Dans ce chapitre, nous avons proposé un algorithme de détection des trains de clics
ryth-més d’odontocètes. Étant donnée la grande directivité du système de production des clics
d’odontocètes, nous avons choisi d’utiliser les temps d’arrivée des clics, qui sont invariants
quelle que soit l’orientation de l’animal par rapport à l’hydrophone, plutôt que leurs
proprié-tés acoustiques. Nous avons utilisé le fait que les clics d’odontocètes soient émis en train, et
que les valeurs consécutives des ICI suivent une loi déterministe, pour mettre au point un
algorithme d’analyse du rythme permettant de détecter ces trains de clics.
Après une étude bibliographique des méthodes existantes, dans le domaine de la
bioacous-tique d’une part, et dans d’autres domaines du traitement du signal d’autre part, nous avons
décidé de nous focaliser sur des méthodes utilisant l’autocorrélation. Nous nous sommes
parti-culièrement intéressés à une fonction d’autocorrélation complexe, qui permet de trouver l’ICI
fondamental des trains de clics, tout en supprimant l’influence des harmoniques supérieures.
En calculant cette fonction dans une fenêtre court-terme, glissant le long du signal, nous avons
construit une carte temps-ICI similaire aux traditionnelles représentations temps-fréquence.
En appliquant un seuil approprié sur cettecarte temps-ICI, nous sommes parvenus à détecter
les trains de clics entrelacés dans le signal. Ces détections doivent permettre de décider de la
présence ou de l’absence de trains rythmés, mais également d’indiquer les temps de début et
de fin des trains, les valeurs des ICI générés et leur évolution au cours du temps, et enfin, le
nombre d’animaux ayant émis simultanément. Notre contribution à cette méthode, a été de
l’adapter à la détection des odontocètes, notamment en choisissant les paramètres adéquats.
Une étude analytique des conditions de détectabilité des trains de clics, nous a permis
de montrer que la méthode proposée était compatible avec les propriétés des trains générés
dans la nature par les odontocètes. Les résultats obtenus sur des données simulées et des
données réelles annotées, ont permis de valider la méthode. En revanche, nous avons vu ses
limites lors de son insertion dans une chaîne de traitement totalement automatique. Malgré la
modification que nous avons réalisée sur l’algorithme initial pour limiter la présence de fausses
alarmes, nous avons mis en évidence que la seule utilisation des TOA ne permettait pas de
détecter correctement les trains d’odontocètes dans les milieux où le bruit de fond est fortement
impulsionnel. L’apport d’informations supplémentaires pour quantifier la ressemblance entre
les clics semble donc nécessaire.
Dans la suite du manuscrit, nous allons explorer de nouvelles méthodes d’analyse des
formes d’onde des signaux impulsionnels sous-marins, et proposer d’autres approches pour
quantifier leurs ressemblances ou leurs directions d’arrivée, avec toujours en toile de fond,
l’objectif de regrouper les clics qui se ressemblent et proviennent d’une même source. Si les
méthodes que nous allons étudier dans les prochains chapitres sont totalement indépendantes
de RACESS, une perspective possible serait de les utiliser conjointement à RACESS pour aider
Représentation et étude des
transitoires par analyse des
récurrences de phases : état de l’art
Sommaire
3.1 Introduction . . . 65 3.2 Construction du RPA . . . 66
3.2.1 Vue d’ensemble de la méthode . . . 66 3.2.2 Étape 1 : l’espace des phases . . . 67 3.2.3 Étape 2 : Matrice des similarités . . . 70 3.2.4 Étape 3 : Seuil de détection des récurrences . . . 73 3.2.5 Quantification des matrices de récurrences . . . 74 3.2.6 Construction du Cross-RPA . . . 74
3.3 Interprétation . . . 76
3.3.1 Représentation RPA de signaux simples . . . 76
3.4 Choix des degrés de liberté . . . 79
3.4.1 L’espace des phases : choix du τ et dum . . . 79 3.4.2 Seuil de détection ε . . . 84
3.5 Conclusions . . . 86
3.1 Introduction
Jusqu’à présent, nous n’avons utilisé que les TOA des clics pour détecter les trains, ce qui
s’est avéré efficace sur plusieurs exemples réels et synthétiques. Cependant cette approche a
aussi montré ses limites dans un contexte où le bruit est fortement impulsionnel. L’apport de
paramètres supplémentaires, tels que la cohérence des directions d’arrivée des clics d’un même
train ou la ressemblance de leurs formes d’onde, s’avère donc nécessaire.
Dans la suite du manuscrit, nous allons donc nous intéresser aux signaux bruts reçus par
l’hydrophone, et non aux TOA comme pour RACESS, et zoomer sur les formes d’onde des
clics pour proposer des outils de détection, localisation et caractérisation.
Dans le chapitre 1, nous avons vu que les clics d’ondotocètes sont très courts et présentent
très peu d’oscillations. Les outils traditionnels de traitement du signal comme la transformée
de Fourier et la transformée temps-échelle, sont donc peu adaptés à ce type de signaux.
Dans les prochains chapitres, nous allons donc explorer le potentiel d’une méthode alternative
d’analyse non-linéaire des signaux, appelée analyse des récurrences de phases ou Recurrence
Plot Analysis en anglais (RPA).
L’analyse des récurrences de phases a initialement été utilisée par les physiciens pour
étudier des systèmes dynamiques non-linéaires [Eckmann87], avant de trouver une utilité
dans des applications concrètes touchant de nombreux domaines comme la bio-ingénierie,
avec par exemple l’étude des variabilités du rythme cardiaque et la détection de
mala-dies cardiaques (arythmie) [Zbilut90, Zbilut02a, Marwan02b], la séparation des rythmes
car-diaques d’une mère et de son fœtus [Hurezeanu13], ou encore l’étude des électromyogrammes
pour la détection des myopathies et neuropathies [Filligoi10, Sultornsanee11], la géologie
[Marwan02a], la musique [Serrà09], la climatologie [Marwan03b, Frey12] et le traitement du
signal [Birleanu11, Birleanu12b, Serbanescu13]. Cette méthode, trouvant sa genèse dans le
théorème de Poincaré, utilise le fait que certains systèmes retournent, après un temps
suffi-samment long mais fini, dans un état proche de leur état initial [Poincaré90]. Bien que les
formes d’ondes des clics d’odontocètes varient en fonction de leur orientation, des similitudes
existent d’un clic à l’autre, et également à l’intérieur du clic lui-même, laissant penser que cette
notion de récurrence peut, elle aussi, s’appliquer sur ces signaux transitoires sous-marins.
L’objectif de ce chapitre est, dans un premier lieu, de fournir les bases théoriques et
pra-tiques de cette méthode RPA, avant de l’utiliser à des fins de détection, localisation et
classi-fication dans les chapitres suivants (4 et 5). Aussi, la première partie de ce chapitre 3 présente
les étapes menant du signal brut à la construction de la représentation RPA. Nous verrons que
le RPA permet une analyse mono-capteur, mais également la comparaison de signaux issus de
deux capteurs.
Dans la seconde partie de ce chapitre, nous expliquerons comment s’interprète l’image
binaire obtenue à l’issue de cette transformation RPA. Pour cela, nous utiliserons quelques
signaux simples, tels que des cosinus et des chirps, afin de comprendre le lien entre la forme
d’onde du signal et la représentation obtenue.
Enfin, dans une dernière partie, l’influence des degrés de liberté propres à cette méthode
et le choix de leurs valeurs seront discutés : i) à travers une revue de la bibliographie existante
sur le sujet, ii) par l’utilisation de données simulées et réelles.
Dans le document
Détection, localisation, caractérisation de transitoires acoustiques sous-marins
(Page 74-77)