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Conquises en 1516 par l’Empire Ottoman, de nombreuses villes, notamment portuaires, qui font partie des frontières du Liban actuel, faisaient partie des

sanjakslimitrophes de la région montagneuse du Mont-Liban. La plaine fertile

de la Békaa faisait partie de lawilaya de Damas et cela jusqu’à la création de

la République Libanaise sous le mandat. Beyrouth, Saida et Tyr sont mises

sous lesanjak d’Acre et Tripoli au nord était sous le mandat du wali d’Alep.

Cette configuration administrative perdurera jusqu’en 1888 avec la création de

la nouvellewilaya de Beyrouth qui s’étend sur la côte de Latakieh en Syrie au

nord jusqu’ausanjak indépendant de Jérusalem au sud. Avant d’être fusionnées

dans cette wilaya, les relations de pouvoir au Mont-Liban ont longtemps été

assignées aux Emirs druzes qui ont joui d’une semi-autonomie instaurée dans la

principauté du Mont-Liban, ouImarat Jabal-Lubnan, avec un contrôle limité sur

les voies maritimes d’importance.

Cloisonnés, mais indépendants, les émirs du Mont-Liban ont promu

l’ex-pansion de l’agriculture et du commerce dans un souci d’assurer la subsistance

de leurs sujets tout en assurant le maintien de leur autorité en payant des

impôts, notammental-miri, le dixième de la production des terres cultivées,

à la Sublime Porte. Depuis le début de ce pouvoir local, la sériciculture a été

encouragée par l’Emir druze Fakhr-el-Dine II, de la dynastie Maan, appuyé par

une relation stratégique militaire et économique avec le Grand-duché de Toscane,

à une époque où les villes italiennes, comme Florence, étaient considérées comme

centre européen du marché et de l’industrie du textile (Trabulsi,2007).

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. Pour

favoriser l’investissement des marchands étrangers affluents des Routes de la

soie et des épices, l’Emir fit construire de nombreux caravansérails et élargit le

port de Beyrouth. Pour la main-d’œuvre, il encouragea les paysans maronites

chrétiens, venus des montagnes au nord du pays, leur principal refuge depuis le

Xème siècle,

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à se déplacer vers la région sud, contrôlée par les familles féodales

druzes. Dans les circonstances de ces relations de pouvoir propres au Mont-Liban,

encadrées par l’Empire Ottoman, on note déjà une distinction dans les classes

sociales intra et inter-communautés, ce qui engendrera respectivement par la

suite, au XIXème siècle des révolutions paysannes et des conflits communautaires.

Malgré les tensions entre émirs et afin de prospérer, deux questions se posent

à l’époque de la principauté du Mont-Liban, l’une relative à la propriété du sol

3. Selon de nombreuses sources, la sériciculture a été introduite au Liban sous Cyrus au VIème siècle Av. J.-C. avec l’extension de la route de la soie au Proche-Orient (Pariset,1865) Teintée à la Pourpre de Tyr, les activités de production et de traitement de la soie ont été développées au Liban par les Empereurs Byzantins, notamment sous le règne de Justinien au VIème siècle Ap. J.-C. (Févret,1949a)

4. Il est à noter que les maronites auraient fui la vallée de l’Oronte pour se réfugier dans les hauteurs du Liban sous la persécution de Byzance (Salibi,2003).

et la seconde à l’utilisation des eaux. L’augmentation de la production locale,

source de richesse pour les propriétaires terriens et de survie des populations,

interroge la nature de l’usufruit du foncier en termes du sol et de ses eaux.

C’est notamment sur ces sujets que des conflits naissent entre émirs ou entre ces

derniers et le système de pouvoir de la Sublime Porte. Cette situation se traduit

ainsi par une emprise plus ou moins forte du pouvoir central, permettant aux

élites locales d’appliquer avec plus ou moins de zèle, voire de refuser d’appliquer,

les directives au bénéfice de leurs intérêts économiques sociaux et politiques

(Chevallier, 1971;Cresswell,1970). Avant le XIXème siècle, les terresamiriés,

les domaines éminents au profit de l’Etat ou du possesseur de pouvoir tel le

wali (assigné par Istanbul) ont ainsi été réduites au Mont-Liban, assurant à

l’élite locale la pleine possession foncière et d’usufruit des terres, fondée sur

les coutumes et contrainte par des conditions fiscales (Touma,1966). Selon le

juriste libanais Hyam Mallat, le Mont Liban est une pionnière dans la région

dans la propriété foncière privée, lemulk. On y trouve même la possibilité, rare,

de pouvoir dissocier transaction foncière et droit de l’eau.

Dans une recherche sur les fondements du droit de l’eau au Liban, Mallat

nous renseigne sur l’ouvrage de Mgr. Abdallah Qaraali, “Abrégé de la loi au

Liban au temps des Emirs Chéhab”,rédigé en 1733 pour l’Ordre Maronite dont

il est un des pères fondateurs. Il est à noter que bien que ce travail a servi à

documenter les normes civiles en vigueur afin d’apporter des preuves et des

authentifications de l’accommodation des maronites à la Charia, le but paraît

plutôt celui d’une plaidoirie auprès des puissances européennes de la nécessité

d’adopter des lois civiles propres aux chrétiens. L’ouvrage est essentiellement

un recueil des travaux sur la Charia et les fatwas de l’uléma et juriste hanafite

Khaireddine Ramli qui prêcha au XVIIème siècle. Au Chapitre 20 section B

nommé “De l’eau et de ses terres basses”, l’ouvrage nous éclaire sur l’existence

de onze clauses relatives à l’eau qui régissaient le partage de la ressource au

Mont-Liban à cette époque. La majorité de ces clauses énoncent des exigences de

répartition des eaux par rotation et d’entretien des canaux en accordant au

bien-fonds inférieur une servitude vis-à-vis des propriétaires du bien-bien-fonds supérieur

en obligeant ce dernier à mener les travaux nécessaires en amont.

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D’autres

rappellent clairement les mœurs dictées par la Charia, concernant le droit du

chifa. Quant à la septième clause du texte, on retrouve une authentification

de l’existence de l’appropriation de l’eau en dehors de la propriété du sol par

la phrase suivante : “Celui qui possède un ruisseau dans le bien-fonds d’autrui

possède un passage pour y arriver”.

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Ces clauses montrent comment les règles de partage et d’accès aux ressources

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