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Autres considérations sur l'extinction

2.4 Le rôle de la poussière

2.4.3 Autres considérations sur l'extinction

En l'absence d'un meilleur indicateur, des atténuations standards sont parfois appliquées à de grands échantillons. Cependant, l'extinction pourrait dépendre du SFR lui-même (Hopkins et al., 2001; Bell, 2003) ou d'autres propriétés comme la masse de la galaxie ou de la métallicité. Dans l'univers proche, ces tendances peuvent être étudiées.

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Fig. 2.5  Variation avec la métallicité du rap-port poussière/gaz : épaisseur optique/densité de colonne (en haut) et rapport de la masse de poussières (déterminée avec deux méthodes dis-tinctes dans les deux autres panneaux) et de la masse de gaz. D'après Boissier et al. (2004)

Dans Boissier et al. (2004), nous avons étudié six galaxies proches observées dans l'UV avec FOCA pour calculer la variation radiale de l'atténuation dans l'UV. Nous avons trouvé que l'atténuation diminue avec le rayon, un résultat conrmé par d'autres études (e.g. Holwerda et al., 2005; Muñoz-Mateos et al., 2009). Dans Boissier et al. (2007), c'est cette fois avec GALEX que nous avons mesuré une diminution de l'atténuation UV avec le rayon, pour un plus grand nombre de galaxies (43). Les galaxies présentant un gradient de métallicité, on peut supposer que cette variation avec le rayon est due à la métallicité changeante du gaz avec la distance au centre de la galaxie (l'idée étant qu'une fraction plus grande d'éléments lourds permet la formation d'un plus grand nombre de grains de poussière). On observe en eet une relation assez bien dénie entre A(UV) et la métallicité (voir gure 2.4).

La relation pourrait cependant être plus indirecte. En eet, on pourrait penser que c'est le rapport de la masse de gaz à la masse de poussière qui dépend de la métallicité. L'interprétation serait cette fois que la quantité de poussière dépend non seulement de la fraction d'éléments lourds, mais aussi de la masse de milieu interstellaire (masse de gaz) disponible pour la formation de poussière. Cette hypothèse est testée sur la gure 2.5 tirée de Boissier et al. (2004). Des tendances sont bien observées, mais la dispersion est très importante. Par ailleurs, on ne peut pas exclure que les dépendances observées sur les gures citées dans cette section soient en fait indirectes et aient une cause physique diérente (ces interprétations sont peut-être simplistes vu le nombre de phénomènes -peu connus- de formation et destruction de la poussière à prendre en compte lors de l'évolution des galaxies, voir e.g. Dwek, 1998; Dwek & Cherchne, 2011). Dans tous les cas, ces observations donnent quelques contraintes sur le rôle et la distribution de la poussière.

Il n'est en rien certain que les tendances trouvées dans l'univers proche, (et évoquée ci-dessus) soient applicables aux galaxies lointaines révélées par les sondages profonds, principale-ment en raison des critères de sélection très diérents entre diérentes études (e.g. Gilbank et al., 2010). Certains pensent qu'en allant vers les redshifts plus grands, l'extinction croît (comme le taux de formation stellaire cosmique le fait). Cela semble être le cas jusqu'à redshift 1. Cette tendance cependant devrait s'inverser dans la jeunesse de l'univers lorsque l'on atteint une époque où l'univers est pauvre en métaux (ou bien quand le taux de formation stellaire est plus faible), et certaines études suggèrent avoir détecté indirectement cette inversion (e.g. Cucciati et al., 2011). La question de l'évolution cosmique de la poussière est cependant encore ouverte et débattue.

Un autre point à noter est que les corrections d'extinction sont plus diciles à appliquer sur les petites échelles spatiales que sur les échelles globales des galaxies. Par exemple, dans le cas de l'estimation de l'atténuation UV à partir de la luminosité infrarouge : le chauage de la poussière d'une petite région peut provenir de photons UV émis dans une région voisine plutôt que celle faisant l'objet de l'étude. Par ailleurs, l'émission UV provenant d'étoiles plus vieilles que celles responsables in ne de l'émission Hα, leurs positions respectives peuvent être découplées, et elles peuvent présenter une position diérente relative à la poussière. Dans ce cas, l'atténuation déduite d'une population ne s'applique pas à une autre. En eet, on pense que les raies nébulaires sont environ deux fois plus atténuées par la poussière que le continu stellaire,

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Fig. 2.6  Atténuation comparées mesurées pour l'UV à partir du rapport infrarouge/UV et pour Hα à partir du décrément de Balmer. Les cercles sont un échantillon de galaxies à forma-tion d'étoiles (atténuaforma-tions intégrées pour l'en-semble de la galaxie). Les carrés montre 6 ga-laxies étudiées dans Boissier et al. (2004), va-leurs intégrées sur l'ensemble de la galaxie, et les lignes les valeurs mesurées en fonction du rayon dans ces mêmes galaxies. D'après Bois-sier et al. (2004)

car les étoiles les plus jeunes se trouvent au c÷ur de régions denses et riches en poussières alors que la population des étoiles un peu plus vieilles a eu le temps de migrer en dehors de ces régions poussiéreuses (Bell, 2003; Calzetti et al., 1994), et du fait que les nuages de poussière ont une durée de vie nie (Charlot & Fall, 2000). Dans ses recettes pour le rougissement, Calzetti (1997) suggère que le rougissement du continu stellaire est 0.44 fois celui observé dans les raies de Balmer. Ces recettes sont cependant statistiques en nature, et doivent être appliquées avec précautions. La gure 2.6 montre par exemple à quel point la dispersion peut être importante lorsque l'on essaye de relier une détermination de l'extinction faite à partir du rapport infrarouge/UV et des raies de Balmer d'autre part. Dans notre étude (Boissier et al., 2004), cette comparaison est faite localement, en fonction du rayon. Une comparaison avec des études globales (e.g. les cercles sur la gure 2.6 ; on pourra aussi consulter Hao et al., 2011, pour un autre échantillon récent) semble indiquer de plus grande dispersion et variété de comportement à l'intérieur des galaxies qu'avec des données intégrées (peut-être en raison des eets d'échelle discutés plus tôt).

Finalement, une autre diculté réside dans l'incertitude concernant la courbe d'extinction (variation de l'extinction avec la longueur d'onde). Celle-ci est nécessaire pour calculer l'ab-sorption relative entre deux longueurs d'onde (e.g. pour obtenir l'atténuation dans un domaine à partir d'une estimation dans un autre). Il est bien connu que cette courbe d'extinction est très variable selon les lignes de visée d'étoiles3 dans la Voie Lactée (en particulier vers

l'ultra-3On peut noter que les courbes d'extinction selon des lignes de visée dans la Voie Lactée d'une part, et d'autre part les courbes d'atténuation pour des galaxies externes sont de nature diérente. En eet, les dernières incluent des eets plus complexes, liés à la diusion et à la géométrie relative des émetteurs et des poussières.

Traceur ψ(Myr−1) = Commentaire

IR 1.07 10−10(L(IR)/L) En supposant une opacité totale dans l'UV (Buat et al., 2008), une hypothèse raisonable pour les SFR élevés. Limites : contribution au chauage par les étoiles vieilles, et ne prend pas en compte la partie du SFR qui n'est pas éteinte.

24 µm 2.50 10−43(L(24)/erg s−1) Calzetti et al. (2010) et références qui s'y trouvent.

70 µm 5.88 10−44(L(70)/erg s−1) Calzetti et al. (2010)

160 µm 1.43 10−43(L(160)/erg s−1) Pas une calibration robuste en raison de la dis-persion très grande et du chauage par les étoiles vieilles selon Calzetti et al. (2010)

250 µm 8.71 10−45(L(250)/erg s−1)1.03 De Verley et al. (2010b), mais seulement calibré dans des régions HII de la galaxie M33. Mêmes limites que ci-dessus.

Tab. 2.2  Traceurs de formation stellaire secondaires. Le temps caractéristique est environ celui de la production des photons UV puisqu'ils dominent le chauage de la poussière. Il dépend cependant de l'histoire de la formation stellaire en raison du chauage par les vieilles populations stellaires. Les calibrations publiées par diérents auteurs et utilisant la même IMF que celle utilisée dans la table des traceurs primaires sont données. Ces traceurs ont été calibrés soit sur des traceurs primaires corrigés des eets de l'extinction, soit sur des traceurs mixtes ou bien en utilisant des modèles incluant l'absorption et l'émission par les poussières. D'après Boissier (2012).

violet où l'extinction augmente). La courbe d'extinction dans notre galaxie présente une bosse (le bump à 2175 Å). Cette bosse est moins importante dans le grand nuage de Magellan et absente dans le petit nuage de Magellan. Calzetti (1997) a fourni une forme analytique de la courbe d'extinction s'appliquant aux galaxies formant des étoiles de manière active. Celle-ci ne comporte pas de bump et est très largement utilisée dans la littérature.