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Le but de ce congrès est donc de remettre en cause toute une série d’expressions véhiculées par les médias, qui nécessitent d’être redéfinies ou actualisées, afin de mieux

cerner le débat et ses enjeux. Ainsi, une désignation comme nueva narrativa

9

, qui

s’impose dès l’organisation du colloque de Saint-Jacques-de-Compostelle, peut poser

problème si on la considère uniquement comme étiquette choisie par le marché du livre

afin de promouvoir des écrivains situés à la périphérie de l’establishment littéraire. Dans

cette perspective, il est essentiel de préciser que l’adjectif qui qualifie ce phénomène de

« nouveau » n’exprime pas simplement son caractère récent – du point de vue

temporel – ou expérimental – du point de vue esthétique

10

. Il indique plutôt le

8 Document disponible sur la page de la Generalitat de Catalunya, www20.gencat.cat/docs/.../bibliografias%20NEO3.doc, consulté le 25 février 2015.

9 Il faut rappeler l’existence antérieure de cette dénomination, avec Belver Yin de Jesús Ferrero (1981), désignation qui a été étendue par la suite à d’autres auteurs ayant émergé dans les années 1980. À ce titre, il faudra s’interroger sur la relation qu’entretiennent les mutants avec la Nueva Narrativa – représentée par des écrivains comme Antonio Muñoz Molina, Javier Marías, Juan José Millás ou encore Enrique Vila-Matas – lorsqu’ils décident d’employer cette expression. Il apparaît que, malgré la coïncidence terminologique et l’admiration pour des auteurs comme Vila-Matas ou Juan Goytisolo, les mutants adoptent des poétiques visant à établir une distance transgressive par rapport à leurs prédécesseurs.

10 Cet adjectif a été également privilégié dans le titre de ce travail avec la même acception. À cela, il faut ajouter, comme il sera question de le souligner dans l’analyse du concept de génération, que le terme suppose également l’attitude de distanciation par rapport aux prédécesseurs, ainsi que par rapport aux contemporains.

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changement plus profond d’une littérature ancrée dans la réalité actuelle. Par rapport au

monde qui, à son tour, se transforme avec célérité, les nouvelles pratiques d’écriture

adoptent un discours critique, qu’elles construisent avec les outils contemporains en

détournant leur emploi. Ainsi, les objets technologiques, par exemple, deviennent des

instruments narratifs dans les œuvres mutantes, comme il sera montré dans la dernière

partie de cette thèse. L’intérêt pour le détournement est attesté aussi bien dans la théorie

de la postpoésie de Fernández Mallo que dans l’afterpop de Fernández Porta et la

pangée de Mora, concepts qui seront exposés dans le chapitre trois.

La liste nominative de NEO3

11

pourrait être considérée comme un argument

contre l’existence d’une génération, voire d’un phénomène homogène. Il est cependant

possible d’inférer que l’hétérogénéité des promoteurs de cette nouvelle esthétique est

précisément l’une des caractéristiques les plus marquantes de ce mouvement littéraire.

De toute évidence, cela ne signifie pas que tous les noms consignés ici constituent la

génération mutante. Pourtant, l’essentiel y est.

C’est après la rencontre « Atlas Literario Español », qui s’est tenue à peine

quelques mois après le Congrès NEO3, en juin 2007 à Séville, sous les auspices de la

Fondation José Manuel Lara et avec le concours des éditions Seix Barral, que les

médias commencent à se focaliser sur ce qu’eux-mêmes nomment la generación

Nocilla

12

. L’ampleur que prend cet événement est due notamment à deux articles

publiés par la suite par les journalistes Elena Hevia (2007) et Nuria Azancot (2007). Les

discussions qui en découlent ne se bornent pas pour autant aux médias traditionnels,

mais elles se développent principalement sur la blogosphère, entraînant la participation

de la plupart des auteurs qualifiés de nocilleros.

11 Sur la liste des écrivains invités figurent, entre autres, Mercedes Cebrián (Madrid, 1971), Isaac Rosa (Madrid, 1974), Robert Juan-Cantavella (Castellón, 1976), Gabi Martínez (Barcelone, 1971), Javier Fernández (Cordoue, 1971), Germán Sierra (La Corogne, 1960), Juan Francisco Ferré (Malaga, 1962), Vicente Luis Mora (Cordoue, 1970), Agustín Fernández Mallo (La Corogne, 1967), Javier Calvo (Barcelone, 1973), Eloy Fernández Porta (Barcelone, 1974), Jorge Carrión (Tarragone, 1976).

12 Parmi les auteurs présents à cet événement (autour d’une cinquantaine), il convient d’évoquer les noms de Lolita Bosch, Jorge Carrión, Agustín Fernández Mallo, Mario Cuenca, José Ángel Mañas, Gabi Martínez, Ricardo Menéndez Salmón, Vicente Luis Mora. Il faut remarquer l’absence, lors de cette rencontre, d’Eloy Fernández Porta, Juan Francisco Ferré, Robert Juan-Cantavella, Javier Fernández, Mercedes Cebrián, Juan Trejo.

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Après la publication de l’anthologie Mutantes (2007) – ouvrage présenté dans la

seconde section de ce chapitre –, Juan Francisco Ferré organise, en mai 2008, à Malaga,

le Congrès « Mutaciones: tendencias y efectivos de la narrativa contemporánea », où il

réunit plusieurs écrivains

13

, avec le but de répondre à toute une série de questions :

¿Qué está pasando en la narrativa española contemporánea? ¿Está pasando

algo? ¿Es todo un invento de los medios de comunicación, o estamos asistiendo

a una verdadera renovación de los contenidos, las formas y los nombres de esa

narrativa? […] ¿Existe o no una posibilidad de establecer una conexión

satisfactoria con el mundo contemporáneo, en toda su paradójica complejidad,

desde la ficción? ¿Es posible acoger y procesar la ingente cantidad de

información que circula por las redes a través de las técnicas narrativas usuales,

o deberían inventarse nuevos formatos más acordes con las exigencias de

nuestra época? ¿Tiene la literatura todavía algo que decir en este mundo que se

está reconfigurando a una velocidad superior a nuestra capacidad de

asimilación? ¿Son posibles todavía la innovación y la subversión en la narrativa

literaria? ¿Es posible aún abrir una novela o un libro de relatos y encontrarse

con unos códigos de representación que desmantelen rigurosamente las

categorías convencionales con que la narrativa dominante pretende dar cuenta

de la realidad?

14

Encore une fois, les propos de ce colloque tournent autour des axes principaux

de l’esthétique mutante. Il s’agit, premièrement, du rôle de la littérature à l’époque

contemporaine et de sa relation avec les réalités technologiques, deuxièmement, de la

préoccupation constante pour le renouvellement formel et, enfin, du besoin de

développer un discours critique par rapport à la situation socioculturelle actuelle. Lors

de cette rencontre, la question la plus épineuse s’avère être le rôle de la tradition

littéraire dans la « nouvelle écriture narrative mutante », comme l’appelle Juan

Francisco Ferré. Le point de départ du débat est l’introduction de Ferré lui-même, qui

13 Il est important de souligner, entre autres, la présence de Lolita Bosch, Gabi Martínez, Ricardo Menéndez Salmón, Jorge Carrión, Manuel Vilas, Javier Calvo, Jordi Costa, Eloy Fernández Porta, Robert Juan-Cantavella, Javier Fernández, Agustín Fernández Mallo, Vicente Luis Mora, Germán Sierra, ainsi que celle de José Luis Brea, théoricien de la culture numérique.

14 Le programme de l’événement est téléchargeable sur le blog d’Agustín Fernández Mallo, El hombre que salió de la tarta, disponible à http://fernandezmallo.megustaleer.com/2008/05/19/congreso-de-nueva-narrativa-en-malaga-mutaciones/, consulté le 27 juillet 2016.

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affirme que la tradition littéraire n’est qu’une des sources d’inspiration, mais non pas la

seule, de la création contemporaine. À ce titre, l’auteur fait remarquer que d’autres

disciplines ou domaines culturels peuvent avoir une incidence sur l’écriture. L’évolution

des discussions sur ce sujet prouve l’existence de positions divergentes, divisant les

participants en deux camps, en fonction de leur perspective sur l’héritage littéraire.

Ainsi, à la différence du groupe dont le porte-parole est Ricardo Menéndez Salmón,

Ferré et les autres mutants défendent une littérature qui cherche aussi ses références en

dehors du canon, afin de renouveler l’écriture et créer des formes hybrides

15

.

Un dernier événement significatif qu’il faut évoquer est l’atelier de littérature

« CTRL+ALT+DEL: Reiniciando al monstruo », coordonné par l’écrivain Javier

Moreno, en 2009, à « La Casa Encendida » de Madrid. Participent à cette rencontre

Germán Sierra, Vicente Luis Mora, Manuel Vilas, Jorge Carrión, Javier Fernández,

Agustín Fernández Mallo, Óscar Gual, Robert Juan-Cantavella, Mercedes Cebrián,

Doménico Chiappe, Eloy Fernández Porta, Jordi Costa et Juan Francisco Ferré.

L’événement est organisé d’une manière assez originale :

El formato de debate utilizado será el uno contra uno, que puede entenderse

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