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Un conflit récurent à la Réunion : la gestion et l’aménagement de la Route du littoral

III. DES CONFLITS : « MIROIRS » DE LA SOCIETE REUNIONNAISE ET DE SON EVOLUTION

3. DES CONFLITS « EMBLEMATIQUES » INFLUENÇANT LA GOUVERNANCE TERRITORIALE

3.1 Un conflit récurent à la Réunion : la gestion et l’aménagement de la Route du littoral

3.1.1 Une route soumise aux caprices de la nature

La route du littoral, aussi appelée route en Corniche, est une section de treize kilomètres de long de la Route Nationale 1 reliant Saint-Denis et La Possession. Elle a été livrée le 5 mars 1976 après 29 mois de travaux. Cette « 2x2 » voies a la particularité d'être exposée à deux type d’aléas naturels. Située au pied d'une falaise géologiquement instable, elle est régulièrement le théâtre d’importants éboulis plus particulièrement à la suite de fortes pluies. Elle est aussi « victime » de la forte houle notamment lors des cyclones. Ces risques naturels ont déjà causé la mort d’une vingtaine de personnes depuis l'ouverture de la route. Pour protéger les usagers de cette route, les autorités ont mis en place plusieurs moyens techniques. Tout d’abord, le basculement de la route (c’est-à-dire l’interdiction de circulation sur moitié la voie la plus exposée : soit du coté mer lors des houles soit du côté montagne lors d’épisodes pluvieux importants) ou la fermeture totale de la route et sa déviation par la route la Montagne sont décidés par la DDE lorsque les risques sont trop importants (pluies, ou houle). C'est le cas en moyenne 64 jours par an (DDE de la Réunion, 2007) Puis par un coûteux programme de recouvrement de la falaise par des filets de protection qui a été lancé et qui est actuellement en cours de réalisation. Mais à plus long terme, les autorités sont toutes unanimes : une alternative à cette route risquée doit être trouvée. Ceci d’autant plus que la réfection continuelle des voies et des montants érodés par la mer et des éboulis présente un coût économique élevé pour son entretien.

O. POUTAREDY 0 5 10 15 20 25 30 35

Janvier Mars Mai Juillet Septembre Novembre

Mois Nomb re d 'arti cles

infrastructure routiere droit d'acces / passage tourisme / loisir

Graphique 7: Répartition mensuelle des articles concernant la route du Littoral en 2006

(Réalisation : POUTAREDY Odile, Source : Base de données Andycote)

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Association Autorite Expert Particulier Usager economique

Type d'acteur et position

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droit d'acces / passage infrastructure routiere tourisme / loisir Nombre de id_acteur

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Graphique 8: Répartition des acteurs dans les conflits de la Route du Littoral suivant les types, leurs positions et l’objet du conflit.

L’année 2006 a été marquée par deux accidents mortels sur la route du Littoral.

Le 24 mars 2006, la route du littoral connaît l’un des ses plus importants éboulis : un pan entier de la falaise (20000m3 sur 150 m) s’effondre aux alentours de 5 h30. Cet accident a fait deux morts.

Le 15 Octobre 2006, la route du Littoral fait une nouvelle victime : une pierre d’une cinquantaine de kilos se décroche de la falaise et tue un petit garçon.

Voyons maintenant comment ces deux événements ont été traités par la PQR.

3.1.2 Des conflits mettant en cause la responsabilité des pouvoirs publics

Le graphique montre une recrudescence du nombre d’articles concernant la route du Littoral après chaque incident. Nous pouvons également, constater que les conflits concernant cet axe routier ont trois objets :

1. La gestion de l’infrastructure en elle-même,

2. L’accessibilité à cette route ou les dommages causés par sa déviation par la route de la Montagne

3. Le tourisme et loisirs dans une moindre mesure.

Nous avons recensé 57 acteurs impliqués dans des conflits à propos de la route du Littoral. Les autorités quelles soient locales (mairie, la région) ou nationales (les ministres) constituent la moitié de ces acteurs. Les autorités occupent principalement la place de parties contestée.

Nous remarquons une augmentation des articles concernant l’accessibilité à la route, au mois de d’avril. Nous expliquons ce phénomène par la durée de fermeture de la route après l’accident du 24 Mars. En effet, suite à cet éboulis la RN1 restera fermée pendant plus de trois semaines (cf. graphique 7). Il apparaît également que ces conflits résultent surtout de l’initiative des usagers économiques contre les autorités. Rappelons l’importance économique de cet axe routier qui relie le port au chef-lieu de la Réunion, qui supporte un trafic de 55 000 véhicules / jours et 60% du fret (marchandises et carburants) (DDE de la Réunion, 2007). Notons aussi que les acteurs économiques sont ici surtout représentés par des organisations syndicales (de routiers, ambulanciers et taxiteurs) et les différentes chambres consulaires. Ce type de conflit est également porté dans une moindre mesure par les particuliers, ici se sont principalement les habitants de la Grande Chaloupe18 et de la Route de la Montagne (itinéraire de déviation) qui sont concernés.

Beaucoup moins d’articles sont consacrés au conflit autour de la sécurité de l’infrastructure (33 articles). Ce type de conflit implique beaucoup moins d’acteurs (24 acteurs). Encore une fois, ce sont les pouvoirs publics qui sont « contestés ». Ici, l’objet de la contestation porte sur les responsabilités quant à la sécurisation de la route du Littoral. Les associations d’usagers qui sont les principales « objectrices » contre les autorités nationales (en outre l’Etat et les services de la DDE) (cf. graphique 8) réclament la sécurisation de cet axe routier. Cette réaction s’explique par la dangerosité de cette route qui tue régulièrement et qui est emprunté par plus 80 000 Réunionnais par jour. Chaque Réunionnais se sent concerné par ces accidents.

Nous remarquons la présence de seulement deux articles sur le « tourisme ». Ces articles concernent les professionnels de ce secteur situés sur la côte ouest qui réclament une concertation sur les horaires de fermeture de la Route lors de travaux de sécurisation. En effet, depuis l’accident

18

Endroit stratégique de l’ancien chemin de fer, la Grande Chaloupe est aujourd’hui un quartier enclavé se trouvant à cheval sur la commune de St Denis et de la Possession qui ne peut être desservi que la Route du Littoral

O. POUTAREDY 31 du 24 mars, la route du littoral est fermée tous les dimanches matins pour des travaux de sécurisation. Les professionnels de la zone balnéaire, se disent lésés par ces fermetures dominicales qui décourageraient la population de nord et de l’ouest à se rendre sur les plages de l’Ouest, d’où un manque à gagner. Les professionnels réclamaient alors une concertation sur les horaires de fermeture dominicale. Nous pouvons donc constater que les conflits autour de la route du Littoral sont surtout véhiculés par des organisations professionnelles ou des associations contre les autorités nationales. Les conflits à propos de la Route du Littoral peuvent donc pour la plupart être qualifiés de collectifs.

Les conflits à propos de la route du Littoral reflètent bien les difficultés auxquelles doivent faire face les autorités en terme d’aménagement du territoire. En effet, le relief escarpé et la géologie fragile de l’Ile associés à une climatologie extrême rendent l’aménagement de cet axe difficile. Cette situation est d’autant plus tendue sur cette portion de route compte tenu de son importance économique. L’analyse de ce conflit démontre également l’influence des acteurs économiques sur les décisions prises par l’Etat à propos de cette route. En effet, suite à l’éboulis la première réaction de l’Etat fut d’envisager la réouverture de cet axe avant la sécurisation complète de la falaise mais devant la pression des professionnels de la route, les autorités nationales finissent par céder et rouvrent la route de manière « prématuré » au poids lourds puis aux particuliers.

3.2 Le conflit emblématique de l’année 2006 : la gestion de