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135 Au cours de ce travail de thèse, la corrosion en milieu caustique concentré a été étudiée sur deux alliages classiques : 304L (17.2%Cr-9.3%Ni) et 2202 (22%Cr-2%Ni). Ces deux alliages ont permis d’étudier le phénomène de déalliage et d’en appréhender le mécanisme. La raison ultime de cette étude est de comprendre un des mécanismes permettant l’amorçage de la CSC dans ce milieu.

Un des objectifs de cette étude était d'approfondir l'effet de la composition des phases des alliages, de la microstructure et des paramètres environnementaux de la corrosion caustique sur des aciers inoxydables.

Les mesures de perte de masse dévoilent l’existence d’une diminution de la vitesse de dissolution pour l’alliage austénitique 304L : la perte de masse subie par l’alliage tend à diminuer dans le temps exprimant alors une perte de sensibilité à la corrosion et donc une vitesse de dissolution réduite. A noter que la perte de matière parait suivre une loi logarithmique. A potentiel libre dans la solution d’hydroxyde de sodium à 50% et à 80°C, l’alliage 304L (9,3%-Ni) se recouvre d’une couche nanoporeuse constituée de nickel métallique.

L’alliage duplex 2202 subit aussi des dommages dus au contact avec la solution d’hydroxyde de sodium, les pertes de masse des échantillons traduisent la dissolution de l’alliage. Cette perte de matière est progressive et régulière traduisant une dissolution faible et constante, néanmoins la vitesse de dissolution de l’austénite est supérieure à celle de la ferrite. Concernant les effets de l’hydroxyde de sodium sur la surface de l’alliage 2202, il apparait deux comportements distincts selon la phase envisagée. L’austénite tend simultanément à se dissoudre et à se recouvrir d’une fine couche de nickel métallique. La ferrite s’appauvrit en nickel en créant des zones où le nickel est absent. La phase austénitique présente une structure irrégulière nanoporeuse alors que la phase ferritique apparait plus dense.

La comparaison des cinétiques de dissolution des deux alliages [Fig. V. 1] montre clairement que, pour des durées d’expérience similaires et inférieures à 300h, l’alliage 304L se dissout plus rapidement que l’alliage 2202. Cette différence de cinétique entre les deux alliages peut aussi s’expliquer par leur différence de potentiel. Cette diversité entre les valeurs de perte de masse entre les deux alliages semble principalement due à la présence de la phase ferritique au sein de l’alliage 2202.

136 -0,5 -0,4 -0,3 -0,2 -0,1 0,0 0 50 100 150 200 250 300 350 Δ m [m g /c m ²] Temps [h] ∆m 304L mg/cm² ∆m 2202 mg/cm²

Fig. V. 1 Comparaison des pertes de masse des alliages austénitique 304L et austénoferritique 2202 après exposition à NaOH à 50% à 80°C

Les tests de corrosion en laboratoire sur les alliages 2202 (22,5%-Cr) et 304L (18,2%-Cr) ont montrés qu’une teneur en chrome élevée augmentait la résistance de l’alliage au milieu caustique. Les essais effectués sur l’alliage austénitique ont permis d’étudier le comportement de l’austénite de l’alliage austéno-ferritique. Les observations métallographiques et microscopiques ont mis en évidence une différence de comportement entre les deux phases de l’alliage duplex. Cette dissemblance est aussi soulignée par les études profilométriques qui révèlent une plus grande sensibilité de la phase austénitique à l’hydroxyde de sodium.

Des techniques de caractérisation de surface ont montré l’existence d’une couche nanométrique constituée de nickel métallique sur la surface de l’alliage 304L et sur la phase austénitique de l’alliage 2202 en contact avec la solution d’hydroxyde de sodium. La formation et l’épaisseur de cette couche sont directement reliées à la durée des essais. Cette couche nouvellement formée est constituée de nickel métallique. Les photographies issues de la microscopie à balayage montrent des résultats similaires pour l’alliage austénitique 304L et l’austénite de l’alliage 2202, à savoir que la surface parait avoir une structure nanoporeuse. Ce squelette poreux, déjà observé par Deakin et Pickering [Réf. V.1 et V.2] pourrait permettre la dissolution de l’alliage en profondeur. La ferrite de l’alliage 2202 a une structure dense et est appauvrie ou exempt en nickel. La teneur élevée en chrome confère à la ferrite de l’alliage une bonne résistance à la corrosion par une repassivation rapide en cas de rupture du film passif d’oxyde de chrome.

Il a été déterminé que le film créé lors des essais de corrosion sur l’alliage austénitique 304L et la phase austénitique de l’alliage 2202 est composé de nickel métallique quasiment pur. L’épaisseur et les propriétés du film ainsi que son comportement dans cet environnement joueront un rôle majeur puisqu’ils détermineront la sensibilité de l’alliage à la corrosion

137 caustique. Il est essentiel de comprendre le mécanisme amenant à la formation de la couche déalliée constituée de nickel.

Le phénomène de déalliage parait soumis à la compétition entre plusieurs mécanismes au vu des résultats expérimentaux. Les trois principaux mécanismes envisagés sont les suivants : - dissolution de l’ensemble de l’alliage suivie de la redéposition des atomes de nickel sur la surface de l’alliage,

- dissolution des atomes de chrome et de fer de l’alliage en simultanée avec un réarrangement des atomes de nickel de la surface,

- diffusion de surface des atomes de nickel, en particulier de la ferrite vers l’austénite.

Chacun de ces trois mécanismes peut expliquer les résultats expérimentaux obtenus. Néanmoins étant donné la température de travail, le mécanisme de diffusion de surface est écarté ne pouvant être le processus dominant à 80°C. La présence d’atomes de nickel dans la solution d’hydroxyde de sodium favorise un mécanisme de dissolution et redéposition des atomes de nickel sur la surface de l’austénite. L’augmentation de l’épaisseur de la couche de nickel avec le temps implique la dissolution sélective des atomes de fer et de chrome de l’alliage et favorise l’existence d’un mécanisme de réarrangement du nickel sur la surface de l’alliage. Les deux processus semblent donc coexister.

L’alliage 304L se dissout au contact de la solution caustique, une partie des atomes de nickel se retrouve en solution puis se dépose sur la surface et l’autre partie tend à se réarranger par formation d’ilots sur la surface de l’alliage.

La structure biphasée de l’alliage 2202 tend à le protéger de la corrosion caustique et ce malgré la faible teneur en nickel de l’alliage. La ferrite semble jouer un rôle protecteur en ralentissant la vitesse de dissolution de l’alliage. Le nickel de l’alliage 2202 se comporte comme celui de l’alliage 304L et le nickel de la ferrite se dissout dans la solution avant de se retrouver sur l’austénite de l’alliage [Fig. IV. 17].

La présente étude s'est concentrée sur le rôle de la microstructure et de l'environnement sur la sensibilité à la corrosion caustique des alliages austénitique et austénoferritique. Les autres aspects de cette étude qui permettrait de comprendre le mécanisme sous-jacent de la CSC des alliages duplex dans la solution caustique :

- exercer des micro-polarisations sur les phases austénitiques et ferritiques dans l’environnement caustique afin de comprendre les comportements électrochimiques de chaque phase de l’alliage duplex,

- mesurer les contraintes résiduelles dans les deux phases.

Une teneur élevée en chrome est bénéfique aux matériaux, puisque la couche d’oxyde est reformée immédiatement en cas de rupture. La compréhension du comportement de chaque élément d’addition dans un système fer-nickel permettrait de développer un alliage ayant une meilleure résistance à la corrosion. L’étude de matériaux de haute pureté ou comprenant

138 quelques traces d’impureté pourrait être comparée aux alliages précédemment analysés ainsi qu’aux alliages industriels.

L’ajout d’impuretés dans la solution d’hydroxyde de sodium (chlorures par exemple) pourrait avoir un impact sur le comportement électrochimique des aciers et ainsi modifier le mécanisme de déalliage. Les travaux de T. Cassagne et JC. Gagnepain peuvent servir de point de départ à cette étude [Réf. V.3].

La formation de matériaux nano-poreux peut être utilisée dans l’industrie de la catalyse. L’intérêt réside dans la fabrication de mousses métalliques à faible densité, à porosité ouverte et à surface spécifique élevée. Ces nouveaux matériaux sont principalement destinés au domaine de l'électrochimie (support pour agent catalytique, batteries, etc.), mais également pour la fabrication de supports de membranes, échangeurs de chaleur, structures permettant l'absorption du son, filtres, et dans le domaine biomédical (implants, prothèses).

139 [V. 1] J. Deakin, D. Zehua, RC. Newman, ‘‘De-alloying of type 316 stainless steel in hot, concentrated sodium hydroxide solution’’, Corrosion Science, Vol.46, N°9, pp. 2117-2133, 2004

[V. 2] HW. Pickering, ‘‘Characteristic features of alloy polarization curves’’, Corrosion Science, Vol.23, N°10, pp 1107-1120, 1983

[V. 3] T. Cassagne, JC. Gagnepain, ‘‘Corrosion of stainless steels in caustic media’’, Notes: Technical steel research: properties and service performance, n°16629, 1997

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