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VII. Conclusions générales

Le problème qui nous est posé est simple dans sa formulation.

« Comment, sur la base du matériel de soudage TIG, s’affranchir des limites rédhibitoires à la réalisation de soudures d’épaisseurs supérieures à 3mm d’aciers inoxydables et d’alliages de titane ? »

Le soudage TIG réalise des assemblages de qualité, exempts de défauts et de pollution de bain, grâce à une très bonne protection gazeuse de la zone fondue et de l’arc, ainsi qu’à l’absence de transfert de métal. Ceci en fait un procédé de prédilection pour les industries chimiques et pétrochimiques, aéronautiques, agroalimentaires ou nucléaires.

Mais cette excellence se fait au détriment de sa productivité et de cordons soudés fortement pénétrants. Ceci conduit, dans de nombreux cas, à usiner les bords à souder et à effectuer plusieurs passes avec métal d’apport pour réaliser le cordon souhaité.

Les origines de ces limites sont de deux ordres :

d’une part, l’absence de transfert de métal conduit à un arc diffus dont l’énergie spécifique est faible, le rendement d’arc est donc médiocre (≈60%),

d’autre part, le métal fondu a naturellement tendance à être mouillant, c’est-à-dire à générer des courants de convection thermo-capillaires, internes au volume fondu, orientés du centre vers les bords du bain.

Il apparaît alors évident que pour améliorer ce procédé, il faudra intervenir à la fois sur les densités d’énergie, mais aussi sur les courants internes au bain de fusion.

Certaines conceptions de torches réalisent donc une constriction aérodynamique de l’arc, ajoutant une veine périphérique de gaz réfrigérant autour du plasma créé. Mais, il est beaucoup plus difficile d’intervenir sur les mécanismes qui conditionnent les morphologies des zones fondues.

En effet, la définition de la soudabilité traduit la réalisation, sans défaut, de soudures dont les pénétrations sont importantes, pour des largeurs de bain réduites. Or, la présence d’éléments dans les métaux, sous forme de traces, peut fortement affecter les profils des zones fondues. La mise en évidence de ces éléments, appelés tensioactifs car modifiant les comportements des tensions de surface du métal liquide sous l’impact du gradient thermique de l’arc, permet de connaître les nuances de matériaux qui présenteront ou non de fortes pénétrations de bain. Ces éléments, comme le soufre ou le sélénium, ont des taux qui, malheureusement pour les procédés de soudage, ont fortement diminué durant les 20 dernières années, les aciéristes raffinant de plus en plus leurs productions.

Donc, les matériaux sont de plus en plus exempts d’éléments tensioactifs, or, en parallèle, les exigences industrielles en durée de vie et en conditions d’utilisation des appareils conduisent à augmenter les épaisseurs moyennes des ensembles à fabriquer.

Dans ces conditions, seule l’utilisation d’autres procédés comme le soudage plasma, Laser ou faisceau d’électrons, permet de réaliser les assemblages d’épaisseurs supérieures à 3mm de manière productive. Cependant, les coûts d’investissement de ces technologies sont

importants et nécessitent une complète refonte des gammes de fabrication ainsi qu’une formation poussée des opérateurs.

Nous avons alors cherché à développer un procédé, qui, sur la base du matériel de soudage TIG, permet de s’affranchir des 3mm de pénétration actuellement critiques.

Pour ce faire, nous avons étudié une technique de soudage appelée ATIG (TIG actif), technique qui émerge en construction mécano-soudée de produits chaudronnés depuis le milieu des années 90.

De mise en œuvre très simple, cette solution utilise un dépôt alcalin de flux actif qui joue un double rôle au passage de l’arc :

il vient modifier le comportement de l’équilibre électrochimique de la zone ionisée, conduisant à une constriction de l’arc électrique, réduisant ainsi la tache anodique ; les densités de courant et d’énergie sont donc augmentées au sein de la source thermique ; il inverse les courants de convection thermo-capillaires au sein du bain métallique, initiant

alors des courants centripètes qui sont favorables au transfert des calories dans la pièce, ainsi qu’à la formation de profils de bains pénétrants plutôt que mouillants.

Il en résulte une forte modification de la morphologie des cordons soudés, doublant la gamme des épaisseurs soudables d’une seule passe.

Cette étude a été menée en partenariat avec la société B.S.L. industries (Soissons, FR.) pour la partie développement et la société CASTOLIN EUTECTIC (Lausanne, CH.) pour la partie fabrication et commercialisation des compositions développées. Nous avons défini deux objectifs principaux qui sont :

la formulation d’une composition optimale en vue d’applications aux aciers inoxydables et d’une autre dédiée aux alliages de titane. Ces compositions doivent, entre autre, permettrent une utilisation de ce procédé en soudage manuel, ce que n’autorisent à l’heure actuelle, aucune des formulations concurrentes ;

analyser et comprendre les mécanismes d’activation ATIG, en vue de définir une démarche de sélection et de formulation de flux ATIG applicable pour d’autres matériaux.

Nous avons donc, dans un premier temps, étudié les effets de différents produits sélectionnés a priori, sur la base de leurs caractéristiques physico-chimiques, effets sur le bain de fusion et sur le transfert du flux thermique dans la pièce en réalisant des soudures et des points de fusion.

Certains flux, présentant un fort potentiel activant (nette augmentation de la pénétration et réduction de la largeur de bain fondu, comparativement au soudage TIG dans les mêmes conditions) ont servi de base au développement de produits plus complexes qui cherchent alors à améliorer différents critères prédéfinis comme, bien-sûr, une forte pénétration mais aussi une bonne accroche sur les tôles, un nettoyage aisé après soudage, …

Nous sommes arrivés à la formulation de deux compositions qui nous semblent optimales, permettant la réalisation en soudage automatique ou manuel d’assemblages jusqu’à des épaisseurs de 7mm.

Il a alors fallu caractériser les cordons ATIG que nous avons soudé, nous assurant que les bonnes propriétés mécaniques des matériaux de base sont conservées, et que le bain de fusion reste exempt de pollution due aux flux.

De plus, des abaques ont été dressés reliant les pénétrations souhaitées aux intensités et vitesses de soudage, données nécessaires à la recherche de paramètres opératoires. Ceci nous a conduit à préconiser l’utilisation de paramètres de soudage en intensité et en vitesse (respectivement inférieures à 200A et 20cm/min) pour bénéficier au maximum des effets activants des flux ATIG.

Ces mises au point de compositions efficaces nous ont permis de proposer une démarche de sélection et de recherche d’une formulation optimale.

En parallèle de cette étape de développement, les différents modes d’activation des flux solides ont été étudiés.

Nous avons constaté, comme le suggère la littérature, que l’arc en est fortement modifié, conduisant à une constriction de la tache anodique qui va améliorer les densités d’énergie et le transfert thermique au sein des pièces à souder. L’arc est déformé, présentant une plume en arrière. Le bain subit aussi de fortes modifications, notamment dans ses répartitions de volume fondu, puisqu’on visualise un bain ATIG fortement tiré en arrière de l’arc.

Ces modifications d’arc se répercutent dans des sauts de tension dont nous avons mesuré les évolutions à l’aide d’un matériel préalablement conçu et dimensionné par nos soins. Ces sauts de tension traduisent la nécessité d’avoir une énergie plus importante pour stabiliser l’arc ATIG. Ceci influe sur les énergies incidentes qui sont donc plus conséquentes en soudage ATIG. Ces mesures nous ont, entre autre, permis de constater la nécessité d’avoir un dépôt de flux le plus uniforme et homogène possible.

Une autre des conséquences est visible sur les usures d’électrodes ATIG qui sont nettement plus accentuées qu’en TIG. Il faudra donc prendre en compte ce paramètre qui peut faire perdre une partie de l’efficacité ATIG.

Puis, nous nous sommes intéressés aux modifications de comportement de bain, avec la volonté de faire ressortir les effets des courants de Marangoni. Pour ce faire, nous avons dissocié les mécanismes d’activation issus de l’arc et du bain en réalisant, dans un premier temps, une simulation d’arc TIG via une source Laser défocalisée. Ces essais montrent qu’il est alors possible, par simple micro-modifications de la chimie du bain de réaliser des déplacements de masses fondues.

Enfin, la réalisation d’éprouvettes « sandwich », enfermant du flux entre une feuille de métal et la tôle à souder, minimise les interactions entre l’arc et le flux. Il ressort alors que les phénomènes d’inversion des courants de convection sont très importants pour gérer les morphologies soudées. Il est ainsi possible de réaliser des gains de pénétration importants. Nous en avons ainsi déduit un modèle d’activation des flux, mettant en avant les phénomènes croisés que produisent l’un sur l’autre, les deux mécanismes activants. De plus, ces constatations nous font penser que les activations se répartissent à plus ou moins part égale entre les effets d’arc et les inversions de courants de convection.

Dans la dernière partie de cette étude, nous avons balayé la gamme des possibilités offertes par le soudage ATIG. Nous nous sommes ainsi assuré que les flux ATIG gomment les effets

de soudabilité différentielle et qu’ils permettent de reculer les domaines d’apparition de défauts de surfaces, propres au soudage TIG grande vitesse.

Industriellement, différentes maquettes et prototypes d’assemblages en forte épaisseurs ont été produits, réalisés en une ou deux passes ATIG contre 3 à 6 passes TIG.

La société B.S.L.i ayant poussé son engagement dans cette technique innovante jusqu’à passer en production une série d’échangeurs de chaleur au début de l’année 2000, nous présentons ce cas d’application industriel concret, mettant en avant les gains de temps de réalisation ainsi obtenus.

Enfin, pour finir, nous avons dressé un rapide tableau technico-économique comparatif entre les procédés TIG - ATIG et plasma. Il ressort que les coûts de fabrication ATIG sont globalement deux fois moindre qu’en TIG pour des temps de fabrication réduits de moitié. La solution ATIG possède alors tous les atouts pour s’imposer comme un procédé fortement concurrentiel du soudage TIG multipasses, mais aussi, du soudage plasma pour les épaisseurs supérieures à 3mm.

De mise en œuvre très simple, le soudage ATIG ne nécessite aucun investissement particulier autre que le flux solide activant. Il utilise les équipements TIG, torche de soudage et générateur de courant, ainsi qu’un produit d’activation déposé préalablement sur l’endroit des pièces à souder. Là où le soudage TIG est limité à 3mm de pénétration, le soudage ATIG permet de réaliser, dans les mêmes conditions, une soudure de pénétration allant jusqu’ à 7mm d’épaisseur.

Ces développements ont donné lieu à un accord commercial tripartite entre l’Ecole Centrale de Nantes, la société B.S.L. industries et la société CASTOLIN EUTECTIC. Les produits sont en phase de commercialisation sous les noms de flux Activatec 500 (pour les aciers inoxydables) et Activatec 860 (pour les alliages de titane).

Les caractéristiques des cordons réalisés par cette technique sont conformes aux exigences des normes en vigueur pour le soudage TIG, et l’utilisation de ces produits par l’utilisateur est en accord avec la directive 91/155/CEE concernant le respect des normes d’hygiène et de sécurité des utilisateurs.

L’utilisation industrielle de ces produits a été effectuée par la société B.S.L. industries pour la fabrication d’échangeurs de chaleur pour une colonne de réacteur chimique sur des assemblages tube-tube par procédé orbital. Les gains en temps de fabrication se chiffrent à plus de 1000 heures de soudage, pour un gain économique estimé à plus de 280 000F.

La force du procédé ATIG réside dans sa grande flexibilité, son investissement en matériel et en formation réduit et la multitude des applications réalisables en procédé automatique ou manuel.

Nous ne sommes pas sortis du domaine de compétence du soudage puisque l’ensemble des composants utilisés pour définir nos formulations finales est déjà employé par d’autres procédés comme le soudage à l’électrode enrobée, le soudage sous flux solide ou le soudage avec fil fourré.

Développé pour les alliages de titane et pour les aciers inoxydables, ce procédé peut rapidement être adapté à d’autres nuances de matériaux, nous pensons naturellement aux aciers au carbone-manganèse, mais aussi aux bases nickel (inconels et monels), alliages d’aluminium et de magnésium.

Cette technique ouvre donc de nouvelles possibilités d’utilisation du soudage TIG, jusqu’alors réservées au soudage plasma ou Laser.

Afin de mieux cerner encore le comportement de ces flux d’activation, il faudra s’intéresser à leur impact sur la viscosité, la modification de fluidité du métal, dans de nombreux procédés, étant gérée par les flux de soudage utilisés.

De plus, une analyse par mesures spectrales au sein de l’arc permettrait d’identifier, peut être, les différentes réactions ayant lieu dans celui-ci ainsi que leurs positions autour de la colonne ionisée.

Enfin, des mesures de champs thermiques permettraient de compléter totalement la compréhension et l’interprétation des mécanismes activants.