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« Nous sommes plus intensément affectés à l’égard d’un objet que nous imaginons dans un futur rapproché que si nous l’imaginions dans un futur très lointain ; et le souvenir d’une chose que nous imaginons dans un passé récent nous affecte aussi plus intensément que si nous l’imaginions dans un passé plus lointain. »10

10 Baruch Spinoza. L’éthique. De la servitude humaine. Proposition 10. Introduction, traduction, notes et commentaires, index de R Misrahi. 2ème éd. Paris, Presses universitaires de France, 1990.

La méthode retenue pour réaliser la prévision de l’incidence des cancers est fondée sur un modèle âge-période-cohorte, une approche bayésienne et un calcul par échantillonnage de Gibbs.

Le modèle âge-période-cohorte a été choisi parce qu’il permettait – dans presque tous les cas – de réaliser la prévision de l’incidence du cancer sans préjuger de l’existence de facteurs de risque et, dans le cas où ces facteurs sont connus, sans être contraint de prévoir l’évolution de ceux-ci. Une double prévision augmenterait, en effet, les risque d’estimer les taux futurs avec peu de précision et avec beaucoup de risque de se tromper. La modélisation de l’incidence sur la base du trépied « âge » (qui rend compte de la durée de l’exposition), « période » (qui rend compte de la variation – à court terme – de l’exposition de la population à des facteurs de risques ou protecteurs) et la « cohorte» (qui rend compte de l’exposition des sujets à un ou des moments clefs de leur vie) permet de prendre en compte les variations passées et, par conséquent, futures pour la prévision, des différents facteurs de risque. Les variables « âge », « période » et « cohorte » jouent un rôle de proxi de ces expositions.

Dans les travaux portant sur la tendance de l’incidence, le problème lié à la difficulté d’identifier les effets respectifs des trois facteurs du modèle est une limite de l’analyse et nécessitent la mise en place de contraintes. Dans le domaine de la prévision, le problème de l’identification ne perturbe pas le calcul puisque chaque incidence est le produit des trois facteurs et que seul ce produit est retenu sans chercher à le décomposer.

L’utilisation d’un modèle autorégressif appliqué aux effets âge, période et cohorte a un double intérêt : il permet de tenir compte de la dépendance existant entre les valeurs successives de la série longitudinale « nombre de cas » et sert de lissage (Mezzetti, 1999) tout en réduisant l’instabilité des cohortes extrêmes (Breslow, 1993 ; Berzuini, 1994 ; Bashir, 2001). L’approche bayésienne a un double intérêt également : elle permet de résoudre des problèmes inaccessibles à l’intégration numérique et offre une méthode élégante d’estimation (Breslow, 1993) et de diminution de l’amplitude (Richardson, 1993 ; Liu, 1994) des intervalles de confiance.

Un ensemble de difficultés éventuelles pourrait affecter la qualité de la prévision. Ce sont des incertitudes de mesures liées aux données d’incidence et d’effectif de population. La fiabilité de l’enregistrement des cas incidents semble être résolu, aujourd’hui, grâce à la qualité des méthodes d’enregistrement des registres des cancers (MacLennan, 1978 ; Powell, 1991 ; Skeet, 1991 ; Hédelin, 1992). La précision de l’estimation et de la prédiction de la taille de la population est relativement bien maîtrisé à ce jour par l’INSEE.

l’utérus, du côlon chez l’homme et du poumon dans les deux sexes augmenteront nettement dans les huit à dix années prochaines. Les cancers du côlon et du rectum, chez la femme, augmenteront plus faiblement. Le cancer du rectum chez l’homme restera relativement stable. Quant au cancer invasif du col de l’utérus, il devrait voir sa tendance décroître.

À l’exception du cancer invasif du col de l’utérus, le nombre des cas incidents augmente dans tous les cancers étudiés et quel que soit le sexe (de façon plus ou moins importante selon la nature du cancer).

La méthode de référence (méthode bayésienne) a été comparée, pour le cas particulier du cancer invasif du sein, avec d’autres méthodes basées sur le modèle âge-période-cohorte : la méthode de Decarli et La Vecchia, la méthode du CIRC et l’analyse par modèle additif généralisé ou GAM (chapitre 5 : Autres méthodes). De façon générale, l’intervalle de confiance « produit » par la méthode bayésienne est plus petit que celui qui est issu des autres méthodes. Quant à l’estimation de l’incidence future (incidence standardisée et incidences spécifiques), la méthode de Decarli et La Vecchia donne des résultats équivalents alors que la méthode du CIRC donne des valeurs plus basses tant pour les incidences spécifiques que pour l’incidence standardisée (le modèle polynomial pourrait être vraisemblablement amélioré). L’analyse par GAM donne des niveaux d’incidences spécifiques plus élevés que la méthode de référence mais, globalement, la différence est moins nette pour l’incidence standardisée.

Pour certains cancers, un dépistage a été mis en place au cours de la période d’étude. Or, la première vague du dépistage peut induire une augmentation artificielle par la révélation de cas incidents de façon anticipée puis, quand le nombre de femmes dépistées devient stable, par le retour de l’incidence à la tendance antérieure (Kessler, 1991 ; Feuer, 1992 ; Wun, 1995). Si l’analyse ne prend pas en compte cette perturbation, les incidences prévues peuvent être surestimées. Un ensemble d’analyses de sensibilité a été pratiqué dans chaque cas et n’a pas montré de grandes perturbations des incidences prédites.

La variable aléatoire représentant le nombre de cas incidents est supposée suivre une loi de Poisson. Ceci implique l’hypothèse d’une égalité entre sa variance et son espérance. Il peut être utile de tenir compte de l’existence éventuelle d’une surdispersion (Cox, 1983 ; Breslow, 1984). Certaines méthodes ont été utilisées pour en tenir compte (Wedderburn, 1974) et parmi celles-ci, des approches bayésiennes (Hartigan, 1969). Il serait intéressant d’intégrer cette dimension supplémentaire au modèle utilisé ici.

Les prévisions réalisées dans le cadre de ce travail ont tenu compte d’une ensemble de facteurs purement temporels (âge, période et cohorte de naissance). L’algorithme de Gibbs a été utilisé par ailleurs pour explorer des données spatio-temporelles (Sun, 2000 ; Knorr-Held, 2000). À l’avenir, il

devrait être possible d’intégrer des mesures complémentaires de type géographique aux données passées et futures d’incidence.

Enfin, les prévisions réalisées ici concernent uniquement les données du Bas-Rhin. Il est envisagé d’associer, par la suite, l’ensemble des registres français à l’analyse en incluant une variable « centre ».

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