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Les habitats tourbeux sont en forte régression à travers l’Europe. Nos études ont toutefois montré l’aspect prometteur de la restauration du complexe de landes humides, en haute Ardenne belge. Des groupes taxonomiques représentatifs de différents échelons de la chaîne trophique montrent une réponse relativement rapide à la création de nouvelles taches d’habitats. Les taches d’habitat considérées dans nos analyses n’ont pour la plupart fait l’objet d’aucune gestion dirigée vers le développement de ces habitats. On peut dès lors s’attendre à ce que les grands moyens actuellement mis en œuvre dans les divers projets

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LIFE assurent une réponse des espèces davantage rapide. En effet une attention particulière est portée dans ces projets à la réhabilitation des conditions abiotiques (entre autre, niveaux d’humidité) ainsi qu’à la restauration de taches de grande surface, facteurs ayant montré leur importance quant aux patrons de richesse spécifique et des assemblages des taxons étudiés.

Toutefois, nous avons soulevé divers aspects qu’il convient de garder à l’esprit lorsque des programmes de restauration ou de conservation sont développés :

• Une dette d’extinction a été mise en évidence pour les plantes vasculaires. Ceci implique le risque de sous-estimer la menace pesant sur les espèces dans ces habitats fragmentés.

• Les espèces spécialistes des différents groupes taxonomiques ont montré plus de difficultés à répondre à la restauration. Ceci, ajouté au fait qu’une grande partie de ces espèces est menacée à l’échelle régionale voire européenne, montre l’urgence des interventions conservatoires et la nécessité d’un monitoring spécifique pour ces espèces.

• Nous confirmons l’impact de la fermeture progressive et naturelle de ces habitats ouverts sur les compositions des communautés. Bien que l’objectif de nos analyses n’était pas de trouver la fréquence de gestion idéale, nous avons montré que la proportion d’araignées typiques du milieu était plus importante dans les taches de ~15 ans que dans les taches de référence de >50 ans, en cours d’envahissement par les ligneux et influencés par la lisière forestière.

• Enfin, bien que les facteurs internes aux habitats-cibles montrent les liens les plus importants avec la richesse spécifique (et constituent donc des objectifs prioritaires à la conservation), nous avons également montré l’importance (plus ténue) du contexte paysager. Ceci suggère que les réflexions de conservation et de restauration doivent s’entreprendre à l’échelle du paysage (objectif secondaire).

Une des contraintes de la méthode utilisée pour quantifier le crédit de colonisation est son recours à des données de présence-absence. Ces données ne nous renseignent pas sur l’état de la population. Il s’agit là d’un point qui devrait faire l’objet d’amélioration. Une alternative serait de considérer une espèce comme présente sur un site uniquement si elle est représentée par un nombre d’individus jugé suffisant que pour pouvoir aboutir à une population viable. Ceci nécessiterait idéalement des données spécifiques de taille minimale viable de population.

D’une façon générale, les conclusions obtenues à l’échelle de la communauté ne peuvent être généralisées pour l’ensemble des espèces concernées. Toutefois, dans ce travail, nous avons analysé les communautés de manière plus fine, en distinguant d’une part les espèces à caractère spécialistes des espèces généralistes et, d’autre part, en considérant des groupes d’espèces à combinaisons de traits d’histoire de vie homogènes. Ceci étant, les approches à l’échelle de la communauté et à l’échelle de l’espèce restent complémentaires.

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L’analyse de la réponse de quelques espèces, spécialistes et généralistes, rendrait plus robustes nos conclusions et leurs implications pour la conservation. Principalement, les espèces ayant montré des sensibilités élevées à la fragmentation et/ou la restauration devraient faire l’objet d’études spécifiques visant notamment à caractériser leur viabilité à long terme et leur dynamique spatio-temporelle. Les papillons les plus sensibles font déjà l’objet de telles études (e.g. Turlure, 2009), bien que celles-ci restent généralement cantonnées à l’échelle paysagère (Plateau des Tailles). Par contre, le cas des plantes et araignées sensibles a jusqu’ici moins retenu l’attention des scientifiques.

Par ailleurs, l’objectif étant ici de comprendre la réponse des espèces vis-à-vis de modifications d’un habitat-cible, nous avons considéré le complexe de lande humide comme un habitat potentiel pour l’ensemble des espèces. Une approche, plus complexe, à l’échelle du paysage pourrait être envisagée afin de prendre en considération le point de vue de l’espèce. Pour certaines des espèces considérées dans notre étude, seule une zone réduite des taches d’habitat-cible constitue l’habitat préféré, alors que d’autres, ubiquistes, considère l’habitat-cible sur le même pied d’égalité qu’un autre habitat ouvert de type prairial.

Enfin, la plupart des études portant sur les impacts des modifications paysagères se limitent à l’étude d’un paysage. Les conclusions des diverses études se révèlent parfois contradictoires mais, du fait d’application de méthodologies diverses, les causes de ces contradictions sont difficilement attribuables directement à des différences intrinsèques entre paysages. Une approche multi-paysagère apporterait en ce sens une contribution importante à la compréhension des patrons généraux affectant les communautés des habitats fragmentés (e.g. Vellend et al., 2006). Nous avons brièvement abordé ces aspects dans nos analyses préliminaires (Chap. 2, 3, 4), en comparant la réponse des richesses spécifiques aux paramètres spatiaux de l’habitat selon les deux hauts plateaux étudiés. Une étude plus approfondie de la question ainsi que la considération de paysages appartenant à des régions géographiques diverses mériteraient des développements.