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Conséquence de la DPP sur les interactions mère-bébé et sur le développement de l’enfant

Partie I – Dépression du post-partum d’intensité sévère: connaissances actuelles et

6. Conséquence de la DPP sur les interactions mère-bébé et sur le développement de l’enfant

6.1. Conséquences précoces sur la dyade mère-enfant.

Généralement les mères souffrant de DPP sont moins sensibles aux besoins de leur enfant. Elles verbalisent une diminution des comportements intuitifs, une difficulté à répondre aux besoins de leur enfant, un manque d’envie, voire une incapacité à s’en occuper, de peur de mal faire. Ceci engendre une non-disponibilité de la mère pour son enfant avec pour conséquence une limitation des interactions. Celles-ci sont indispensables. Des patterns ou des configurations d’interactions avec un rythme et un « style » se construisent progressivement au cours de la première année de la vie. Elles détermineront le style d’Attachement que l’enfant internalisera. Selon J.Bowlby la notion d’attachement fait référence à une composante innée et acquise. Le sujet a un besoin primaire de s’attacher à sa figure d’attachement (en général sa mère), laquelle constitue une base de sécurité pour l’exploration. Le type d’attachement dépend de l’apprentissage des liens affectifs construits dans l’enfance auprès de sa figure d’attachement.

Les schèmes innés (Objets opérants internes ou Internal Working Models) consistent à rechercher la proximité affective et physique avec la figure d’attachement, tandis que les schèmes acquis consistent à s’adapter physiquement, émotionnellement et cognitivement aux réponses de la figure d’attachement. L’Attachement est nécessaire à la structuration de la personnalité de l’enfant (43)(44).



Deux modes d’interaction mère-enfant sont décrits:

- le mode « retrait »: elles sont désengagées, non réactives, affectivement neutres et soutiennent peu l’activité de leur nourrisson. Celui-ci est incapable de s’adapter à cet état négatif ou de l’autoréguler, et il devient passif, se replie sur lui-même et adopte des comportements autorégulés comme sucer son pouce de manière intensive.

- le mode « intrusif »: les mères affichent un affect hostile qui perturbe l’activité du nourrisson. Ce dernier ressent de la colère, met en place des conduites d’évitement il se détourne de sa mère pour limiter son intrusion (mode protecteur d’adaptation) (40)(42).

6.2. Conséquences sur le développement précoce du nourrisson.

L’on a vu précédemment que la DPP peut être source de distorsions interactives voire d’une paucité des interactions mère-enfant. De ce fait, des carences affectives peuvent se mettre en place, engendrant à leur tour de multiples conséquences négatives sur la personnalité et le développement cognitif, affectif et comportemental de l’enfant.

Certaines études tendent à mettre en évidence que les nourrissons de sexe masculin seraient plus vulnérables et perturbés par ses échanges de mauvaise qualité que les nourrissons de sexe féminin (43)(44)(156). Ceci serait en lien avec des capacités de régulation de moins bonne qualité chez les bébés de sexe masculin.

-Sur le plan cognitif :

Selon une étude princeps de Murray et al., on retrouve un risque plus élevé d’atteinte des fonctions cognitives chez les nourrissons de mères souffrant de DPP par rapport à la population générale (43).Les manifestations sont variées : communication interpersonnelle altérée tant au niveau de la fréquence de l’adresse verbale, de la qualité de la voix, du contact visuel, de la qualité de l’expression que des réponses émotionnelles (45)(46)(47)(48).

-Sur le plan affectif :

Les carences affectives entrainent une limitation des échanges vocaux ou visuels avec son environnement. Les nourrissons adoptent un comportement d’évitement, de fuite, sont moins souriants avec un certain repli sur eux-mêmes (49).

-Sur le plan comportemental :

On retrouve essentiellement des symptômes fonctionnels tels des pleurs prolongés et /ou des troubles du sommeil variables en fonction de l’âge. En 2013, une étude a démontré une association significative entre des pleurs quotidiens prolongés > 20 minutes et la DPP (EPDS >9 à 8 semaines du post partum).Bien que la causalité ne puisse pas être déterminée de manière certaine, la dépression maternelle s’aggrave-t-elle parce que faire face à un nourrisson en difficulté est source de stress et nécessite des ressources affectives importantes, ou est-ce que la dépression engendre une vulnérabilité de la régulation des cycles veille-sommeil chez le nourrisson ? Il semble exister une corrélation entre les deux qu’il faut appréhender. Les insomnies précoces du nourrisson sont reliées aux troubles du sommeil maternel et l’un et l’autre sont corrélés à la DPP maternelle. La période de réajustement du sommeil du nourrisson jusqu’à 4 mois, où les stimuli de faim et de satiété rythment le cycle du sommeil ne sont pas concernés et ont été exclus dans les recherches (50)(51). Les troubles du sommeil peuvent être un signal d’alarme en faveur d’une DPP. Leur fréquence et le risque de banalisation empêchent souvent de les considérer comme tels (Annexe 2).

6.3. Conséquences sur le développement des enfants en âge scolaire et les adolescents.

Sans vocation à être exhaustif, ce paragraphe à pour but de rappeler que les conséquences de la DPP sur l’enfant ne sont pas limitées à la première enfance, mais elles peuvent toucher les tout-petits, les enfants d’âge préscolaire et ceux d’âge scolaire. Une dépression qui se manifeste plus tard influe sur le développement de l’enfant d’âge scolaire et l’adolescent (52). Ainsi Weissman et al. ont évalué 91 familles comptant 220 enfants âgés de six à vingt-trois ans sur une période de dix ans. Les résultats indiquent un taux plus élevé de dépression, de phobies, de troubles panique et de dépendance à l’alcool chez les enfants dont les parents étaient atteints de dépression comparé au groupe de parents ne souffrant pas de dépression. Contrairement à la petite enfance ou les bébés de sexe masculin seraient plus vulnérables aux échanges de mauvaise qualité, le ratio fille/garçons s’inverse à l’adolescence (53)(54). Certaines études suggèrent toutefois que le risque induit par la DPP ne devient consistant qu'en association avec d'autres

facteurs dont la récurrence ou la chronicité des troubles dépressifs maternels (Longitudinal Study of Maternal Depressive Symptoms and Child Well-Being ; Effects of Maternal Depression on Cognitive Development of Children Over the First 7 Years of Life). L’annexe 2 résume les conséquences de la dépression maternelle à toutes les étapes, du fœtus jusqu’à l’adolescence (Annexe 2).

6.4. Conséquences sur le couple.

Nous avons vu précédemment, que les conflits conjugaux constituent un facteur de risque important de développement d’une DPP. Mais il existe également un lien significatif entre les DPP maternelles et la dégradation des relations conjugales du fait des symptômes de cette pathologie, notamment l’irritabilité. Ainsi les DPP peuvent aboutir à l’apparition ou à la majoration de conflits conjugaux pouvant aller jusqu’à la séparation des parents. De ce fait il est important de mener les investigations nécessaires afin de définir si la dégradation de la qualité du lien conjugal est antérieure ou pas à la survenue de la DPP. De plus, la dépression maternelle est corrélée au risque de dépression paternelle. En 2010, une revue de la littérature reprenant 20 études a mis en évidence l’augmentation de l’incidence de la dépression paternelle chez les pères ayant une conjointe déprimée pendant le post-partum comparée à la population générale dans la première année du post-partum (respectivement 24-50% vs 1,2-25,5%) (55).