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Chez les champignons pathogènes, le dimorphisme fongique levure-mycélium est une caractéristique morphologique qui est souvent associée à la virulence. Ainsi, une approche classique pour la compréhension des maladies associées aux champignons dimorphiques constitue en l’étude des facteurs morphologiques et moléculaires qui sont liés au pouvoir pathogène de ces espèces. Avec la popularisation des analyses de séquençage, l’accès aux données « omiques », i.e. à l’échelle des génomes entiers, est grandement facilité. Dans cette thèse, nous nous sommes intéressée en particulier au cas d’Ophiostoma novo-ulmi, l’agent pathogène responsable de la MHO.

L’objectif de notre étude était d’étudier les facteurs moléculaires qui permettent de contrôler la transition levure-mycélium chez O. novo-ulmi. Le but était de déterminer les voies moléculaires conservées/uniques présentes chez ce champignon. Pour ce faire, nous avons choisi d’utiliser l’approche par analyse transcriptomique à large échelle en RNAseq pour visualiser le profil complet de l’expression des gènes dans les différentes phases de croissance du champignon et explorer chacune d’entre elles de manière plus approfondie que tout ce qui a été réalisé sur le sujet jusqu’alors. En effet, avant ce travail, les connaissances en matière de gènes impliqués dans le dimorphisme se résumaient à des études ciblées sur un gène en particulier (Richards 1994; Pereira et al. 2000). L’approche génomique offre une vue d’ensemble de la régulation de l’expression génique associée au phénomène étudié.

6.1 Analyses transcriptomiques chez les champignons pathogènes dimorphiques Afin de nous positionner quant à la pertinence de la production de telles données chez une espèce fongique considérée comme non-modèle, il nous a semblé important d’évaluer l’étendue des connaissances sur la régulation de l’expression génique dans le contexte de changements de morphologies dans le règne des champignons. Dans le chapitre 2, nous avons identifié 26 espèces de champignons pathogènes des animaux, des insectes ou des plantes qui présentent des caractéristiques dimorphiques. De ces 26, nous n’en avons trouvé que six, en plus d’O. novo-ulmi, pour lesquels des analyses transcriptomiques à large échelle ont porté sur la description des mécanismes impliqués dans le changement de morphologie entre levure et mycélium (transition levure-mycélium ou vice-versa). Ce faible nombre d’espèces

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étudiées nous a motivée à entreprendre des analyses comparatives afin d’apprécier le degré de conservation au niveau de l’expression génique entre espèces appartenant à des familles éloignées phylogénétiquement. En recensant et comparant toutes les expériences de transcriptomique réalisées par le biais d’ESTs, puces à ADN (microarray) ou encore de RNAseq, nous avons été en mesure de mettre en évidence plusieurs processus biologiques qui semblent être conservés entre différentes espèces et qui pourraient avoir été l’objet de convergence évolutive dans des branches éloignées de l’arbre phylogénétique fongique. Ainsi, nous avons constaté la nécessité d’étendre les analyses à un nombre plus élevé d’espèces afin de disposer d’un portrait transcriptomique représentatif de la diversité fongique et de généraliser l’implication des processus biologiques mis en évidence.

6.2 Comparaison des transcriptomes des phases levuriforme et mycélienne chez O.

novo-ulmi

Dans le chapitre 3, nous nous sommes concentrée sur le cas d’O. novo-ulmi et intéressée à la description des différences moléculaires entre les phases de croissance levuriforme et mycélienne. Pour la première fois chez cette espèce, nous avons utilisé la technique de RNAseq pour étudier, à l’échelle du génome entier, les profils d’expression génique qui sont associés à chacune des phases de croissance. Nous avons comparé les transcriptomes de levures obtenues in vitro en culture liquide et de mycélium cultivé en milieu liquide et solide. Cette expérience nous a permis de mettre en évidence certains processus biologiques qui semblent être propres à une des deux formes et de dresser les portraits transcriptomiques associés à chacune des conditions testées. Nos résultats montrent une distinction moléculaire claire entre les profils de chacune de deux phases. Nous avons notamment identifié une implication contrastée des CAZymes, une activation préférentielle des catalases en phase levuriforme ainsi qu’un potentiel rôle des MAPKs en phase mycélienne. Dans une perspective de compréhension de la conservation de la régulation du phénomène dimorphique entre des familles d’espèces éloignées, nous avons ensuite comparé les profils transcriptomiques des gènes orthologues entre O. novo-ulmi et deux espèces modèles dimorphiques, Candida albicans et Histoplasma capsulatum, toutes deux pathogènes des animaux. Nous avons utilisé des données existantes de RNAseq produites chez ces deux espèces (Bruno et al. 2010; Edwards et al. 2013). Cette approche comparative était innovante et notre étude a démontré une faible conservation au niveau de la régulation transcriptomique

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entre les deux phases de croissance chez ces trois espèces. Ainsi, malgré les similitudes mises en évidence dans le chapitre 2 par les comparaisons globales des résultats des analyses transcriptomiques effectuées par le biais d’ESTs, puces à ADN ou RNAseq, l’étude fine effectuée à l’échelle des gènes orthologues souligne à nouveau l’importance de diversifier les analyses chez les espèces modèles émergentes qui sont phylogénétiquement distantes des espèces étudiées traditionnellement et confirme le besoin de définir les mécanismes de régulation qui prévalent chez O. novo-ulmi.

6.3 Patrons d’expression génique au cours de la transition levure-mycélium chez O.

novo-ulmi

Après avoir établi les différences moléculaires entre les phases de croissance levuriforme et mycélienne, nous nous sommes penchée, dans le chapitre 4, sur les patrons d’expression génique au cours de la transition levure-mycélium chez O. novo-ulmi. Pour ce faire, nous avons défini une série temporelle au cours de laquelle nous étions en mesure de suivre visuellement le changement de morphologie, d’une part en microscopie optique et à flux d’électrons, et d’autre part en cytométrie en flux. Cette combinaison de techniques nous a permis de déterminer une période de temps de 27 h à l’intérieur de laquelle nous observions la formation d’hyphes à partir de cultures de levures. La cytométrie en flux offre une résolution plus fine que la microscopie pour suivre les modifications cellulaires qui interviennent lors du passage de la phase levuriforme à mycélienne. L’utilisation de la cytométrie en flux est une innovation chez O. novo-ulmi et nous a permis d’observer des changements cellulaires dans des délais très brefs après la perception du stimulus favorisant la transition. L’analyse en RNAseq de cette même série temporelle a appuyé les observations visuelles en révélant de nombreux gènes qui sont différentiellement exprimés au cours de la transition levure-mycélium selon des profils temporels distincts. Entre autres, les gènes codant pour des CAZymes semblent préférentiellement activés au cours de la transition levure-mycélium, ce qui est cohérent avec un processus actif de transformation de la paroi cellulaire et de changement de morphologie. Dans un souci de mise en relation de nos découvertes avec les connaissances développées chez d’autres espèces dimorphiques, nous avons ici choisi de vérifier le niveau d’expression de certains gènes que nous avons identifiés comme homologues de gènes appartenant à la voie MAPK, AMPc et RIM chez Saccharomyces cerevisiae. Ces trois voies moléculaires sont connues pour être impliquées

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