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2.2.2.2 Les conséquences de la radiolyse d’une solution aqueuse

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Evidemment la présence de solutés peut favoriser l’une ou l’autre des nombreuses réactions radicalaires possibles entre les espèces citées dans le paragraphe précédent. Les radiations ionisantes décomposent également toute molécule en solution aqueuse en entités chimiques secondaires qui peuvent être elles-mêmes très réactives. Il faudra donc être vigilant en ce qui concerne une photo-décomposition possible de drogues chimiothérapiques dans le cas d’une radio-chimiothérapie ou d’une photo-décomposition d'agents de contraste dans le cas du radiodiagnostic (scanner). Deux exemples significatifs ont été récemment mis en évidence : d’une part, la décomposition des produits de contraste iodés sous irradiation, d’autre part, les conséquences des flux extranucléaires d’ions calcium qui sont libérés par la cellule irradiée.

Dans le premier cas, il a été montré que les rayons X produisent une dégradation des produits de contraste iodés en libérant notamment des ions iodures (I-). Rapidement combinés au potassium et au sodium du milieu biologique sous forme de NaI ou de KI, les iodures se fixent sur l’ADN (alors que les produits de contraste ne pénètrent pas les cellules), inhibent la réparation des cassures radioinduites et entraînent une forte toxicité pour les cellules qui ont capté des iodures. La photodégradation des produits de contraste constituent l’un des exemples les plus représentatifs de l’impact biologique de la radiolyse des molécules utilisées en clinique.

De nombreux échanges ioniques (pompes à protons, à sodium, …) assurent l’intégrité de la membrane cellulaire. Après irradiation, la cellule subit une perturbation transitoire de ses équilibres ioniques. En particulier, dans la première heure post-irradiation se crée un flux massif d’ions calcium (Ca2+) hors de la cellule. Bien que cette observation soit ancienne, elle

a récemment retrouvé un intérêt à travers les recherches sur les effets de voisinage. Nous y reviendrons dans les chapitres suivants.

I.2.3 La phase biologique et l’importance de la qualité de la réparation de l’ADN

I.2.3.1 L’importance de l’ADN dans la réponse aux radiations

Une cellule doit lutter pour protéger l’intégrité de son matériel génétique. Toutes les altérations du génome constituent un dommage à l’ADN. Les déficiences dans la réparation ou de la signalisation de ces dommages de l’ADN sont à l’origine de la majorité des cancers. Parmi les sources extérieures, les radiations ionisantes produisent les lésions de l’ADN multiples.

Des expériences de micro-irradiation utilisant des émetteurs β ont montré que pour induire 50% de létalité chez un fibroblaste humain, il faut délivrer 200 à 500 Gy au cytoplasme alors que 1 à 3 Gy suffisent quand on irradie seulement le noyau. Le noyau est donc une cible privilégiée de l’effet létal des radiations ionisantes et nous nous focaliserons dans ce chapitre sur les effets radioinduits sur l’ADN. Comme on l’a vu plus haut, l’action des radiations ionisantes sur l’ADN se distingue de celle des autres agents génotoxiques par la diversité des types biochimiques des lésions induites : les DBs, les CSBs et les CDBs. Chaque type de lésions se caractérise par sa fréquence de formation et les voies de réparation qu’il déclenche (Tableau 10, Figure 16).

Les DBs regroupent toutes les formes d’altérations telles que l’oxydation, le pontage entre les bases voisines ou la perte d’une base de l’ADN (Moustacchi 2000). Ces dégâts sont les plus fréquents et prépondérants (environ 1000 à 10000 par Gy et par cellule humaine pour une irradiation X) ; leur réparation est rapide (généralement exécutée en quelques minutes). Elle s’effectue par le processus d’excision-resynthèse assuré par les protéines du BER (base excision-resynthesis) ou du NER (nucleotide excision-resynthesis) (Lindahl and Wood 1999). Les CSBs sont formés par la rupture de la colonne sucre-phosphate de l’ADN, les liaisons covalentes sont rompues. On compte environ 1000 dommages par Gy par cellule humaine pour une irradiation X (Ward 1988). Leur réparation est généralement exécutée en quelques

dizaines de minutes par des processus d’excision-resynthèse mais aussi de recombinaison (Lindahl and Wood 1999).

Tableau 10 : Les dommages de l’ADN radioinduits et leur spécifications physiques et biologiques: le dépôt d’ énergie minimal nécessaire pour la formation de DB, CSB ou CDB, leur incidence par Gray de rayons X, leur demi-vie de réparation et la voie de réparation activée par ce type de dommage (Joubert and Foray 2006).

La réparation par excision de nucléotides (NER) est principalement utilisé pour réparer les lésions encombrantes et gênantes la structure de l’ADN comme par exemple les dimères de pyrimidines causées par les UV. La lésion est détectée, l’ADN entourant la région affectée est déroulé par le complexe TFIIH, des endonucléases (ERCC-XPF et XPG) génèrent les coupures simple-brin du site de dommage et finalement l’ADN polymérase comble le site vacant en ajoutant les nucléotides adéquats

La réparation par excision de base (BER) sert principalement à replacer les bases modifiées ou combler les sites vacants laissés par une perte de base. Les glycosylases créent un site abasique et un ou plusieurs les nucléotides viennent remplacer les anciens.

Nos travaux se concentrent principalement sur les CDBs, nous ne détaillerons pas plus les voies de réparation des dommages de base et des CSBs. Contrairement aux idées reçues, une CDB radioinduite ne peut-être le résultat de deux CSBs radioinduites suffisamment proches et créées par deux traces de particules différentes. Une dose de 1 Gy de rayons X ne produit qu’environ 40 CDBs par cellule (Frankenberg-Schwager 1989; Goodhead 1989). En revanche, ces lésions sont plus lentement réparables que les CSBs ou les DBs (environ quelques heures). Plus que les autres lésions radioinduites de l’ADN, les CDBs ont focalisé l’attention des radiobiologistes car, non réparées, elles peuvent conduire à la perte définitive de l’information génétique et à la mort de la cellule.

Dommage de base (DB)

Cassure simple-brin (CSB)

Cassure double -brin (CDB)

Energie nécessaire >1 eV/nm3 >10 eV/nm3 >100 eV/nm3

Incidence ~ 10 000 / Gy ~ 1000 / Gy ~ 40 / Gy

50 % de dommages

réparés 5-10 min 10-20 min >50 min

Suture

Recombinaison homologue

Mode de réparation

Figure 16 : Les différentes voies de réparation de l’ADN selon Hoeijmakes (Hoeijmakers 2001).

I.2.3.2 Les différentes voies de réparation des CDBs: suture, recombinaison

Dans les cellules eucaryotes, il existe deux systèmes de réparation des CDBs : la recombinaison, qui est une voie majoritaire au cours des phases S et G2 du cycle cellulaire et la suture ou (NHEJ : non-homologous end joining), qui est prédominante pendant la phase G1. Ces deux mécanismes de réparation sont distincts et complémentaires.

La NHEJ consiste en une suture des deux extrémités de l’ADN (Figure 17, 18 et 19). La réparation par recombinaison consiste à remplacer la séquence endommagée par une séquence identique susceptible de s’apparier, prise en amont ou en aval de la région lésée, du chromosome homologue (recombinaison homologue). Tandis que la recombinaison homologue est le mode de réparation majoritaire chez la levure, c’est le NHEJ qui prédomine chez les cellules humaines. Chez les mammifères, l’augmentation de la fréquence de recombinaison (homologue on non) c’est-à-dire l’hyper-recombinaison, joue un rôle essentiel dans la cancérogenèse (Thyagarajan, McCormick-Graham et al. 1996). Comme on l’a dit plus

haut, un défaut de NHEJ est toujours associé à une radiosensibilité alors qu’une hyper- recombinaison semble être à l’origine de mutations entraînant une forte instabilité génomique et une susceptibilité aux cancers.

Figure 17 : Réparation des CDB par suture ou par recombinaison. La réparation par suture fait intervenir les protéines de réparation Ku et DNA-PKs. La réparation par recombinaison homologue fait intervenir le complexe RAD51/RAD52, couplé à BRCA1 et BRCA2 (Foray, Marot et al. 2002).

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