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3.2 Discussion

3.2.2 Coniques focales

Ici, nous souhaitons discuter du mécanisme possible conduisant à la formation des FCDs dans les parties les plus épaisses du ménisque. Comme mentionné précédemment, ce mécanisme est susceptible d'être très diérent de celui habituellement invoqué pour expliquer l'existence des FCDs en géométries dans des couches minces de CL déposées sur un substrat solide

[Kim, 2011 ; Honglawan, 2013].

Dans ces travaux, le CL smectique est, d'un côté, en contact avec un substrat solide, tandis que l'autre interface est en contact avec l'air. Habituellement, le substrat solide est traité chimiquement pour imposer des conditions auxlimites planaires auxmolécules des cristauxliquides utilisés, alors que la surface libre smectique assure un ancrage homéotrope. Ces conditions auxlimites d'ancrage hybrides, sont précisément responsables de la formation des FCDs. En eet, leur stabilité résulte d'un équilibre entre l'ancrage de surface et les énergies élastiques : Les FCDs se formeront si le gain d'énergie d'ancrage de la surface du substrat compense le coût de l'énergie élastique associée auxdistorsions des couches et des défauts [Kim, 2009].

Notez que seulement la moitié des domaines sont présents dans ce cas, avec l'ellipse du FCD située sur la surface du substrat (voir par exemple la référence [Kim, 2009]) dans le ménisque des FLSs, de telles conditions aux limites hybrides n'existent pas puisque le CL n'est pas en contact avec un substrat solide, sauf à la frontière extérieure. En outre, contrairement aux FCDs sur les substrats solides, dans les FLSs les domaines sont complets et symétriques par rapport au plan médian du ménisque, l'ellipse étant située dans ce plan [Kléman, 2006 ; Nastishin, 2008] (voir la gure 3.2.2).

Figure 3.2.2  Représentation schématique du prol d'un ménisque d'un FLS contenant un domaine de conique focale avec une ellipse dans le plan médian du ménisque. [Nastishin, 2008]

Regardons maintenant ce que nous apprend la littérature concernant les FCDs dans le ménisque de FLSs. À notre connaissance, les FCDs ont été mentionnés par Proust et Perez [Proust et Perez, 1977], il y a 50 ans, puis beaucoup plus récemment par Picano et al. [Picano, 2000] et Kléman et al.

[Kléman, 2006 ; Nastishin, 2008].

Dans l'article[Picano, 2000], les chaînes des FCDs sont clairement visibles dans les parties les plus épaisses du ménisque d'un échantillon smectique (SmA). Les auteurs mettent aussi en évidence des dislocations coin géantes avec de grands vecteurs de Burgers b situées juste avant le réseau de FCDs. Ces dislocations coin géantes deviennent rapidement instables par rapport à la formation des FCDs, comme mentionné dans la référence de[Picano, 2000], et démontré en référence [Boltenhagen, 1991]. En fait, les dislocations coin sont topologiquement équivalentes aux coniques focales, c'est-à-dire qu'elles peuvent être transformées en coniques focales et, vice versa [Rault, 1976 ; Boltenhagen, 1991 ; Williams et Kléman, 1975]. Par conséquent, suivant Picano et al., [Picano, 2000], il semble raisonnable de penser que les FCD mis en évidence dans nos expériences (voir les gures 3.1.1, 3.1.13 et 3.1.15)

proviennent, au moins en partie, des dislocations géantes, qui sont forcément présentes dans les parties les plus épaisses du ménisque.

Regardons maintenant le lien entre l'ondulation des couches et les FCDs. Lavrentovich et al. ont montré que les ondulations des couches smectiques pourraient catalyser la nucléation des FCDs. Plus généralement, leur théorie prédit qu'il est plus facile de générer des FCDs à partir d'un état déformé, en raison par exemple des dislocations, des ondulations de couches, ou de petites particules de poussière, plutôt qu'à partir d'un état idéalement uniforme. Nos observations soutiennent directement ce scénario : les dislocations géantes et les ondulations des couches sont présentes dans le ménisque, et éventuellement servent de sources pour la nucléation des FCDs[Boltenhagen, 1991 ; Lavrentovich, 1994].

Ce dernier phénomène est particulièrement bien illustré sur les gures 3.1.1 et 3.1.13 : en eet, les petits FCDs sont préférentiellement nucléés sur des stries épaisses, avant de former un réseau plus ordonné composé de domaines plus grands (voir la section 3.1.3). En chauant bien au-dessus du

TAC, les petits FCDs disparaissent avec les stries, mais les plus grands FCDs persistent, certainement à cause de la présence des dislocations. Cet argument explique pourquoi les FCDs sont toujours présents dans les régions épaisses du ménisque, quel que soit la phase smectique (SmA, SmC (C)). D'autres considérations renforcent le scénario précédent. Dans la section 3.1.3, nous avons mentionné que les FCDs apparaissent à une distance bien précise du lm identique pour l'ensemble du ménisque. Cette observation correspond très bien au fait que les dislocations géantes se forment seulement dans des régions assez épaisses du ménisque, c'est-à-dire à une distance précise du lm, dépendant du rayon de courbure [Oswald et Pieranski, 2005 ; Picano, 2000]. En première approximation, nous pouvons utiliser le modèle de Picano et al. [Picano, 2000] pour fournir une estimation de la distance minimale du lm, Lmin, à laquelle des dislocations géantes devraient apparaître dans le ménisque. En prenant RC  500µm (voir la section 3.1.2), nous trouvons

Lmin ≈ 50µm, qui semble correspondre à la plupart de nos observations, puisque la distance à laquelle les FCDs sont généralement nucléés est de (50 − 100)µm du lm (voir par exemple la gure 3.1.1). L'argument précédent explique également pourquoi les FCDs sont généralement pas observés dans le ménisque se développant autour des inclusions colloïdales de taille micrométrique (voir la gure 3.1.18) : l'épaisseur du ménisque n'est pas assez importante pour que les dislocations géantes se développent, et les FCDs ne peuvent pas nucléer, malgré la présence de petites stries.

Dans la section suivante, nous avons modié les conditions d'ancrage sur les parois du cadre utilisé pour former les lms an d'explorer une possible inuence sur les FCDs et sur l'ondulation des couches.