Partie I. Analyse bibliographique du tassement des sols : définitions, facteurs de variation, I.3. Les conséquences du tassement sur le fonctionnement des sols et des cultures I.3.1. Conséquences sur le système poral et sur les propriétés physiques du sol Le tassement se caractérise par une augmentation de la masse volumique et inversement, une diminution de la porosité du sol. De nombreuses études sur le tassement des sols agricoles ont montré que, excepté pour les sols sableux, seule la porosité structurale, est affectée lors d'un passage d'engin (Monnier et al., 1973 ; Fies et Zimmer, 1982 ; Tamari, 1992 ; Cousin et al., 1994 ; Bruand et Cousin, 1995). Les pores structuraux diminuent ou disparaissent en premier et peuvent se retrouver insérés au sein de pores texturaux (Richard et al., 2001). C'est donc l'ensemble de la géométrie de l'espace poral qui se retrouve affectée par le tassement. Des travaux conduits dans le domaine du génie civil ont montré que des contraintes très élevées (> 1 MPa) appliquées sur des temps longs (plusieurs jours) peuvent réduire la porosité texturale. Rappelons qu'en conditions agricoles, les contraintes maximales appliquées sont de l'ordre de 200 kPa (cinq fois moins que dans le génie civil) et les temps d'application sont courts (< 1 s). C'est pourquoi, en conditions agricoles, la porosité texturale n'est pas modifiée. Le tassement du sol et la modification de l'espace poral affectent de nombreuses propriétés physiques du sol : - Augmentation de la capacité thermique et de la conductivité thermique des sols (Abu-Hamdeh et Reeder, 2000). - Diminution de la diffusivité des gaz. Xu et Nieber (1992) montrent que le coefficient de diffusion gazeuse de l'azote est proche de zéro quand la porosité libre à l'air atteint 10 %. - Modification du transfert et du stockage de l'eau. L'analyse des conséquences du tassement sur les propriétés hydrodynamiques des sols a fait l'objet de deux articles écrits au cours de la thèse et soumis à la revue Journal of Vadose Zone (annexes D et E). Le premier article (Cousin et al., soumis) analyse l'effet de la masse volumique sur les propriétés hydrodynamiques à partir de données expérimentales issues de la base de données SOLHYDRO. Cette analyse permet de mettre en place une fonction de pédotransfert d'estimation de la teneur en eau et de la conductivité hydraulique des sols argileux et limoneux à partir d'une seule variable : la masse volumique. Le second (Lefebvre et al., soumis) analyse le même effet à partir de l'étude du comportement des principales fonctions de pédotransfert de la littérature. Cette analyse permet de mettre en évidence la capacité des fonctions de pédotransfert d'Assouline et al. (1997) à estimer des propriétés hydrodynamiques en tenant compte de la stabilité de l'espace poral textural après tassement. En parallèle à la modification de l'espace poral, le tassement entraîne une modification des propriétés mécaniques des sols : - Augmentation de la résistance à la pénétration (Håkansson, 2000 ; Mari et Changying, 2007) - Diminution de l'indice de compression Cc et augmentation de la pression de pré-consolidation Pc (Défossez et al., 2003 ; Cui, 2007). Saffih-Hdadi et al. (2009) proposent d'estimer ces paramètres en fonction de la texture, de la masse volumique et de la teneur en eau du sol. I.3.2. Conséquences agronomiques et environnementales Sur le plan agronomique, le tassement contribue à la diminution des rendements (Lipiec et Hatano, 2003 ; Heuer et al., 2008 ; Hamza et Anderson, 2008). Si, parfois, le tassement en saison sèche augmente la continuité de l'espace poral et facilite le prélèvement en eau par les plantes, il réduit considérablement l'espace poral en saison humide jusqu'à l'obtention d'un milieu compacté et anoxique. Un tel milieu ralentit la croissance racinaire (figure 5) et réduit les échanges gazeux du sol jusqu'à entraîner la mort de bactéries aérobies utiles à la croissance des plantes (Soane et van Ouwerkerk, 1994). Figure 5 : effet du tassement sur la taille des racines et des épis de maïs (Houskova, 2004). Le tassement entraîne la disparition des organismes du sol, et plus particulièrement les lombriciens qui sont utiles à la décomposition et au mélange des matières organiques. Il existe un véritable équilibre entre le règne végétal et animal qui intervient directement sur la matière organique, la structure et le pH du sol (Alakukku, 1996). Les zones tassées, à l'aplomb des passages de roues, limitent la mobilité des lombriciens qui mettent du temps à recoloniser le milieu. Ouellet et al. (2008) observent une corrélation négative entre le poids de vers de terre au mètre carré et la masse volumique du sol. Sur le plan environnemental, le tassement a des effets multiples. Il augmente le ruissellement, l'érosion et la pollution des cours d'eau en augmentant la taille et la compacité des agrégats à la surface du sol, ce qui limitent l'infiltration. L'eau de ruissellement emporte avec elle des volumes de sols érodés (Lindstrom et al., 1981 ; Soane et Ouwerkerk, 1995) et des éléments issus des apports d'engrais et de produits phytosanitaires restés en surface vers les cours d'eau aval (Voorhees, 1991 ; Busscher et Bauer, 2003). Il contribue à augmenter la quantité de polluants dans les nappes phréatiques. Les zones tassées limitent la croissance racinaire. Les éléments disponibles en profondeur (suite aux pulvérisations d'engrais notamment) sont prélevés par les plantes avec beaucoup moins d'efficacité. Les pluies qui ont lieu à la fin de la croissance des plantes donnent lieu au lessivage des éléments non absorbés. Les nutriments peuvent alors contaminer les nappes phréatiques sous-jacentes. Une étude de Petelkau et al. (1988) montre que le cumul d'azote lessivé pendant 10 ans atteint 311 kg ha-1 pour un sol non tassé et 469 kg ha-1 pour un sol tassé (la notion de sol tassé est définie dans la partie I.4.). Le tassement contribue à augmenter les émissions des principaux gaz à effets de serre (CO2, N2O et CH4) (De Neve et Hofman, 2000). L'émission de dioxyde de carbone (CO2) provient en grande partie de la combustion des carburants des engins qui est fortement accentuée lorsque le sol est tassé car l'engin doit fournir davantage d'énergie pour travailler le sol. Une étude de Voorhees et Hendrick (1977) montrent que la traction mécanique augmente de 92% dans un sol tassé. Les effets du tassement sur les émissions de CO2 dues à l'activité microbienne n'apparaissent pas significatifs. Il semblerait, malgré tout, que les émissions de CO2 soient plus faibles dans un sol tassé à cause de la réduction de la diffusivité des gaz (Ball et al., 1999). En revanche, le tassement a beaucoup plus d'influence sur les bactéries qui participent aux émanations de N2O et de CH4. Les émissions de protoxyde d'azote (N2O) et de méthane (CH4) augmentent avec le tassement car celui-ci favorise les conditions anoxiques favorables à l'activité de bactéries dénitrifiantes et méthanogènes (Ball et al., 1999). Cependant, l'activité des bactéries méthanogènes est surtout problématique dans les milieux anaérobies en continu tels que les rizières, les marais, les tourbières qui représentent de faible surface en France. C'est donc plutôt au travers des émissions de N2O que le tassement intervient principalement. I.3.3. Régénération des sols tassés Le tassement engendre des modifications du fonctionnement des sols sur des périodes assez longues. La régénération d’un sol tassé peut se faire instantanément par un travail du sol ou bien sous l’effet des agents naturels : climat et activité biologique (racines et lombrics). Elle fait appel au gonflement des argiles, à la perforation du sol par le déplacement des lombrics, au climat qui provoque de la fissuration avec les cycles gel/dégel et humectation/dessiccation. Pollard et Elliott (1978) ont observé qu'un sol sablo-limoneux, initialement compactée jusqu'à 20-30 cm de profondeur, était resté tassé durant six années. Boizard et al. (2007) ont montré qu'au bout de cinq années de culture sans travail du sol, un réseau de fissures s'est installé sur 20 cm de profondeur dans un sol limoneux initialement tassé sur toute l'épaisseur de la couche labourée. Le labour pour la surface et le sous-solage pour la profondeur sont des méthodes de régénération du sol. Ils doivent cependant rester occasionnels (uniquement en cas de tassement sévère) car ils ont à la fois des effets nocifs et bénéfiques pour le sol. Le labour dilue la matière organique au sein de la couche travaillée. Quant au sous-solage, il consiste à fissurer le sol en introduisant une lame à plus de 35 cm de profondeur. Dans la plupart des cas, le sous-solage est bénéfique et améliore le rendement, mais il peut aussi être inefficace et rendre le sol plus sensible aux tassements profonds (Gaultney et al., 1982). Dans le document Spatialisation de modèles de fonctionnement hydromécanique des sols appliquée à la prévision des risques de tassement à l'échelle de la France (Page 30-34)