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Conditions de réussite de l'acte d'invitation au mariage

CHAPITRE I : Fondements théoriques et problèmes méthodologiques

3. Acte d'invitation au mariage

3.3. Conditions de réussite de l'acte d'invitation au mariage

Tout acte de langage est soumis à des "conditions de réussite" (les conditions de «félicité» chez Austin), c'est-à-dire à un ensemble de "normes" implicites et explicites qui sont indispensables pour son fonctionnement illocutoire, et a fortiori pour son aboutissement perlocutoire :

Pour qu'un énoncé fonctionne normalement, doivent être réalisés tous les présupposés que comporte cet énoncé, et en particulier ses présupposés pragmatiques, c'est-à-dire toutes les "conditions de réussite" de l'acte de langage correspondant (Kerbrat-Orecchioni, 1986, p. 239).

3.3.1. Condition de sincérité

La condition de sincérité est capitale dans le fonctionnement des actes de langage. Sur la question de la sincérité dans la réalisation des actes de langage, Austin (1970, p. 69) affirme :

La procédure [...] suppose chez ceux qui recourent à elle certains sentiments, pensées ou intentions, .[...] elle doit provoquer par la suite un certain comportement de la part de l'un ou de l'autre des participants, il faut que la personne qui prend part à la procédure (et par là l'invoque) ait, en fait, ces pensées, sentiments ou intentions, et que les participants aient l'intention d'adopter le comportement impliqué ; de plus, les participants doivent se comporter ainsi par la suite.

Searle, rangeant la "condition de sincérité" dans les «règles sémantiques gouvernant l'emploi d'un marqueur de force illocutionnaire quelconque» (1972, p. 105), la définit comme «L'état

psychologique expriméenaccomplissant l'acte illocutoireen question» (1982, p. 43). Ces états psychologiques pouvant être selon les actes de langage : la croyance en la vérité, "1'intention", le "désir" ou la "volonté", et le "plaisir".

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Revisitant la «maxime de qualité» de Paul Grice (1975, p. 45) - «que votre contribution soit véridique», Kerbrat-Orecchioni (1996, p.204) déplace la notion de «loi de sincérité» qui consiste désormais pour le locuteur à paraître sincère, plutôt qu'à être sincère :

La «loi de sincérité» ne prétend nullement que l'on croit nécessairement à la vérité de ce que l'on asserte, ni que l'on a toujours l'intention de tenir ses promesses ou de voir exaucer ses requêtes. Elle énonce simplement que parler, c'est se prétendre sincère dans son énoncé ; que tout énoncé présuppose [...] que L adhère aux contenus assertés ; et que corrélativement le récepteur accorde à L, en dehors de toute contre-indication toujours, un crédit de sincérité.

Pour ce qui concerne le vœu, il semble particulièrement sensible à cette condition qui est essentielle pour sa réussite. La contribution de Paul Grice est fondatrice et a été intégrée à plusieurs cadres théoriques ultérieurs en ethnométhodologie de la conversation et en pragmatique.

3.3.2. Conditions d’appropriation contextuelle

La notion de contexte est fondamentale et omniprésente en analyse du discours. Tout d’abord, on peut envisager le contexte comme tout ce qui environne une phrase ou un énoncé. Plus précisément, on le qualifiera comme l’ensemble des objets (concrets ou abstraits) et des circonstances qui sont présents lors de la production d’un énoncé, le contexte est là en quelque sorte un « observable ». Et on peut comprendre que le contexte est tout ce qui est en dehors du code linguistique qui contribue à déterminer le sens d’un énoncé ou d’une expression. Le contexte est donc très important. L’acte d’invitation est un acte fortement dépendant du contexte qui impose la formulation et le contenu propositionnel de l’acte d’invitation. Afin de réussir, l’acte d’invitation aux cérémonies doit être en contexte, qu’il s’agisse du contexte général (spatio-temporel, situationnel, social, etc.), ou du contexte spécifique. Mais la notion de contexte ici est assez vaste. Selon Jacques Cosnier (1987, p. 305), le contexte désigne à la fois :

1. des éléments fixes, liés au site, 2. des éléments conjecturels liés à la présence et à l’identité des personnes présentes, mais invariants (ou relativement invariants) et statiques pendant la durée de la rencontre, 3. des implicites et des conventions présupposés ou négociés.

Pour formuler une carte d’invitation appropriée, le locuteur doit prendre en considération des conditions d’appropriation contextuelle et tenir compte d’un ensemble de données

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contextuelles qui exercent des contraintes sémantico-pragmatiques sur la formulation de cet acte de langage. Le locuteur doit aussi rendre sa carte d’invitation conforme au «contexte temporel» et au «contexte du destinataire». Pour le contexte temporel, la carte d’invitation doit arriver aux invités bien avant la date prévue du mariage afin de leur laisser le temps de répondre ou d’arranger leurs affaires pour assister au mariage. Une invitation envoyée à la dernière minute risque de heurter la face positive de l’invité et d’être perçue comme une insulte ou de faire la preuve du peu de compétence dans l’organisation du mariage de la part des inviteurs. Outre le contexte temporel, les futurs mariés doivent choisir des formulations et des décorations adéquates suivant le type d’invités.

3.3.3. Attitude des inviteurs à propos des conditions de réussite

Les conditions de réussite sont les normes de communication qui contraignent le succès d’un acte de langage. Pourtant, le locuteur peut adopter différentes attitudes face à ces contraintes. Il peut les appliquer d’une manière différente dans des situations spécifiques. Cette capacité de s’ajuster de manière appropriée suivant le contexte énonciatif et temporel existe chez tout sujet parlant et est connue comme la compétence pragmatique acquise au sein de la communauté. Pourtant, une telle compétence n’est pas rigide et immuable mais bien au contraire, elle est susceptible d'évoluer et de se redéfinir chaque fois que les locuteurs sont en train de communiquer. En effet, pour inviter quelqu’un au mariage, le locuteur doit en principe s’adresser de manièrepolie et sincère à l’invité avec une carte d’invitation bien formulée et décorée. Cependant, dans bien des cas actuels, les couples ont choisi de communiquer par téléphone ou par courriel avec les invités pour présenter l’invitation ou d’envoyer des cartes avec une forme et un contenu personnalisés qui diffèrent largement de la culture traditionnelle. Ces moyens d’invitation qui transgressent les conventions habituelles ne conviennent pas à tous les types d’invités, surtout les personnes qui n’entretiennent pas une relation proche avec les mariés. Les invités peuvent interpréter de façon positive ou négative les comportements inattendus et les originalités des locuteurs : soit ils sont ouverts au changement et reçoivent l’invitation avec surprise et enthousiasme, soit la carte est considérée comme un exemple de mauvais goût dans la mobilisation de la compétence pragmatique pour réaliser l’invitation. Pour ces raison, le locuteur doit être très attentif parce qu’il risque de commettre des erreurs lors de l’application des conditions de réussite des actes de langage.

CHAPITRE II: Présentation des cartes d'invitation au mariage en