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3. Macro-invertébrés

1.2 Conséquences sur le processus de décomposition

Les altérations de la structure et de la composition des communautés, quelle qu’en soit l’origine, peuvent avoir des conséquences sur le fonctionnement de l’écosystème, et notamment sur la décomposition des litières. Pa exemple, certaines espèces de litières se décomposent plus rapidement lorsque placées au sein d’un paquet de litière diverse que dans un contexte monospécifique (Swan et Palmer 2004 ; Lecerf et al. 2005 ; Sanpera-Calbet et al. 2009). Les mélanges de litières peuvent en effet constituer une ressource diverse de nutriments pour les macroinvertébrés, permettant d’améliorer leur performance individuelle (Rapport 1980 ; Swan et Palmer 2006) (Figure 9.6). Toutefois cet effet semblerait plutôt dû à la composition des paquets de litières plutôt qu’à leur diversité en tant que telle. Les macroinvertébrés détritivores colonisent préférentiellement des paquets de litières contenant des espèces labiles. Etant capables de discriminer entre des litières de qualité différente (Graça 2001), ils focalisent leur activité sur les espèces labiles au sein de ce mélange, accélérant alors leur décomposition (Swan et Palmer 2006) (Figure 9.7 ; Chapitre 1). La présence de litières réfractaires peut également favoriser la décomposition des espèces labiles par un effet structurant sur l’habitat. Les macroinvertébrés peuvent en effet bénéficier d’un habitat durable dans le temps, propice à l’évitement des prédateurs (Annexe) et à la construction de fourreaux (e.g. trichoptères à fourreaux végétal) (Kochi et Kagaya 2005 ; Sanpera-Calbet et al. 2009) (Figure 9.5) leur permettant d’augmenter le temps qu’ils consacrent à se nourrir. Ces divers mécanismes ont été corroborés par l’utilisation d’une approche fonctionnelle ayant permis de démontrer que les effets de mélanges de litières sur la décomposition étaient d’avantage liés à des mélanges hétérogènes (i.e., constitués d’un mélange d’espèces labiles et réfractaires) (Lecerf et al. in press).

Les résultats présentés en chapitre 2 suggèrent qu’une altération secondaire de la diversité et de l’activité fongique peut entraîner de tels patterns par le biais de leur interaction avec les macroinvertébrés. En effet une altération de la diversité fongique, si elle n’entraîne pas nécessairement d’altération de la décomposition en tant que telle (Dang et al. 2005) (Figure 9.8), peut modifier les taux de consommation par les invertébrés (Lecerf et al. 2005) (Figure 9.9) ou la biomasse mycélienne totale (Duarte et al. 2006). Ils seraient ainsi complémentaires en tant que ressource mais pas en tant que décomposeurs, et pourraient constituer une ressource diverse de nutriments pour les macroinvertébrés, ou encore altérer les propriétés physico chimiques de la litière par l’utilisation d’enzymes complémentaires (Bärlocher et

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Corkum 2003). Ces résultats suggèrent également qu’un lessivage de composés solubles (e.g., polyphénols, vitamines, nutriments) pourraient jouer un rôle en altérant (augmentation ou diminution) les taux de décomposition des mélanges (Schimel et al. 1998 ; Schimel et Hättenschwiler 2007).

Finalement, la diversité des macroinvertébrés influence également la décomposition. Une complémentarité des niches a souvent été évoquée pour expliquer une augmentation des performances individuelles au sein de communautés diverses (Jonsson et Malmqvist 2000 ; McKie et al. 2008) (Figure 9.10). L’hypothèse de complémentarité des niches repose sur une utilisation différente de la ressource et implique un réseau d’interactions compétitives qui serait moins intense entre deux individus d’une espèce différente que pour deux individus de la même espèce (Hooper 1998 ; Jonsson et Malmqvist 2000). Les résultats présentés en chapitre 3 suggèrent que cette complémentarité d’utilisation de la ressource pourrait impliquer les hyphomycètes aquatiques. L’ensemble des études menées antérieurement sur l’effet de la diversité des macroinvertébrés détritivores, ayant conclu sur la complémentarité entre espèces, a en effet été mené sur des litières inoculées naturellement et présentant donc a priori des communautés fongiques diversifiées. Par contre, dans les résultats présentés en chapitre 3, une augmentation des performances des macroinvertébrés détritivores n’a été observée que dans les traitements présentant une communauté fongique riche en espèces, suggérant qu’une telle complémentarité ne peut avoir lieu si la diversité de la ressource est faible. Ainsi une communauté fongique diverse pourrait, pour un ensemble de macroinvertébrés détritivores présentant des préférences fongiques contrastées, constituer la base d’un partitionnement entre espèces dans l’utilisation de la ressource (Figure 9.11).

Au cours de ce même chapitre, nous avons utilisé un design substitutif qui considère que l’extinction d’une espèce peut être compensée par une densité accrue des espèces restantes (i.e., la densité reste constante entre différents traitements). En effet, les données de la littérature suggèrent que la disparition d’une espèce, en laissant vacante une niche écologique, peut entraîner une augmentation de la densité d’autres espèces adaptées à cette niche du fait de la disparition des compétiteurs (Figure 9.12). Les résultats du chapitre 1 et 2, ou nous avons observé une augmentation de la densité de Micrasema et de certaines espèces fongiques (e.g., Clavariopsis aquatica, Tricladium chaetocladium) concomitantes à une diminution de la diversité, suggèrent en effet que de tels mécanismes peuvent se produire dans la nature. Dans un scénario de design additif (les individus perdus ne sont pas ‘remplacés’), on pourrait s’attendre à une compétition interspécifique moindre au sein des traitements monospécifiques.

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Il pourrait en résulter une diminution des performances globales de la communauté dans les traitements monospécifiques (due à la diminution de la densité d’individus), mais à une augmentation des performances individuelles (LPE) au sein de ces mêmes traitements (voir Bruno et al.(2008) pour une comparaison entre design substitutif et additif).

Finalement, l’ensemble de ces relations peut être modulée par la présence d’un prédateur qui peut, par liens trophiques (diminution de la densité de macroinvertébrés) ou non-trophiques (induction d’une altération du comportement des proies), modifier à la fois les communautés de proies (Figure 9.5) et la relation entre leur diversité et le fonctionnement de l’écosystème (Chapitre 3 ; Annexe) (Mulder et al. 1999 ; Holt et Loreau 2002). La présence d’un prédateur peut en effet altérer différemment le comportement et l’activité des différentes espèces de proies (Figure 9.13). Ainsi la présence au sein de la communauté d’espèces plus ou moins sensibles à la prédation pourrait entraîner une altération des interactions compétitives interspécifiques, donc du partitionnement de la ressource et des relations entre biodiversité et fonctionnement des écosystèmes. Dans le chapitre 3, nous avons conclu que la présence d’un prédateur favorisait le partitionnement entre espèces (Figure 9.14). Cette réponse toutefois n’est vraisemblablement pas universelle et dépend de la composition en espèces de la communauté de macroinvertébrés ainsi que de l’identité du prédateur. Dans la nature, les macroinvertébrés détritivores sont confrontés à la co-existence d’un grand nombre de prédateurs de nature variée, ce qui pourrait également avoir une influence importante sur le processus de décomposition des litières. En effet, différentes espèces de prédateurs peuvent avoir des stratégies de chasse et des préférences alimentaires différentes, menant à une efficacité de prédation augmentée et une diminution d’autant plus importante de la densité et la diversité des populations de proies. Au contraire, une prédation intra-guilde importante ou la présence d’un top-prédateur pourrait diminuer la pression de prédation sur les populations de macroinvertébrés et permettre le maintien du processus de décomposition.

1.4 Bilan sur les relations entre biodiversité et décomposition en cours d’eau de