une surface de terre répondant à des critères de taille, de production, de zone, d’investissement en capital, de délimitation de la profondeur des opérations, d’équipement autorisé et/ou de participation locale déterminés par la législation dans les États Membres ».

Compte tenu du contexte de notre zone d’étude caractérisée par un état de sous équipement général, des moyens financiers limités et la faible évolution technologique actuelle des États de l’UFM, le terme de « l’exploitation minière artisanale, à petite échelle (EMAPE)» utilisé dans notre étude, embrasse l’ensemble des opérations minières (artisanales, semi-industrielles) qui n’exigent ni gros équipements, ni lourds investissement, ni de technologies sophistiquées. En somme, il s’agit d’opérations minières aisement maîtrisées ou maîtrisables technologiquement et financièrement par des populations peu ou faiblement éduquées et disposant des moyens réduits, prises à l’échelon individuel, familial ou d’association corporatiste (CEA, 1992).

CHAPITRE 2

ANALYSE DES IMPACTS DIRECTS ET INDIRECTS