• Aucun résultat trouvé

CONCLUSIONS GÉNÉRALES

ET PERSPECTIVES

197 CONCLUSIONS GENERALES

Un challenge ambitieux

Les constructeurs automobiles se retrouvent aujourd’hui confrontés à de fortes exigences en matière de réduction des émissions de CO2 de leurs véhicules. Ces exigences ont été initiées ces dernières années par une récente prise de conscience des états et des sociétés sur la consommation des ressources et des émissions de gaz à effet de serre. Cette réduction passe avant tout par l’allégement des véhicules, c'est-à-dire la réduction en épaisseur des pièces. Le métallurgiste doit donc relever le challenge de concevoir des aciers à plus hautes caractéristiques mécaniques tout en garantissant :

- un même niveau de sécurité à épaisseur plus faible,

- une bonne formabilité, celle-ci diminuant classiquement avec l’augmentation des

caractéristiques.

Parallèlement, l’augmentation du poids des équipements (GPS, radar de contrôle, etc.) à l’intérieur des véhicules ces vingt dernières années vient compliquer davantage ce défi. Le multiphasage constitue l’une des voies de réponse proposées par le métallurgiste. Ce dernier a besoin d’outils numériques efficaces permettant de modéliser le comportement de ces nouveaux aciers à hautes caractéristiques durant leur principale application : la mise en forme de produits plats pour l’automobile : les tôles. Dans cette optique, l’outil numérique idéal doit répondre à plusieurs critères :

- d’identification aisée, il doit être pertinent dans la description des caractéristiques du comportement rhéologique de ces aciers sur toute la gamme de déformations et de vitesses de déformations que comporte les procédés de mise en forme,

- au-delà de cette description, il doit capter une certaine physique de la microstructure du matériau afin d’une part d’agir sur les sources des propriétés mécaniques observées pour concevoir de nouvelles nuances et afin d’autre part d’être pertinent dans la description du comportement au-delà du domaine pour lequel il a été identifié,

- il doit être facilement implantable dans un code d’éléments finis en vue de simuler le

comportement des produits pour leurs applications finales : la mise en forme et la tenue au crash.

L’objectif de cette thèse s’est inscrit pleinement dans la réalisation d’un tel outil numérique en proposant un outil de modélisation du comportement élasto-viscoplastique des aciers multiphasés implantable dans le logiciel de calcul par éléments finis Abaqus. L’hétérogénéité du comportement des phases étant prise en compte au travers d’une transition d’échelles.

Une description pertinente du comportement adaptée à l’application visée

Dans cette optique, une loi de comportement élasto-viscoplastique tridimensionnelle a été formulée dans un cadre tensoriel et exprimée sous forme incrémentale. La forme de cette loi, en sinus hyperbolique, a été choisie du fait de son applicabilité dans un large domaine de déformations, de contraintes mais aussi de vitesses de déformation compatibles avec ceux des procédés de mise en forme. En utilisant le formalisme de l’activation thermique, nous avons

conforté ce choix en illustrant que le mécanisme de glissement des dislocations conduisait naturellement à cette forme en sinus hyperbolique du fait de la prise en compte de la probabilité de sauts retour des segments de dislocations à la rencontre d’un obstacle microstructural. En se basant sur le formalisme de Rauch, nous avons montré qu’il est alors possible de décrire le mécanisme de glissement des dislocations par double décrochement des parties coins sur les parties vis des dislocations, mécanisme propre aux matériaux cubiques centrés. De ce fait, la contrainte d’écoulement a été définie comme une combinaison linéaire d’une contrainte interne et d’une contrainte effective. L’utilisation combinée de ces deux formalismes à contribué à formuler une nouvelle loi de comportement élasto-viscoplastique tridimensionnelle respectant le cadre thermodynamique des matériaux standard généralisés.

Par souci de simplicité d’implantation dans un code d’éléments finis, l’évolution de l’écrouissage isotrope et cinématique a été définie en premier lieu à l’aide de lois phénoménologiques, respectivement par une loi de type Voce et une loi de type Armstrong- Frederick. Le modèle complet, ayant seulement sept paramètres, a été validé sur un ensemble d’essais expérimentaux réalisés à différentes vitesses de déformation, températures selon des trajets monotones ou séquentiels. Ces résultats illustrent la capacité du modèle à capter de façon précise deux caractéristiques du comportement visqueux à savoir la sensibilité positive de la contrainte d’écoulement à la vitesse de déformation et une sensibilité négative à la température. Confronté à d’autres modèles issus de la littérature (modèle de Uenishi et Teodosiu, modèle de Rusinek), à plus grand nombre de paramètres, le modèle développé dans ce travail de thèse apparaît comme un excellent compromis entre simplicité d’identification et précision des résultats. Notons toutefois que si les lois d’écrouissage utilisées restent relativement simples, le modèle est ouvert à une intégration de nouvelles lois d’écrouissage plus avancées ou à plus fort contenu physique. De même, si notre étude s’est focalisée sur le mécanisme de glissement des dislocations pour les matériaux cubiques centrés, le modèle est également capable de modéliser d’autres structures cristallographiques comme les matériaux CFC : la contrainte d’écoulement n’est alors plus caractérisée par le couplage retenu ici entre la contrainte interne et la contrainte effective, mais plus simplement comme leur somme.

La loi de comportement élasto-viscoplastique ainsi proposée dans ce travail de thèse constitue un bon candidat à la modélisation du comportement élasto-viscoplastique des aciers pour la mise en forme. La comparaison des résultats du modèle et des essais expérimentaux a validé cette approche dans le cadre d’aciers doux monophasés ferritiques destinés à l’emboutissage.

Une description qui se veut prédictive, hors du domaine initial d’identification

Au-delà de la capacité à bien décrire le comportement élasto-viscoplastique de manière phénoménologique, une partie de ces travaux a été consacrée à l’étude de la prise en compte de l’hétérogénéité de comportement des constituants d’un acier multiphasé. Ceci, dans l’optique d’étudier les effets de cette hétérogénéité sur le comportement macroscopique en vue d’élaborer de nouvelles nuances. Il est aisé de remarquer que la validité des simulations dans une approche phénoménologique est directement tributaire des conditions dans lesquelles le jeu de paramètres a été identifié. C’est pourquoi l’un des objectifs de cette thèse a été d’utiliser une autre démarche : celle de la micromécanique. Celle-ci consiste à faire le lien entre deux échelles de description, dans notre cas celle des mécanismes physiques à l’échelle de la microstructure et celle du comportement mécanique à l’échelle macroscopique. Tout l’objet du chapitre 3 a été de définir cette approche et de choisir les modèles susceptibles de nous intéresser. Après un rappel général de la méthodologie et une analyse bibliographique des différentes approches, une analyse des extensions classiques du schéma autocohérent en

199 élastoplasticité a été effectuée afin de pouvoir bien appréhender les subtilités du problème micromécanique hétérogène élasto-viscoplastique.

De manière plus approfondie, les enjeux et défis que constitue l’utilisation d’une approche micromécanique dans le cadre de l’élasto-viscoplasticité ont été examinés. En particulier, la présence simultanée de plusieurs ordres de dérivation des champs locaux nécessite la prise en compte du caractère héréditaire du comportement et ne permet plus d’utiliser les extensions classiques du schéma autocohérent. Le couplage spatio-temporel résultant constitue une difficulté majeure dans le traitement du problème micromécanique hétérogène élasto-viscoplastique. Parmi les deux voies de résolution proposées dans la littérature, nous avons choisi d’utiliser les approches à variables internes qui se révèlent d’une part être moins lourdes numériquement que les approches héréditaires et d’autre part largement utilisées au laboratoire. Un effort particulier a été porté sur l’analyse de ces modèles : l’insuffisance de l’extension classique du schéma autocohérent en élasto- viscoplasticité par Weng a permis d’illustrer précisément les spécificités inhérentes au comportement élasto-viscoplastique. De fait, le modèle à champs translatés est apparu naturellement comme la solution retenue dans le cadre de ce travail de thèse. Une solution pragmatique, le modèle en Béta, a toutefois attiré notre attention du fait des propriétés avantageuses en termes de rapidité de calcul même s’il nécessite au préalable une identification d’un paramètre scalaire gérant l’accommodation viscoplastique. Néanmoins, dans le cadre d’une modélisation d’un acier biphasé, où les hétérogénéités considérées sont les phases constitutives de cet acier, les simulations ont abouti à deux résultats majeurs :

- la non-linéarité de la loi locale en sinus hyperbolique semble trop importante pour pouvoir être correctement prise en compte par une linéarisation sécante du comportement viscoplastique. Dans ces conditions, le comportement macroscopique résultant est proche des modèles de Taylor-Lin et de Kröner-Weng, limitant l’intérêt de coupler loi de comportement locale en sinus hyperbolique et modèle à champs translatés à linéarisation sécante.

- l’utilisation du modèle en Béta après identification sur le modèle à champs translatés

permet un gain numérique conséquent du fait que l’on s’affranchit du caractère implicite de résolution numérique du modèle à champs translatés. Cependant son identification n’est pas aisée si l’on ne dispose pas des outils numériques adéquats. Enfin, il est légitime de se poser la question de l’approximation faite dans ce travail de thèse en ne considérant que les phases comme seules hétérogénéités. L’utilisation d’une approche à champs moyens à l’échelle des phases implique que les effets de longueurs internes microstructurales (taille de grain par exemple) à l’intérieur de ces phases doivent être pris en compte de manière phénoménologique par la loi de comportement locale. Or ceci constitue une limite dans l’utilisation de notre modèle : une phase ferritique à gros grains doit être identifiée différemment d’une phase ferritique à grains plus fins. Cette réflexion a été l’objet d’un effort particulier durant cette thèse sortant du cadre initialement posé.

La prise en compte des longueurs internes dans les approches à champs moyens

Comme il a été souligné en début de chapitre 4, les approches classiques à champs moyens sont incapables de reproduire les effets de taille absolue de longueurs internes microstructurales. L’analyse de la littérature a montré que ces longueurs microstructurales sont (jusqu’à encore très récemment) injectés phénoménologiquement au travers de la loi de comportement locale. De fait, leur effet est limité d’un point de vue de la modélisation

Documents relatifs