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4. Historique des populations d’outardes méditerranéennes

4.4 Connectivité des populations méditerranéennes

L’étude de l’évolution du ratio d’oiseaux en reproduction sur le nombre d’oiseaux en hiver, dans le département et la ZPS*, indique que tous les oiseaux se reproduisant en Costières n’y étaient pas détectés l’hiver (Tableau 10). Ceci a été historiquement confirmé par un premier programme de suivi télémétrique des outardes canepetières du Sud de la France qui avait été mené dans le cadre de la thèse d’Axel Wolff en 2001 (Dieuleveut & Wolff 2001, Dallard 2001). Il avait permis de mettre en évidence des échanges de part et d’autre du Rhône entre Crau et Costières. Des individus hivernant en Crau étaient contactés en Costières en période de reproduction et inversement.

La mise en place d’un programme de télémétrie et de suivi Argos* dans le cadre de cette thèse nous a permis de constater que les échanges entre les populations de Crau et du Languedoc étaient toujours d’actualité. Ils se font dans les deux sens : des individus capturés en hiver en Costière ont été contactés en période de reproduction en Crau, tandis que des individus équipés en période de reproduction en Costières ont passé une partie de l’hivernage en Crau.

Cependant, sur 27 individus équipés d’émetteurs VHF, 23 n’ont pas été contactés en dehors du Languedoc et 2 non pas été retrouvés malgré les prospections aériennes. S’agissant d’oiseaux équipés et suivis avant les travaux des fouilles (2013), la faible proportion d’individus ayant rejoint la Crau n’est pas imputable à la mise en place de la LGV*.

De même, sur 15 individus équipés de balises Argos*, 12 n’ont pas quitté le Languedoc en 2013-2014, malgré le démarrage des travaux. Ceci représente malgré tout une proportion plus élevée de transients, 3 mâles adultes sur 15 (= 20 %) contre aucun mâle adulte VHF. Dans le détail, 3 individus équipés de VHF lors des hivers 2011-2012 et 2012-2013 en Costières ont été retrouvés en Crau. Une femelle adulte a été retrouvée en Crau l’hiver suivant uniquement, ce qui semble indiquer qu’elle n’a pas non plus effectué sa reproduction en Costière. Une femelle adulte a passé sa saison de reproduction en Costière, puis a été retrouvée l’hiver suivant en Crau. Un mâle immature enfin a été retrouvé en période de reproduction sur l’aéroport de Marseille-Provence. C’est également l’individu ayant parcouru la plus grande distance au site de capture connue (ca. 75 km). Il faut cependant noter que la télémétrie ne permet pas un rythme de suivi aussi élevé que les balises Argos* : des mouvements d’aller-retour ont pu ne pas être détectés, malgré les survols aériens.

Au contraire, 3 mâles adultes sur les 15 équipés de balises Argos* en période de reproduction en 2013 en Costières se sont rendus en Crau entre la mi-août et la fin mars 2014. L’un d’eux a effectué 1 aller-retour Costières-Crau au cours de l’hiver, puis a entamé sa saison de reproduction 2014 en Crau. Deux autres ont effectué 2 allers-retours au cours de la période décrite. L’un d’eux est alors retourné sur son secteur d’hivernage en Crau pour y accomplir sa saison de reproduction. L’autre s’est établi en Crau pour le début de sa période de reproduction, puis a cessé d’émettre. Une certaine synchronie des déplacements (avec souvent un jour de battement) a été observée entre les 3 individus : les individus 1 et 3 ont effectués le trajet Costière-Crau dans le même créneau de dates (3 jours), mais chacun avec des points de départ et d’arrivée différents ; les individus 1 et 2 ont ensuite effectué un aller-retour Crau-Costières dans les mêmes créneaux de temps (même journée) (départs et arrivées des deux sites, toujours avec des points de départ et d’arrivée individuels

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différents) ; enfin, les individus 2 et 3 semblent avoir réalisé un retour en Costière dans le même laps de temps. Ces individus n’ayant pas fréquenté les mêmes lieux et n’ayant a priori pas voyagé ensemble (en groupe, ou du moins dans le même groupe) ceci suggère un rôle de facteurs externes. Les trajets Crau-Costières et inversement sont effectués a priori indifféremment en début (entre 20 h et 02 h) ou en fin de nuit (entre 02 h et 08 h), et représentent des distances de 20 à 50 km. Compte tenu des vitesses relevées sur d’autres systèmes de suivis embarqués sur des individus des populations du Centre-Ouest de la France, de telles distances peuvent être couvertes en moins d’1 heure de temps.

D’autre part, on a pu constater de la même façon la connectivité des populations languedociennes de l’Ouest des Costières et provençales. Les localisations des individus équipés de balises (VHF* ou Argos*) s’étendent de Marignane à l’Est jusqu’à Montpellier à l’Ouest (ce qui représente une amplitude de 105 km en ligne droite). Au sein du Languedoc, les localisations relevées confirment la connexion entre le plateau des Costières et le secteur de la basse plaine du Vidourle - Étang de l’Or jusqu’à l’aéroport de Montpellier à l’Ouest (2 individus cantonnés durant l’hiver), mais aussi avec la plaine de Saint-Chaptes au Nord (1 individu pendant 24h), et la plaine de Beaucaire au Sud-Est (2 individus cantonnés durant l’hiver).

Figure 39 : Connectivité des populations méditerranéennes (contours de la ZPS en halo vert clair, flèches en pointillés = échanges inter-îlots, flèches continues = échanges hors ZPS).

Si la Basse Plaine du Vidourle constitue un site historiquement connu utilisé par les outardes du Gard, le lien jusqu’à l’aéroport de Montpellier n’avait pas pu être établi auparavant, ce qui suggère une progression de la population des Costières vers l’Ouest. Situation identique avec la plaine de Saint-Chaptes : la présence de l’espèce en reproduction et plus anecdotique en hivernage est connue, mais le lien avec la Costière n’avait pas pu être confirmé de façon certaine. Concernant la plaine de Beaucaire (à majorité occupée par des rizières), l’apparition de l’Outarde n’y a été relevée que récemment (2010) mais des échanges réguliers existent avec le plateau des Costières voisin.

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De la sorte, on constate bien que les populations méditerranéennes françaises semblent communiquer entre elles, mais aucune quantification des flux n’est actuellement réalisable. Si la Crau a probablement pu jouer un rôle, i.e. probablement offrir des sites d’hivernage aux premières outardes nicheuses de Costières, aujourd’hui les liens sont plus ténus. De la même façon, on a établi que les outardes se reproduisant ou hivernant en Costières étaient susceptibles de rejoindre tous les noyaux connus de population entre Marseille et Montpellier et jusqu’aux contreforts des Cévennes (Saint-Chaptes) en Languedoc. Les sex-ratios* obtenus en Costières permettent de conclure qu’un recrutement local suffit à expliquer la croissance de cette population.

Les causes de l’apparition, de l’implantation durable et de la croissance de la population de Costière sont donc potentiellement liées à celles identifiées dans l’évolution des autres populations méditerranéennes, i.e. les modifications du milieu agricole.

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4.5 Influence des changements agricoles sur la dynamique des