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Chapitre I Etude bibliographique

I.1 Corrosion naturelle et accélérée du béton armé

I.1.5 Conséquences mécaniques de la corrosion sur le béton armé

Figure I-14. Analyse du module de Young (GPa) des PdC par micro-indentation couplée à la tomographie aux rayons X [91]

Dans le cadre de la modélisation numérique du comportement du béton armé corrodé, Molina [80] suppose en absence de données expérimentales que les propriétés mécaniques des PdC sont proches de celles de l’eau.

Nguyen [86] et Caré [85] ont analysé certains effets des couches de PdC. Des éprouvettes cylindriques en mortier armé ont été corrodées de manière accélérée par courant imposé d’une densité de courant de 100 µA/cm². L’épaisseur de la couche de corrosion a été relevée par mesure optique au cours de l’essai. Ainsi, une étude par corrélation d’image (Corelli LMT) du gonflement des PdC a permis la mesure des déplacements et des déformations du mortier au cours de l’essai. Le modèle CORDOBA a été utilisé pour modéliser l’essai [86], [87]. Le module élastique des PdC, estimé par ces travaux, est alors compris entre 0,04 et 0,06 GPa.

Suda [88] a proposé une valeur du module d’élasticité des PdC supérieure ou égale à 0,1 GPa. Les propriétés mécaniques des PdC ont aussi été déterminées numériquement par analyse inverse. Pease [90] a rapporté un module élastique entre 2 et 20 GPa qui a été évalué à partir de la déformation de l’acier et du mortier par analyse d’image et des simulations numériques.

Il s’avère que les valeurs des modules d’élasticité des PdC sont très différentes d’une étude à l’autre car elles dépendent de la méthode utilisée expérimentalement, de l’état de confinement des PdC, de leur maturité et des hypothèses prises en compte lors des calculs.

I.1.5 Conséquences mécaniques de la corrosion sur le béton armé

La corrosion des armatures dans le béton entraînent une perte de la section d’acier, une dégradation de l’interface entre l’acier et le béton et une fissuration du béton d’enrobage (Figure I-15). La progression de la corrosion entraîne la réduction de la capacité de l’armature puisque sa section se réduit soit localement ou uniformément selon le type de corrosion. Dans le cas où la corrosion est localisée, les attaques sont concentrées et la section de l’acier est plus affectée à certains endroits suivant la concentration en ions

chlorure [92]. Dès lors que le processus de corrosion est dans la phase de propagation, les PdC présents à l’interface acier/béton prennent plus de volume. Ceci se traduit par l’apparition de contraintes de traction dans le béton. Lorsque la limite de traction du béton est dépassée, des fissures se propagent depuis l’interface acier/béton vers le parement [79], [93] (Figure I-16). La fissuration du béton d’enrobage favorise alors la pénétration d’oxygène, d’ions chlorure et de CO2 à travers le béton [94].

Figure I-15. Effets de la corrosion sur le comportement mécanique de structures en béton armé corrodées [95]

d/ La phase de fissuration ultime

Le phénomène de pénétration d’une partie des PdC dans les fissures n’a pas été pris en compte car difficilement modélisable. Ce phénomène provoque des pressions qui s’appliquent sur les parois des fissures. Ce qui a pour effet d’accélérer le processus de fissuration du béton. En conséquence, les phénomènes de délamination du béton d’enrobage apparaissent comme une conséquence de cette pénétration des PdC dans les fissures et sont reconnus comme étant les causes essentielles de la diminution de la capacité portante de la structure.

I.1.5.1 Fissures externes

Andrade [79] a étudié l’évolution de l’ouverture de fissure en fonction de la perte d’épaisseur d’acier par année sur des prismes en béton armé de dimension (150 x 150 x 380 mm3) (3 % CaCl2 au gâchage) avec des enrobages de 30 mm et 20 mm et des armatures de diamètre 16 mm centrées ou placées au coin. Les ouvertures de fissures ont été mesurées sur la surface du plus faible enrobage. D’après la Figure I-17, plus la perte d’épaisseur d’acier par année est importante plus l’ouverture de fissure est importante.

Lors d’essais de corrosion accélérée menés à une densité de courant de 100 µA/cm² durant 34 jours, des ouvertures de fissures comprises entre 0,3 et 0,4 mm ont été observées (voir prismes I, II et III de la Figure I-17) pour une perte d’épaisseur d’acier par année de 100 µm/année.

Lors d’essais de corrosion accélérée menés à une densité de courant de 10 µA/cm², les mêmes ouvertures de fissures ont été observées (voir prisme IV de la Figure I-17) mais pour une perte d’épaisseur d’acier par année de 50 µm/année.

Cet effet serait attribué d’une part à la cinétique de diffusion des PdC (plus la densité de courant est faible, plus les déformations engendrées sont importantes) et d’autre part au coefficient de gonflement des PdC qui devrait être différent selon la densité de courant appliquée [79].

Figure I-17. Perte d’épaisseur d'acier par année en fonction des ouvertures de fissures maximales mesurées en surface [79]

La localisation de la fissure dépend de l’enrobage le plus faible quelque soit le positionnement de l’armature (en coin (prisme I) ou centré (prismes II, IV et III). Dans le cas d’une armature en coin, une deuxième fissure apparait sur le deuxième plus faible enrobage (c = 30 mm).

Alonso [33] s’est basé sur la même géométrie de prisme et a testé deux densités de courant 10 et 100 µA/cm² sur certains prismes en béton armé avec un enrobage variable (70 mm et 20 mm), une armature de diamètre 16 mm et des granulats de dimension maximale 12 mm [33]. Les ouvertures de fissures ont été mesurées à l’aide d’un fissuromètre de précision 0,01 mm (Figure I-18).

La pente de la courbe de l’ouverture de fissures en fonction de la perte de section d’acier dépend de l’enrobage et de la densité de courant appliquée :

- Pour des densités de courant de 10 et 100 µA/cm² (enrobage de 70 mm), la pente est 3 fois plus importante pour la densité la plus faible (Figure I-18). D’un point de vue

Figure I-18. Evolution de l'ouverture de fissure en fonction de la perte de section d'acier pour deux densités de courant (10 µA/cm² (specimen 21) et 100 µA/cm² (specimen 6)) [33]

Qiao [97] a réalisé des essais de corrosion accélérée avec une densité de courant de 900 µA/cm² pour une durée de 86 heures. Ces essais ont été réalisés sur des corps d’épreuve en béton armé de dimension (200 x 500 x 200 mm3) avec des enrobages de 10 et 30 mm et un béton présentant les caractéristiques mécaniques suivantes (module élastique E = 30,75 GPa, résistance en compression Rc = 38,75 MPa, résistance en traction Rt = 2,94 MPa). La Figure I-19 présente deux résultats :

- Pour un enrobage de 30 mm, une seule fissure longitudinale avec une ouverture de fissure maximale égale à 0,25 mm a été mesurée (Figure I-19-a).

- Pour un enrobage de 10 mm, plusieurs fissures colmatées avec des PdC (marquées en bleu sur la Figure I-19-b) ont été détectées. L’ouverture maximale de la fissure longitudinale est de 0,4 mm.

Figure I-19. Fissuration externe des corps d’épreuves étudiés par Qiao [97]

La localisation et l’ouverture des fissures externes dépendent de l’enrobage, de la durée et de la densité de la corrosion accélérée et des caractéristiques mécaniques du béton.

I.1.5.2 Fissures internes

La formation des fissures ne dépend pas seulement de la nature et de la quantité des PdC formés à l’interface acier/béton mais également des propriétés mécaniques du béton (résistance en traction, module d’Young, comportement après fissuration, …).

Dans le cas d’un matériau poreux ou présentant une décohésion acier/béton, des degrés de liberté existeront et retarderont ainsi le développement des contraintes appliquées sur le béton par les PdC.

Dans des bétons compacts, les PdC ne diffusent que partiellement dans la matrice cimentaire et donc la majeure partie du fer oxydé participera à la croissance de la couche de PdC. Jamali [72] a montré que les fissures apparaissent plus vite sur un béton compact. Ce paramètre n’a pas été spécifiquement pris en compte lors d’études empiriques alors qu’il l’est pour les modèles analytiques et numériques. À partir de ces modèles, le constat réalisé est que plus le module d’élasticité est faible, plus le matériau est souple, plus il va être « tolérant » vis-à-vis d’une déformation locale. Plus le module sera élevé, plus la rupture serait retardée et le comportement serait fragile et non ductile [72].

Tsutsumi [98] propose, dans le cas d’une seule armature de diamètre D et d’un enrobage C, un coefficient k = qui prédit le faciès de fissuration tel que :

- Si k < 3, deux fissures inclinées apparaissent (Figure I-20-a)

- Si k ≥ 3, deux fissures horizontales et une fissure verticale apparaissent (Figure I-20-b)

Figure I-20. Critère de prédiction du faciès de fissuration dans l’étude de Tsutsumi [98]

Le mode de rupture (délamination ou éclatement) dépend principalement de l’enrobage C et de l’espacement S entre les armatures (Figure I-21).

Jamali [72] indique que lorsque l’enrobage est plus petit que l’espacement entre les armatures, dans le cas d’une corrosion, des fissures planes inclinées d’un angle de 45° par rapport à l’horizontale apparaissent ce qui engendre un éclatement du béton à la surface. A l’inverse, si l’enrobage est plus grand que l’espacement entre les armatures, une coalescence des microfissures survient, ce qui conduit à une délamination du béton d’enrobage (Figure I-22).

Figure I-22. Mécanisme de fissuration du béton d'enrobage [72]

Borosnyoi [100] a révélé les ouvertures de fissures grâce à une injection de résine. La répartition des ouvertures de fissures autour de l’armature a été étudiée. Les ouvertures de fissures mesurées autour de l’armature (de l’ordre de 0,02 mm), sont de plus en plus importantes au fur et à mesure qu’elles sont observées à proximité de la surface extérieure du béton (0,26 mm à la surface) (Figure I-23).

Caré a réalisé des essais de corrosion accélérée à 100 µA/cm² pendant 25 jours sur des prismes en mortier. Le faciès de fissuration change selon l’emplacement de l’armature [101]. Sur la Figure I-24-a, pour une armature centrée, le faciès de fissuration est constitué de deux fissures obliques (OC), d’une fissure verticale (VC) et d’une fissure interne (IC). Pour une armature située en coin, le faciès de fissuration est constitué d’une fissure latérale (LC), d’une fissure verticale (VC) et d’une fissure interne (IC).

(a) (b)

Figure I-24. Faciès de fissuration; a/ armature centrée, b/ armature en coin d’après Caré [101]

Pour des essais de corrosion accélérée, sur des éprouvettes cylindriques en béton munies d’une armature de 16 mm de diamètre et soumises à une densité de courant de corrosion de 300 µA/cm² (la contre électrode est placée tout autour du cylindre), Zhao signale que l’épaisseur de la couche de PdC et la longueur des fissures semblent être linéairement proportionnelles [31] (Figure I-25). De plus, Zhao [102] a trouvé que les fissures sont localisées aux endroits où l’épaisseur de la couche de PdC est la plus importante.

Figure I-25. Evolution du faciès de fissuration en fonction de l'épaisseur des couches de PdC pour une corrosion uniforme (la longueur de la fissure la plus longue et l’épaisseur de la

couche de PdC sont précisées sous chaque section) [31]

Lors d’essais expérimentaux montrant l’influence des paramètres géométriques et matériaux, certains auteurs ont travaillé avec des mortiers [60], [8, 70] et [63]. D’autres se sont intéressés au béton tels que El Maaddawy [46], Abosrra [61], Al Sulaimani [62], Rodriguez [69] et Almusallam [74]. Les résultats obtenus sur l’orientation des fissures sur les corps d’épreuve en mortier armé [60], [85], [103] sont différents entre eux et différents de ceux des corps d’épreuve en béton armé [12]. Cette hétérogénéité de résultats est attribuée à plusieurs paramètres géométriques, mécaniques et électrochimiques. En effet, l’échelle d’étude (celle des diamètres d’armature et des enveloppes en béton ou mortier), la taille des granulats, la formulation utilisée et la méthode de corrosion accélérée influent fortement sur le comportement des corps d’épreuves au cours du processus de corrosion.