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Formation de l’hétérochromatine

4. Conformation tridimensionnelle de la chromatine et co-régulation génique

Le génome nucléaire des Eucaryotes est l’élément central de la cellule. C’est là qu’est gardée et condensée toute l’information nécessaire à la vie de l’organisme. Afin que la régulation génique soit correctement réalisée et permette à l’organisme de vivre, il faut organiser l’immense quantité d’information que représentent les chromosomes. De nombreuses protéines nucléaires sont utilisées par les organismes pour structurer les génomes au sein des noyaux (e.g. condensines, cohésines, nucleoporines etc…; Casolari et al., 2004 ; Skibbens, 2019). Les modifications chimiques de l’ADN, des queues d’histones et les séquences répétées servent également de base à la structuration tridimensionnelle (3D) du génome (Bonev et Cavalli, 2016).

4.1 Interaction physique des régions chromosomiques

Pour permettre l’expression correcte des gènes à tous les moments de la vie de la cellule, le génome des Eucaryotes est organisé spatialement en domaines 3D appelés Territoires Chromosomiques (CTs) ainsi qu’en compartiments interchromatiniens (ICs) qui contiennent des complexes macromoléculaires nécessaires à la réplication, la transcription, l’épissage et à la réparation de l’ADN (Figure 9 ; Cremer et Cremer, 2001). Les domaines chromosomiques interagissant physiquement sont appelés TADs pour ‘Topologically Associated Domains’. Chez la levure, pendant la mitose, de larges domaines de 300 kb à 1 Mb sont formés grâce aux condensines. Ces domaines disparaissent ensuite peu à peu jusqu’à la prochaine mitose. Au contraire, de petits domaines de 30 à 40 kb formés

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par les cohésines sont très stables tout au long du cycle cellulaire. Ces deux types de domaines sont régulés de façon inverse au cours du cycle cellulaire et sont mis en place indépendamment (Figure 6 ; Tanizawa et al., 2017).

4.2 Organisation 3D des génomes

Chez la drosophile il a été montré que les chromosomes sont organisés en domaines où la transcription est active et où on retrouve de nombreux gènes, des FTs et des protéines ‘insulatrices’ (protéines servant à protéger un promoteur ou une région régulatrice de l’action d’une protéine régulatrice agissant sur la région régulatrice voisine) et en domaines où la transcription est faible et où on ne retrouve pas de machinerie d’expression. Ces domaines diffèrent par leurs modifications épigénétiques et la présence de protéines spécifiques. La chromatine inactive est plutôt retrouvée dans les bordures alors que la chromatine active est plutôt retrouvée au milieu du noyau chez les mammifères à l’inverse des levures et des insectes (Lanctôt et al., 2007). Des réarrangements chromosomiques peuvent avoir lieu durant le cycle cellulaire, mais ces derniers sont rares car la chromatine est très contrainte physiquement et ces réarrangements n’ont lieux que pendant de très courtes périodes de temps durant la phase G1. Une fois cette fenêtre temporelle passée, les mouvements chromatiniens sont réduits à des petits domaines subnucléaires (Lanctôt et al., 2007). Chez la levure, les pores nucléaires sont d’importantes zones de transcription et

Figure 6 : Organisation du noyau de mammifère. Il se caractérise par une compartimentation des composants

fonctionnels. L’enveloppe nucléaire qui contient des pores et repose sur un réseau de filaments intermédiaires appelés lamina nucléaire, les territoires chromosomiques et les compartiments interchromatiniens (CT-IT). La chromatine est organisée en différents CTs aussi appelés ‘nuclear speckles’. (Issu de Lanctôt et al., 2007).

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des protéines appelées ‘nuclear-pore-associated proteins’ intéragissent spécifiquement avec les gènes actifs. Les mammifères, au contraire, du fait de la grande taille de leur génome, empèchent la liaison des gènes actifs aux pores nucléaires par contrainte physique. Mais ces observations sont nuancées par l’existence chez la levure (Saccharomyces cerevisiae) de régions nucléaires périphériques transcriptionnellement inactives (Andrulis et al., 1998). Les cellules de mammifères sont, elles, suspectées de subir d’autres formes de contraintes structurales du fait de la très grande quantité d’hétérochromatine qui les constituent (Casolari et al., 2004; Schmid et al., 2006; Lanctôt et al., 2007).

4.3 Co-régulation des régions chromosomiques

Le cas le plus frappant de co-régulation de régions chromosomiques différentes est constitués des ‘kissing-genes’. Il a été observé chez la Drosophile que deux versions du même gène étaient capables d’interagir physiquement notamment pour maintenir le silencing de certains gènes après la division cellulaire (Francis et Kingston, 2001). Chez Drosophila melanogaster, il a été montré que l’intégration ectopique de la même version d’un gène suffit à entrainer l’interaction physique entre les deux copies (Bantignies et al., 2003). De plus il est connu que certains gènes interagissent avec des éléments régulateurs parfois situés très loin et même sur d’autres chromosomes (Lomvardas et al., 2006). Il a été montré récemment que les gènes nécessitent d’être associés à des ‘transcription factories’, complexes protéiques enrichis en PolII, pour être exprimés. De plus le nombres de ces ‘factories’ étant limités, les gènes sont parfois contraints de partager ces complexes (Figure 7 ; Osborne et al., 2004). Chez les champignons filamenteux, ces mécanismes ne sont pas encore très documentés. Le developpement de nouvelles techniques permettant d’analyser les régions interagissant physiquement permette d’accroitre la compréhension de l’organisation des chromosomes au sein des noyaux et de leur impact sur l’expression des gènes. On peut ici prendre l’exemple du Hi-C sequencing, technique qui se base sur le crosslinking du génome puis sur une étape de ligation, de

Figure 7 : Interactions physiques successives de plusieurs régions chromosomiques avec la fraction active de la chromatine. En vert, rouge et bleu, trois chromosomes

différents. En gris est représentée la fraction active de la chromatine. On voit ici que la fraction active de la chromatine a une taille réduite et que pour pouvoir être exprimés correctement, les régions chromosomiques doivent interagir tour à tour avec la fraction active de la chromatine (Issu de Lanctôt et al., 2007).

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dé-crosslinking puis d’amplification et de séquençage. Mais alors que le 3C sequencing permet d’identifier des séquences cibles, le Hi-C permet de réaliser la carte des interactions à l’échelle du génome (Figure 8 ; Lieberman-Aiden et al., 2009). Chez N.crassa, il a été montré que les régions hétérochromatiniennes (surtout les régions d’hétérochromatine constitutive enrichies en H3K9me3) développent des liaisons physiques entres elles mais que l’inactivation de KMT1 n’entraine pas de modification de l’organisation 3D du noyau. Au contraire, les régions d’hétérochromatine facultative, enrichies en H3K27me3, sont essentielles au maintient de l’organisation 3D des génomes car elles se lient à la membrane nucléaire (Klocko et al., 2016). Chez N. crassa, l’inactivation de KMT1 et la perte des marques H3K9me3 entraine une relocalisation des marques H3K27me3, qui, une fois relocalisées à l’emplacement des marques H3K9me3, ne participent pas à l’organisation 3D du génome. Ces résultats indiquent une robustesse de la structure 3D des génomes qui n’est pas mise à mal par l’inactivation de facteurs clefs impliqués dans l’établissement de la structure chromatinienne (Basenko et al., 2015; Galazka et al., 2016; Klocko et al., 2016). L’organisation 3D du génome d’E. festucae, un champignon endophyte ayant une structure genomique en isochores, a été décrite récemment (Winter et al., 2018). Les ETs ayant envahi le génome d’E. festucae ont été dégénérés par le RIP conduisant à la formation de régions riches en ETs enrichies en bases A et T (isochores AT) et de régions riches en gènes et enrichies en bases G et C (isochores GC ; Winter et al., 2018). Winter et al. (2018) ont mis en évidence des contacts physiques entre les isochores AT et entre les isochores GC mais très peu d’interactions entre les deux types de domaines. De plus, les contacts entre régions AT sont très majoritaires (50 % de tous les contacts interchromosomiques), ce qui indique une structuration par les isochores AT dans ce type de génome. De façon intéressante, les isochores AT contiennent la plupart du temps un unique TAD alors que les isochores GC en contiennent plusieurs, ces TADs étant connus pour permettre une co-régulation génique (Ulianov et al., 2016). Les isochores AT sont très enrichis en gènes fortement exprimés in planta et peu en condition de culture axénique, ce qui pourrait suggérer une régulation via les TADs des gènes impliqués dans la mise en place de l’infection (Winter et al., 2018).

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