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Conclusions et perspectives

170 Dans le domaine de la valorisation des microalgues, rares ont été les études qui présentent la caractérisation, l’extraction, le fractionnement et le potentiel de valorisation de l’ensemble des composés contenus dans une microalgue donnée. Le but de notre travail était donc d’apporter cette pierre manquante à l’édifice. Dans cette optique, nous avons travaillé avec la microalgue Haematococcus pluvialis sous deux formes : verte et riche en chlorophylle (HPV) et rouge (HPR), riche en caroténoïdes. Ce choix a été motivé par le potentiel de cette souche en tant que modèle pour la bioraffinerie mais aussi par la disponibilité de la souche en France.

Dans un premier temps, l’objectif était de déterminer la composition de la microalgue sous ces deux formes. Par la suite il s’agissait de quantifier et de caractériser chacune des fractions présentes avec un accent particulier mis sur les protéines, les lipides, les sucres et les pigments. Nous avons donc étudié l’influence du broyage (pression et nombre de passage) sur le rendement d’extraction de chacune des fractions d’intérêts. Nos études ont démontré que la forme verte de H. pluvialis libère un maximum de composés d’intérêts lorsqu’elle est broyée par 2 passages à 2 kbars. En outre, la modification du pH avant le broyage de 5,7 (natif) à pH = 7 ou à pH = 12, permet d’extraire une teneur plus importante en protéines soit + 10 % entre le natif et le neutre et quasiment l’intégralité des protéines extraites à pH alcalin. Une fois les conditions de broyage fixées, nous avons évalué le potentiel des protéines issues de la forme la plus riche en protéines, HPV. Tout d’abord, fractionner les protéines de la forme verte par précipitation au point isolélectrique compromet leur solubilisation post-précipitation. Toutefois, cette opération a révélé que le pI de la majorité des protéines intracellulaires solubles de HPV se situe au environ du pH = 6, information que l’on ne retrouvait pas dans la bibliographie à ce jour. En alternative à la précipitation acide, nous avons testé le fractionnement /concentration des protéines extraites à pH natif et neutre par ultrafiltration. Il s’avère qu’avec ce procédé membranaire, bien que les protéines ne soient pas séparées des autres molécules, on arrive à une concentration et un enrichissement en protéines de hauts poids moléculaires. La précipitation au sulfate d’ammonium quant à elle, permet une purification partielle de la fraction protéique, mais serait probablement compliquée à mettre en œuvre à l’échelle industrielle. Les extraits protéiques de HPV et leurs dérivés (rétentats, peméats) se sont révélés avoir un fort potentiel en tant qu’agent émulsifiant. Leur capacité émulsifiante (CE) bien qu’en général plus faible que celle de la référence (caséinate de sodium), reste intéressante. Ces mêmes extraits protéiques, excepté le perméat, stabilisent mieux les émulsions que le caséinate et il serait possible d'intégrer les concentrats obtenus par ultrafiltration en l’état dans une formulation alimentaire ou cosmétique.

171 Pour la forme rouge de H. pluvialis, l’extraction des composés d’intérêts a nécessité un broyage plus poussé avec 2 passages à 2,7 kbar. Les deux produits de broyage, surnageant et culot ont fait l’objet d’études d’extraction / fractionnement. Le surnageant de la forme rouge, à l’instar du surnageant de la forme verte, est une matrice complexe contenant à la fois des composés liposolubles (pigments et lipides) et des molécules hydrosolubles (sucres et protéines). Afin de séparer les molécules hydrosolubles et liposolubles d’Haematococcus pluvialis, nous avons utilisé la floculation au PEI, qui n’avait jamais été testée sur des microalgues. Ainsi, la condition de traitement avec 0,075 % de PEI et à pH 7,4 permet la floculation de 96 % des lipides et pigments en conservant 100 % des sucres et 89 % des protéines dans la phase aqueuse. L’étude des propriétés fonctionnelles du surnageant de floculation a montré un comportement similaire à celui du surnageant de broyage non fractionné, à savoir une capacité émulsifiante importante et une bonne stabilité des émulsions formées. Par ailleurs, ce comportement est proche de ceux du surnageant de broyage de la forme verte, ainsi que du rétentat d’ultrafiltration précédemment analysés. Du point de vue économique, la faible quantité de PEI utilisée induit un coût de traitement faible, ce qui rend crédible la mise en œuvre de ce procédé dans le cadre d’une bioraffinerie.

Enfin, pour fractionner les composés liposolubles de H. pluvialis rouge nous avons testé la chromatographie de partage centrifuge (CPC) associée au système bi-phasique heptane : méthanol (+ 2 % eau). Ces premiers pas dans le fractionnement des composés lipidiques de H. pluvialis ont été assez concluants. En effet le système heptane : méthanol (+ 2 % eau) utilisé en Dual Mode a permis de purifier le pigment ayant la plus grande valeur ajoutée: l’astaxanthine. De fait, 90 % de l’astaxanthine estérifiée est retrouvée dans une fraction d’heptane éluée dans la phase 2 du Dual mode. Les lipides ont été conservés à 90 % mais avec une majorité collectée dans l’heptane dès le changement de mode. Le profil d’acide gras est resté identique à celui de l’extrait initial, mais avec moins de pigments, il s’agit donc bien d’un fractionnement des lipides et pigments. La mise en œuvre de la CPC, même si le procédé doit encore être optimisé, a permis de lever le principal verrou technologique de la bioraffinerie d’Haematococcus pluvialis.

Les résultats obtenus nous permettent d’établir un enchaînement de procédés qui permettrait d’extraire, de fractionner / purifier les composés d’intérêts de H. pluvialis rouge (Figure 58). Ce schéma de bioraffinerie reporte la distribution des différentes fractions, lipides, pigments, sucres et protéines lors des procédés de lyse et d’extraction, sur la base des expériences menées indépendamment mais sur un lot unique de biomasse. Malheureusement par manque de temps,

172 ce schéma n’a pas pu être mis en œuvre sous la forme d’une seule expérience intégrée permettant de le valider par des bilans matière.

Figure 58 Proposition de schéma intégré pour la bioraffinerie de H. pluvialis rouge.

Les lipides, bien que partiellement purifiés, ont le profil des matières premières utilisées pour la production de biodiesel avec la présence majoritaire de TAG. La présence de pigments résiduels, principalement de la chlorophylle à faible valeur ajoutée, n’est pas un frein à leur utilisation. En parallèle, nous avons pu obtenir une fraction d’astaxanthine d’un niveau de pureté beaucoup plus élevé que ce qui est actuellement commercialisé. En ce qui concerne la fraction hydrosoluble, il n’a pas été possible de séparer les protéines et les sucres par les méthodes testées. Néanmoins, la caractérisation de ces sucres n’a pas montré la présence de polysaccharides valorisables alors que la matrice protéines + sucres présente un fort potentiel en temps qu’agent émulsifiant. Il ne semble donc pas souhaitable de chercher un procédé de fractionnement efficace, qui ajoutera un coût de traitement, sans apporter de valeur supplémentaire. Enfin, il reste une fraction dont la valorisation n’a pas été étudiée : le culot de broyage après extraction des lipides et pigments, qui contient encore une quantité non négligeable de sucres et de protéines non solubles. Plusieurs scénarios pourraient être envisagés,

173 parmi lesquels la dégradation par des microorganismes anaérobies (méthanisation ou fermentation sombre) pour la production de biogaz ou de biohydrogène. Enfin, tous ces procédés sont extrapolables à un niveau industriel mais ce changement d’échelle nécessitera évidemment des ajustements. Un bilan économique complet, incluant une étude du cycle de vie, devra également être réalisé pour valider les procédés choisis.

Les perspectives à ce travail peuvent donc être divisées en deux catégories. Dans la première catégorie il s’agira :

- D’effectuer un broyage à plus grande échelle et tester concrètement l'enchaînement de procédés sur le même échantillon de départ afin d’effectuer un bilan matière complet. - De tester la floculation au PEI à partir du polymère fixé sur des billes de silice.

L’utilisation de ce dispositif permettrait une séparation par décantation au lieu d’une centrifugation, ce qui réduirait les coûts. En outre, la possibilité de réutilisation du PEI pour plusieurs cycles doit être évaluée.

- De tester la CPC à plus grand volume. Ce scale-up devrait permettre d’être plus précis dans l’évaluation de ce procédé et peut être de récupérer de l’astaxanthine encore plus purifiée. Un travail d’optimisation de la séparation en faisant varier les paramètres opératoires (vitesse de rotation et débit) devra être conduit.

- D’établir un bilan économique complet, incluant une étude du cycle de vie.

Dans la deuxième catégorie de perspectives, plus lointaines, il serait intéressant d’inclure la standardisation des conditions de culture à la bioraffinerie. En effet, afin d’assurer les performances et la répétabilité de la bioraffinerie, il est important qu’il n’y ait pas trop de variations dans la composition de la biomasse. Enfin, certaines techniques n’avaient jamais été mises en œuvre auparavant mais semblent extrapolables à d’autres souches de microalgues. Il serait par exemple intéressant de tester la floculation au PEI ou la séparation des composés liposolubles sur des fractions issues d’autres souches, afin de mieux comprendre les phénomènes mis en jeu. Ainsi, on pourrait imaginer disposer d’un éventail de procédés de fractionnement adaptés à la nature des composés à séparer, et de choisir un enchaînement performant par la simple analyse de la composition de la biomasse.

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