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Dans ce travail de thèse, nous avons étudié la formation de dislocations depuis la sur-face d’un métal cfc sous contrainte. La nucléation des dislocations est en effet un processus encore mal connu et difficile à caractériser. Au cours de cette thèse, nous avons cherché à déterminer les différents paramètres de la barrière d’énergie associée au mécanisme de nucléation, ainsi que l’influence de différents facteurs extérieurs. Pour réaliser cette étude, nous avons combiné l’utilisation de calculs basés sur la théorie élastique et de différentes méthodes atomistiques classiques.

Les simulations de la formation de demi-boucles de dislocations ont mis en évidence le rôle de différents paramètres extérieurs. Il s’agit d’un mécanisme thermiquement activé ; cependant l’effet de la température sur la contrainte de nucléation semble mineur. D’un autre côté, nous avons montré l’importance des défauts de surface sur l’initiation de la plasticité. Les marches de surface jouent ici un rôle primordial. En effet, elles concentrent localement la contrainte, ce qui induit un précisaillement dans un plan de glissement passant par la marche ; la contrainte appliquée nécessaire à la nucléation se trouve alors diminuée. La hauteur de la marche semble avoir un effet important sur la contrainte de nu-cléation, et sur le plan de glissement activé ; néanmoins ce dernier point semble dépendre du potentiel utilisé, aussi d’autres simulations seront nécessaires pour une compréhension

2 4 6 8 10 Deformation appliquee ε (%) 0 1 2 3 4 5 6 7

Energie d’activation (eV)

Accessible a l’experience Accessible en DM εath Inevitable Impossible

Fig. V.9 – Régimes possibles pour l’observation de la nucléation ; la courbe continue indique l’évolution de l’énergie d’activation en fonction de la déformation, obtenue ici grâce au modèle élastique ajusté (Chap. IV).

approfondie.

Nous avons déterminé les paramètres d’activation associés à la barrière d’énergie, dans le cas particulier d’un système présentant des marches de surface monoatomiques, et sou-mis à une traction uniaxiale orthogonale à la ligne de marche. Des simulations employant des potentiels semi-empiriques (dynamique moléculaire, relaxation contrainte, NEB) ont permis d’obtenir ces paramètres. Nous avons aussi modifié un modèle élastique existant, dont les paramètres ont été ajustés à partir des résultats des simulations. Ce modèle nous a ainsi permis d’obtenir l’évolution des paramètres d’activation sur tout l’intervalle pos-sible de contrainte appliquée.

Les résultats obtenus indiquent que les paramètres d’activation varient très brusque-ment lorsque la contrainte appliquée diminue. Pour résumer, l’évolution de l’énergie d’ac-tivation montre plusieurs régimes (Fig. V.9). Pour des déformations supérieures à la dé-formation athermique ǫath, l’énergie d’activation est nulle, et donc la formation de

dis-locations est inévitable même à 0 K. Pour des déformations élevées mais inférieures à

ǫath, les énergies d’activation sont relativement faibles (0∼1 eV), et les temps nécessaires à la nucléation très courts ; l’évènement pourra donc être observé lors de simulations en dynamique moléculaire. Pour des déformations relativement faibles, l’énergie d’activation augmente rapidement, et les temps de nucléation deviennent inaccessibles à la dynamique moléculaire. La nucléation n’est alors observable que si la vitesse de déformation est suf-fisamment petite, par des expériences notamment. Nous avons toutefois montré que les simulations permettent d’obtenir les paramètres d’activation à de telles déformations, à travers des méthodes statiques utilisées dans ce travail comme la relaxation contrainte, la méthode essai-erreur, ou le NEB. Enfin, lorsque les déformations sont très faibles, l’énergie d’activation devient très élevée, et la nucléation devient un évènement fortement impro-bable.

Finalement, la dynamique moléculaire a également permis d’obtenir des éléments qua-litatifs et quantitatifs sur la cinétique des dislocations et sur les évènements plastiques subséquents à la nucléation de la première dislocation. La diminution de la vitesse des dislocations lorsque la température augmente, principalement liée à l’interaction avec les phonons, a pu être mise en évidence. Les simulations semblent également montrer une relation entre la vitesse des dislocations et l’extension de leur cœur, résultat en accord avec la théorie élastique. Suite à la formation de la première dislocation partielle, plusieurs mécanismes plastiques ont été obtenus. Dans la plupart des cas, la formation d’une macle est privilégiée car il s’agit du mécanisme le plus favorable énergétiquement. La nucléation de la partielle de queue a essentiellement été obtenue pour des orientations de contrainte non orthogonales à la ligne de marche.

Ce travail de thèse peut être placé en perspective de l’étude d’autres problèmes im-pliquant des mécanismes de formation de dislocations. Les méthodes que nous avons em-ployées ici peuvent être appliquées de façon assez générales à l’étude de la nucléation. En

particulier, la méthode essai-erreur est un moyen relativement fiable et peu dispendieux en temps de calcul. Elle permet également d’obtenir des configurations proches du point col, qui peuvent servir de bon point de départ pour un calcul NEB. On peut notamment envi-sager une approche similaire dans le cas de matériaux covalents tels les semiconducteurs. À la différence des métaux cfc, ces matériaux sont fragiles dans les conditions usuelles, les mécanismes de la plasticité seront donc différents. La nucléation de dislocations à partir d’un défaut de surface est un mécanisme similaire à la nucléation depuis un front de fissure, qui est une problématique fondamentale pour la compréhension de la transi-tion fragile-ductile des semiconducteurs. Cependant, les potentiels semi-empiriques étant moins fiables pour ces matériaux, il sera peut-être nécessaire de recourir à des méthodes multi-échelles, couplant les potentiels classiques avec des calculs ab initio pour modéliser de façon plus précise les cœurs des défauts. L’utilisation de telles méthodes reste toutefois un challenge.

Enfin, bien que dans ce travail de thèse nous nous soyons intéressés à une surface infinie, la méthodologie employée, et dans une moindre mesure les résultats obtenus, pourraient être utilisés pour l’étude de l’initiation de la plasticité dans des nanostructures comme des nanopiliers ou des nanofils. Ces nanomatériaux présentent différentes sections (elliptiques ou polygonales) et donc différents défauts de surface ; l’étude des tout premiers stades de la plasticité permettrait de mieux comprendre, dans ces structures, l’augmentation de la limite élastique pour les métaux, et l’apparition de la ductilité dans le cas des semi-conducteurs.

Annexe A