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L’objectif central du projet EPICEA était d’évaluer l’impact du changement climatique à l’échelle de la ville et l’influence du bâti sur le climat urbain en étudiant l’épisode climatique extrême qu’a été la canicule du mois d’août 2003, afin de proposer des stratégies d’adaptation. Les activités ont été organisées en 3 volets : (1) évolution du climat urbain parisien dans la perspective du changement climatique ; (2) étude particulière d’une situation extrême : la canicule de 2003, à l’échelle de l’agglomération parisienne ; (3) lien entre l'urbanisme et le climat urbain : stratégies d’adaptation du territoire parisien pour diminuer l’intensité de l’îlot de chaleur urbain (ICU).

Dans un premier temps, pour évaluer la vulnérabilité d’une grande agglomération comme Paris à une évolution du climat urbain dans la perspective du changement climatique, des intégrations numériques réalisées sur de longues périodes de temps issues des simulations atmosphériques réalisées à l’aide du modèle ARPEGE-Climat sont menées. Grâce à l’utilisation d’un système de modélisation de surface à 1 km de résolution intégrant une paramétrisation urbaine spécifique, l'accent est mis sur l'étude des interactions entre les effets locaux du changement global et les processus urbains tels que l’ICU. On montre ainsi une hausse significative de la température de l’air à 2 m de plus de 2°C. Particulièrement marquée dans les zones les plus urbanisées en hiver, la tendance au réchauffement est cependant plus marquée en été dans les zones rurales en raison du fort assèchement des sols naturels, ce qui conduit à une diminution substantielle des forts ICU en période estivale. L’étude de la demande énergétique, abordée à travers l'analyse des degrés-jours de chauffage et de refroidissement, indique une diminution de 30 % des besoins en chauffage durant l'hiver, et inversement une augmentation très conséquente des besoins en climatisation pour maintenir le confort thermique en été. Cette première approche permet de situer les ordres de grandeur mais ne prétend pas donner des conclusions définitives relativement à ces dernières questions.

Dans un deuxième temps, une analyse fine de la canicule du mois d’août 2003 est effectuée.

Elle consiste, à l’aide des outils Méso-NH et TEB, en une simulation de la période du 8 au 13 août 2003 à Paris, durant laquelle il a été observé la surmortalité la plus élevée. Une première modélisation a été menée à la résolution de 2 km sur une vaste zone qui inclut toute la région Île-de-France où Paris est configuré avec des paramètres urbains uniformes. Elle sert de calibrage et de contrôle du modèle par comparaison aux observations issues du réseau de Météo-France et montre que le modèle Méso-NH couplé au modèle TEB donne des résultats très satisfaisants sur l’ensemble des processus de météorologie urbaine classiques et accentués par cette période de canicule : mise en place de l’ICU, formation d’un panache urbain, bilan d’énergie, etc. Une étroite collaboration avec l’APUR permet ensuite de réaliser une seconde simulation à la résolution de 250 m grâce à une description précise de Paris en termes d’occupation des sols et de morphologie du bâti à cette échelle. Cette description est complétée par la définition par le CSTB des caractéristiques thermiques et des propriétés radiatives des matériaux de construction parisiens nécessaires aux simulations numériques.

L’urbanisation altère le bilan d’énergie par modification de l’occupation des sols, ce qui modifie le climat urbain. Caractéristique majeure, l’ICU apparaît en fin de nuit entre le centre de Paris (arrondissements les plus chauds : 2ème, 3ème, 8ème, 9ème, 10ème et 11ème) et les zones rurales alentour de l’ordre de 4 à 7 °C sur les températures à 2 m, particulièrement marqué avec les zones boisées au sud-ouest et au nord de Paris. Une analyse temporelle de l’ICU a montré sa variabilité quotidienne ainsi que sa mise en place. Le phénomène qui le pilote est le

refroidissement, qui se fait plus rapidement et de manière plus importante sur les zones végétalisées. Des micro ICU d’amplitude 2 à 4 °C se forment également au sein même de Paris intra muros. Par ailleurs, selon la force du vent, un panache urbain peut se former sous le vent en aval de la zone la plus chaude. Cette simulation, dite de référence, identifie ainsi les zones urbaines de Paris les plus vulnérables aux processus urbains, à savoir les arrondissements fortement urbanisés du centre de Paris, les arrondissements périphériques, ainsi que les zones situées dans le panache urbain.

Enfin, dans un troisième temps, les modélisations effectuées concernent les modifications du climat urbain liées à quelques situations possibles d’évolution de Paris élaborées en concertation avec la Ville de Paris. Ces évolutions s’appuient sur différents leviers urbains préalablement identifiés et s’intéressent particulièrement aux matériaux de construction (modification des paramètres radiatifs des toits et murs) et aux trames vertes (végétalisation de l’espace urbain) et bleues (présence d’eau dans l’espace urbain). Ces tests de sensibilités ont été menés dans les mêmes conditions météorologiques (canicule de l’été 2003) que la simulation de référence. La variation des propriétés radiatives des parois opaques du bâti parisien (murs et toitures) dans le sens d’un Paris plus « réfléchissant » a un impact relativement important sur les températures dans Paris intra muros (diminution de l’intensité de l’ICU de 1 °C et diminution maximale instantanée des températures à 2 m de 2 à 3 °C), mais également dans le panache urbain. L’effet de ces modifications se fait sentir à la fois en surface et en altitude, avec un effet maximal aux alentours de 10 à 15 m d’altitude, là où les répercussions liées aux modifications des propriétés radiatives des murs et des toits se font sentir simultanément et donc s’additionnent. Le verdissement de la ville retenu dans cette étude (végétalisation des espaces de sol nu « disponibles » et de la moitié de la surface des rues dont la largeur est supérieure à 15 m) n’a un impact que si la végétation est maintenue dans un état lui permettant ses activités d’évapotranspiration. Ainsi, si la végétation est en situation de stress hydrique, elle se comporte quasiment comme du sol nu, n’occasionnant pas de transfert d’énergie par le biais du flux de chaleur latente. En imposant un arrosage suffisant dans nos simulations numériques, on obtient un impact très important (diminution de l’intensité de l’ICU de 1 à 3 °C et diminution maximale instantanée des températures à 2 m de 3 à 5 °C) notamment en journée (évapotranspiration de la végétation), et d’autant plus important que le taux de végétation est élevé. L’humidification de la ville par aspersion d’eau dans les rues conduit à une diminution de l’intensité de l’ICU inférieure à 0,5 °C et à une diminution maximale instantanée des températures à 2 m de l’ordre de 1 à 2 °C et cet effet ne se fait sentir qu’en basses couches. En additionnant toutes ces modifications, les effets sur le climat urbain se cumulent, avec une intensité de l’ICU diminuée de 1 à 2 °C et une baisse maximale instantanée des températures à 2 m de 5 à 6 °C. Les effets se font sentir sur toute la hauteur de la canopée urbaine.

L’emploi d’une méthodologie novatrice qui intègre le modèle de canopée urbaine TEB a permis d’axer plus spécifiquement notre analyse de l'impact du changement climatique global à l’échelle de Paris et de sa région sur le micro-climat qui est perçu par les habitants au niveau des rues. En affinant ainsi les projections climatiques au niveau d’un territoire et sur une problématique précise, des tendances en matière d’exposition, de vulnérabilité et d’extrêmes climatiques sont identifiées et peuvent ainsi éclairer les stratégies, les politiques et les mesures de gestion des risques et d’adaptation. L’intérêt qu’elles présentent pour la prise de décision dépend de leur ampleur et de leur degré de certitude aux échelles spatiales et temporelles de l’aléa considéré et de la possibilité de mettre en oeuvre des mesures de gestion du risque.

Le projet EPICEA dépasse cette notion de mesure de gestion des risques et s’intéresse à l’adaptation. En effet, il contribue à donner des repères, sur un plan théorique, sur l’ampleur des modifications de l’intensité de l’ICU et des autres spécificités du climat urbain induites par des actions sur les leviers urbains. Des considérations sur la faisabilité technique et les conditions de mise en œuvre et d’exploitation attachées aux scénarios étudiés dans le projet en limitent cependant à l’heure actuelle la portée. Cela permet néanmoins d’apporter des éléments à un processus de décision éminemment complexe et long de ce fait. Les simulations atmosphériques à très haute résolution réalisées dans le cadre d’EPICEA ont par ailleurs permis de considérer des spécificités complexes de l’occupation des sols comme les surfaces urbaines et ouvrent de grandes perspectives de travaux de météorologie urbaine.

L’exploration d’autres tests de sensibilité modifiant la morphologie de la ville dans une optique de long terme est à l’étude. D’autres projets (ANR-VURCA, ANR-MUSCADE, ANR-RESILIS, ANR-VegDUD), à la croisée de diverses disciplines, participent également à la compréhension du climat urbain et constituent des connaissances et des savoir-faire sur l’adaptation des villes en vue d’anticiper l’impact du changement climatique lors de projets d’aménagement.

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