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1. Introduction

Ce premier chapitre est consacré aux implications cognitives qui existent dans le vieillissement. Nous proposons un état de l’art transversal étant donné les nombreuses disciplines qui s’intéressent à cette étape de la vie.

L’objet de notre première section sera d’introduire les perspectives sociodémographiques pour faire ensuite la revue des composantes neuroanatomiques et cognitives qui caractérisent le vieillissement.

La deuxième section développera ce qui définit le trouble cognitif léger qui apparaît dans la sénescence, pour en documenter par la suite les limites normatives. En effet, il s’agit d’un profil dynamique et complexe qui ne fait pas consensus dans la recherche et dans la clinique. Dans ce contexte, il conviendra d’aborder ces processus évolutifs hétérogènes entre les personnes présentant un trouble cognitif léger. Cette variabilité interindividuelle a résolument engagé les chercheurs à se rapprocher d’un nouveau paradigme du vieillissement sous la forme d’un continuum en employant également une méthodologie d’analyse spécifiquement longitudinale et transdisciplinaire.

Depuis les années 1980, l’approche biomédicale a décrit les déclins multiples liés au processus de vieillissement. Cependant des études plus récentes revendiquent une forme d’adaptation que mettrait en place le cerveau pour les limiter sur le plan fonctionnel. Ce propos fera l’objet de notre troisième section où nous décrirons l’influence de la plasticité cérébrale et des réserves cérébrale et cognitive. Ce changement de paradigme a conduit à développer des approches méthodologiques plus rigoureuses afin de décrire le continuum entre le vieillissement normal et le vieillissement pathologique.

Enfin, l’objet de la dernière section portera sur la description des phénomènes de compensations et d’adaptations qui se structurent tout au long de la vie. Nous verrons qu’un environnement propice et accueillant favorise les adaptations cognitives et fonctionnelles que la personne âgée peut mettre en place même en situation de trouble cognitif léger.

Approches biopsychosociales et cognitives du vieillissement

D’un point de vue démographique, il est nécessaire d’avoir des prédicteurs sur l’évolution de la population mondiale et les tendances qu’elle affichera dans l’avenir. Cette section est constituée de deux thèmes incontournables à savoir ce qui définit la vieillesse, dans un contexte sociétal faisant face

à l’imminence du vieillissement des populations mondiales d’ici 2050 ; et une documentation sur l’évolution cérébrale et cognitive naturelle durant la prise d’âge. Dans un premier temps, les perspectives sociales et démographiques (Sections 2.1. et 2.2.) sont abordées et dans un second temps, nous développons l’état de l’art sur les composantes neuroanatomiques et cognitives du vieillissement (Sections 2.3. et 2.4.).

Définition de la vieillesse et du vieillissement

Le vieillissement est complexe, multifactoriel et correspond à l’ensemble des processus physiologiques et psychologiques qui modifient la structure et les fonctions de l’organisme à partir de l’âge dit mûr aux environs de 50 ans (Büla, Leuba, & Schenk, 2013). Il est la résultante des effets de facteurs génétiques (vieillissement intrinsèque) et environnementaux auxquels a été soumis l’organisme tout au long de sa vie. La définition de ce processus (Caradec, 2008) s’articule autour des trois perspectives suivantes : l’âge social, l’âge biologique et l’âge psychologique.

L’âge social de la vieillesse correspond, dans nos sociétés occidentales à celui de la retraite, situé en général aux environs de 65 ans selon les pays. C’est également le critère retenu par l’Organisme Mondial de la Santé. Cette norme a été établie dans les années de l’après-guerre et correspondait à un état de fragilité (physique notamment). Aujourd’hui la baisse de la mortalité infantile, les progrès de la médecine et l’amélioration de la qualité de la vie ont repoussé le marqueur d’entrée dans la vieillesse (Foucart, 2003).

L’âge biologique, est fixé par le vieillissement de l’organisme et des fonctions physiologiques. En intégrant les résultats de 469 études portant sur un total de plus de 50 000 sujets, les médecins Sehl et Yates (2001) ont conclu à un déclin généralisé pour toutes les variables étudiées (âge, niveau socio-culturel, sexe, antécédents médicaux) entre 30 et 70 ans. Ce déclin est régulier, le plus souvent linéaire, variable selon les fonctions étudiées, avec une valeur médiane de 0,5 % par année. Cependant, le caractère différentiel intra-individuel et interindividuel du vieillissement implique un âge pluriel qui rend une estimation normative complexe. Par ailleurs, au regard des écrits sur ce sujet (Dujardin & Lemaire, 2008), cet âge est repoussé autour de 75 ans. Effectivement, il s’agit d’un tournant

physiologique où l’individu nécessite des besoins matériels, médicamenteux et humains spécifiques et réguliers. C’est dans cette période de la vie que nous inscrivons cette thèse.

Enfin la perception personnelle du vieillissement est très variable d’un individu à l’autre. Nous en venons à la troisième perspective dont il faut tenir compte dès lors qu’on souhaite caractériser un âge d’entrée dans cette étape de la vie : L’âge psychologique. Ce dernier va dépendre de la conscience de vieillir ou du sentiment d’être vieux, de l’individu. C’est une caractéristique très personnelle mais influencée par l’environnement (Section 5.3.) qui contribue ou non à un vieillissement réussi (Successful

Aging, Rowe & Kahn, 1987).Cette impression est discontinue et souvent liée à des facteurs

circonstanciels ou contextuels, comme la survenue de pertes (atteintes de la santé physique ou psychique, deuils de proches, abandon de certains rôles sociaux) ou l’image réfléchie par l’environnement social souvent dévalorisant (Caradec, 2008).

Deux déterminants nourrissent la problématique définitoire du vieillissement. Tout d’abord la polysémie que revêtent les termes de normalité et de pathologie qui impactent les représentations sociales que nous pouvons faire sur le vieillissement (Christen-Gueissaz, 2013 dans Büla et al., 2013). Ensuite, ces projections ont agi et agissent encore dans la recherche sur le vieillissement humain. A titre d’exemple, les modèles psychologiques du développement adulte, alors qu’ils tendent à mettre en évidence une évolution de la personne sur l’ensemble du cycle de vie, se sont focalisés dans les années 1980 à des tranches d’âges délimitées arbitrairement (Büla et al., 2013).

A cette première difficulté s’ajoute une autre : celle de délimiter ce qui relève du processus normal de sénescence et ce qui renvoie au vieillissement pathologique, et ce d’autant plus dans le registre cognitif et psychosocial. Ce qui conduit, comme nous le verrons plus loin dans ce chapitre, à envisager ce processus à travers un continuum. Il n’est dès lors guère surprenant que les tentatives de rendre compte du vieillissement cognitif normal et pathologique soient complexes

Données sur le vieillissement démographique : conséquences sociétales et sanitaires

La conjoncture sociale et démographique, toutes régions du monde confondues, et ce depuis le début du 20e siècle, tend clairement vers un vieillissement global. A l’échelle mondiale tout d’abord, les projections révèlent que les personnes âgées de plus de 65 ans seront plus d’un milliard et demi en

2050 (15,6 %). Parmi elles, les personnes âgées de plus de 80 ans, période considérée comme le Grand-Âge, représenteront 4,1% de la population, soit 380 millions. Dans ce contexte, il est important de noter que l’évolution de la proportion de personnes âgées de 1950 à l’horizon 2050 (Figure 1) est un phénomène pour lequel il existe des disparités à travers les différentes régions du monde.

Figure 1 : Projections graphiques internationales de l’évolution de la proportion des personnes âgées de plus de 65 ans de 1950 à 2050 (tirée de Lemaire & Bherer, 2005: 19).Depuis les années 1990, l’Europe a vu sa société changer en profondeur même si tous les pays ne sont pas confrontés à la problématique du vieillissement de manière équivalente. L’Europe du Nord a été la première touchée avant de voir très vite un accroissement dans les pays du Sud. En 2016, plus de 19,2 % des Européens (UE28) étaient âgés de 65 ans ou plus. Pour le cas de la France, qui se situe au quatorzième rang de ce classement des 28 pays européens, les résultats révèlent un rythme de croissance légèrement moins rapide que ses voisins avec une augmentation de 13,9 % en 1990 à 18,8 % en 2016.

Le vieillissement de la population est attribué à deux facteurs essentiels. Le premier concerne l’augmentation de la durée de la vie c’est-à-dire la longévité d’un être humain qui est corrélée à son environnement et à sa qualité de vie (accès aux soins et à l’hygiène, alimentation disponible et équilibrée, diminution de la mortalité infantile, conditions de vie améliorées, évolution des sciences et des technologies adaptatives). La diminution du taux de fertilité est le deuxième facteur important du vieillissement des populations. Cet indice de fécondité correspond au nombre moyen d’enfants nés vivants qu’une femme en âge de procréer peut mettre au monde. Ainsi, une petite fille qui naît en France en 2017, pourra espérer vivre environ 84 ans et 77 ans pour un petit garçon. En 2050, le seuil des 70 millions d’habitants (Toulemon & Robert-Bobée, 2006) sera atteint. Cette augmentation portera uniquement sur les âges avancés : en 2050 une personne sur trois aura 60 ans ou plus.

Figure 2 : Risques de décès de la cohorte de femmes italiennes nées en 1904 sur une échelle logarithmique. Les intervalles de confiance sont dérivés de la mortalité humaine. Provenance de ces bases de données : Base de données statistiques HMD pour les personnes âgées allant jusqu’à 105 ans et base de données statistiques ISTAT pour les personnes de plus de 105 ans. (A) Focus sur un intervalle de confiance de 95 % basés sur les données provenant d’une seule cohorte. (B) vue générale avec un plateau estimé au-delà de 105 ans (ligne pointillée noire) et des bandes indices de confiance estimées à 95 % (en orange) prédites à partir des données ISTAT., avec une prédiction linéaire (en noire) de l’ajustement d’un modèle de Gompertz à 65 à 80 ans.

La très récente étude épidémiologique italienne de Barbi, Lagona, Marsili, Vaupel, & Wachter, 2018:

The plateau of Human mortality : Demography of longevity pioneers publiée dans la revue Science le 29

juin 2018 (Figure 2), attire notre attention sur un phénomène unique dans l’histoire de l’humanité. Sur la base d’une cohorte de 3 836 cas d’italiens ayant dépassés l’âge de 80 ans, l’équipe de chercheurs a

relevé qu’à partir de 90 ans une stabilisation de la mortalité des aînés survient jusqu’à franchir un seuil-plateau aux alentours de105 ans. A cet âge les personnes âgées sont dans un équilibre vie/mort équivalent et ce malgré leur fragilité.

Quand bien même pouvons-nous nous réjouir de cette amélioration objective de la qualité de la vie humaine, cette augmentation de la population de personnes âgées induit l’anticipation des maladies chroniques qui en résulteront. Parmi ces affections, les maladies neurodégénératives occuperont une place majeure (infrastructures, retraites, santé publique, technologies etc.). Pour l’exemple de la France, le rapport de dépendance démographique et les résultats des nouvelles projections démographiques développées par l’INSEE (2017) présentent des mesures et contraintes économiques que la société française devra adopter en urgence en vue de préparer l’accompagnement de ces personnes de plus de 75 ans. L’espérance de vie n’entraîne pas nécessairement une augmentation de la longévité en bonne santé.

Les recherches dans le domaine du vieillissement, se donnent couramment pour objectif de comprendre comment évoluent les ressources physiologiques, intellectuelles sociales avec l’âge au cours de la vie adulte. Dans le cadre de la cognition, les auteurs en sciences cognitives, en biologie et neurosciences (Lemaire & Bherer, 2005 ; Salthouse, 2010 ; Craik & Salthouse, 2011; Rabbitt, 2014; Lemaire, 2015) s’accordent à dire qu’un changement significatif survient sous l’effet du vieillissement dit normal (i.e., chez toute personne non atteinte de démence ou autre pathologie neurodégénérative liée à l’âge) ou du vieillissement dit pathologique (i.e., en cas de maladie). Comme on peut l’imaginer, ces modifications affectent les compétences langagières et communicationnelles (i.e. Chapitres 2 et 3). Dans ces descriptions, ce sont notamment les éléments anatomiques et les mécanismes cognitifs dans l’organisation des informations qu’ils entraînent, qui présentent le déclin le plus précoce.

Neuroanatomie du vieillissement cérébral normal

Le cerveau est un organe central pour de nombreuses espèces vivantes. L’encéphale humain se caractérise par des fonctions supérieures très spécifiques qui l’on conduit au fil des millénaires d’évolution à développer des habiletés cognitives très complexes comme le langage articulé. De plus, sa structure est extrêmement hétérogène car il est organisé en zones (en lobes), noyaux, circuits et connexions dont la vulnérabilité diffère à l’épreuve du vieillissement (Bear, Connors, Paradiso, &

Nieoullon, 2016). Concrètement, le vieillissement cérébral commence insidieusement à partir de la cinquième décennie chez l’homme. Dans l’ensemble, la plasticité neuronale diminue progressivement avec l’âge, pour s’effondrer vraisemblablement dans le très grand âge (à partir de 80 ans).

1.3.1. Changements anatomiques et descriptions macroscopiques

Le cortex cérébral désigne la substance grise périphérique des hémisphères cérébraux. Il abrite différentes classes de neurones, d’interneurones et de cellules gliales (assurant le maintien de l’homéostasie et la protection générale du tissu nerveux). Le cerveau peut être divisé en deux grandes parties : le cortex et les structures sous-corticales. Selon des critères cytoarchitectoniques (nombre de couches, type de neurones), le cortex comprend quatre grandes aires appelées lobes. Il y a :

• le lobe frontal qui intervient essentiellement dans la planification, la coordination et le langage,

• le lobe temporal qui coordonne le traitement auditif et intègre les zones affectées à la compréhension du langage,

• le lobe pariétal qui assure diverses fonctions comme l’intégration sensorielle et certains traitements symboliques (e.g., cognition mathématique, graphisme, spatialité),

• le lobe occipital qui intervient dans le traitement visuel.

La zone sous-corticale qualifie les régions du cerveau situées anatomiquement en-dessous de la couche de cortex cérébral. Cette zone comprend des structures aussi importantes que le système limbique (contenant les gyrus cingulaire, dentatus, et parahippocampique, le cortex enthorinal, l’hypothalamus, les noyaux thalamiques antérieurs, l’amygdale, l’hippocampe et la substance noire), dédié à l’apprentissage et à la mémoire ainsi qu’aux comportements émotionnels, et les ganglions de la base (globus pallidus, noyaux caudés et putamen) jouant un rôle clé dans le contrôle du mouvement. Des modifications anatomiques au cours du vieillissement ont été objectivées dans ces deux superstructures (Raz, 2000).

La modification la plus notable au cours du vieillissement normal est l’atrophie discrète du cortex. Duyckaerts, Godefroy, & Hauw (1994) et Raz (2000) ont relevé que certaines aires de la formation hippocampique, du néocortex associatif préfrontal et temporal, du cervelet et de certains noyaux du

tronc cérébral, notamment des nerfs crâniens étaient les principaux touchés par cette atrophie. Ce sont particulièrement les cellules pyramidales de grande taille dans le néocortex et qui sont engagées dans la dégénérescence neurofibrillaire.

Selon Arends, Duyckaerts, Rozemuller, Eikelenboom, & Hauw (2000) dans Lemaire et Behrer, 2005, le poids du cerveau diminue régulièrement particulièrement après 40 ans. Cette perte peut atteindre 300 grammes au cours de la vie en moyenne (soit 15 à 25 % du poids normal du cerveau adulte) mais ces chiffres restent à relativiser car selon certaines études, ils ont été surestimés par erreur de cohorte. Miller & Corsellis (1977) ont démontré qu’il existait une croissance séculaire du poids moyen du cerveau dans les pays considérés comme développés en même temps que la taille des individus a augmenté. Dès 1978, Dekaban & Sadowsky évoquaient une diminution tardive et plus discrète au cours du vieillissement de l’ordre de 2% à partir de la cinquième décennie.

L’atrophie cérébrale s’explique en partie par la destruction des cellules neuronales et de certains axones. Il s’agit d’un processus naturel, programmé dans le code génétique de chaque cellule, appelé mort neuronale (ou apoptose). Cette apoptose (Fadeel & Orrenius, 2005) se caractérise morphologiquement par la condensation du noyau et du cytoplasme de la cellule, et leur fragmentation en plusieurs éléments qui sont phagocytés sans signe inflammatoire. En 1993, l’étude sur coupes microscopiques décrite par West (1993) au cours du vieillissement normal, relatait une perte neuronale pouvant atteindre 52 % du nombre de neurones dans le subiculum, l’une des subdivisions de l’hippocampe. Pakkenberg & Gundersen (1997) relatent dans leur étude une perte de 10% du nombre total des neurones corticaux sur une période de 70 ans (Pakkenberg & Gundersen, 1997) auprès de 94 participants âgés supposés normaux.

Là encore, l’hétérogénéité prédomine dans ces études anatomo-pathologiques. Toutes les zones corticales et sous-corticales ne sont pas affectées de manière équilibrée par les pertes neuronales au cours du vieillissement. Raz (2000) ainsi que Lemaire et Behrer (2015) relèvent une mort des neurones plus importante dans le lobe frontal notamment dans le gyrus précentral avec une baisse du volume de l'ensemble des neurones affectés à cette région de peu plus de 1,5 % tous les 2 ans.

Le gyrus temporal supérieur situé dans le lobe temporal et le lobe occipital voient également leurs neurones diminuer drastiquement de 0.28 % par an. Les structures sous-corticales subissent elles-aussi

des pertes de 3 à 9 % par décennie, de leurs cellules pyramidales et granulaires particulièrement au niveau de l’hippocampe et de l’amygdale.

Outre la perte des neurones avec l'âge, le vieillissement entraîne aussi une diminution de l’arborisation dendritique. Les dendrites sont les fibres qui assurent la transmission de l'information des autres neurones au noyau cellulaire. Ainsi, l’arborisation dendritique d'un individu de plus de 60 ans est inférieure d'environ 20 % par comparaison à celle d'un individu plus jeune. Cette diminution est très importante dans l'hippocampe, centre de la mémoire.

D’autres études (Byrne et al., 2014; O’Leary, Williams, Franci, & Marder, 2014) remettent en cause ces conclusions et affirment que, malgré la perte dendritique et synaptique la plasticité cérébrale est encore possible dans le vieillissement physiologique, , et ce grâce à des phénomènes compensatoires qui s’équilibrent entre des processus à la fois de régénération dendritique et d’augmentation de la taille des synapses, permettant de conserver dans une large mesure les réseaux de connexions (Plus loin dans la Section 4.1.).

1.3.2. Changements physiologiques, point de vue microscopique

Le dysfonctionnement des neuromédiateurs, molécules chargées électriquement, qui assurent la communication entre les neurones en se fixant sur des récepteurs postsynaptiques, est le principal responsable de ces changements microscopiques. D’autant qu’il s’agit de molécules complexes et protéiformes selon le neurone qui les fabrique. En général, chaque neurone produit un ou deux neuromédiateurs. C’est la phase de synthèse de ces neuromédiateurs dans certaines régions cérébrales qui dysfonctionne. La détérioration avec l’âge du système cholinergique et glutamatergique va entraîner une réduction de l'acétylcholine transférase. La diminution en glutamate d'environ 50 % après 40 ou 50 ans va considérablement gêner la vitesse de traitement au sein de l’hippocampe (foyer de la mémoire) et du lobe frontal (un des foyers de l’attention et du langage). Ces changements physiologiques sont liés aux changements cognitifs et vont s’influencer l’un et l’autre (MacRae, Spirduso, & Wilcox, 1988). Certains travaux (Bäckman et al., 1987) suggèrent que, dans le cortex préfrontal la dopamine qui module notre capacité à maintenir notre attention, manque et de ce fait, génère des difficultés attentionnelles très nettes à partir de 75 ans. La diminution de la densité des récepteurs de la dopamine est directement corrélée à cette augmentation du temps de réaction.

Dans ce contexte neuropathologique, deux autres lésions, les dégénérescences neurofibrillaires (qui évoluent à l’intérieur des neurones) et les plaques amyloïdes (localisées entre les neurones) sont fortement mises en cause. Ces deux foyers lésionnels sont des amas de protéines qui s’établissent lors du processus normal de vieillissement.

Ceux-ci participent à la caractérisation de la maladie d’Alzheimer (MA) lors des examens consacrés à son diagnostic même s’ils sont également constatés chez des individus âgés qui paraissent intellectuellement indemnes (nous développerons cet aspect dans la prochaine section).

Les plaques amyloïdes, ou plaques séniles, furent les premières décrites dans la littérature. Très schématiquement, il s’agit de petits dépôts denses d'une protéine, la bêta-amyloïde. Celle-ci est chimiquement adhésive et s’agrège progressivement pour former les plaques. La bêta-amyloïde provient d’une protéine plus grosse présente dans la membrane entourant les cellules nerveuses saines. La dégénérescence neurofibrillaire, quant à elle, rentre en action à travers le dysfonctionnement de la protéine Tau à l’intérieur de la cellule neuronale elle-même. Le mécanisme d’enchevêtrement que son affection occasionne provoque la mort de l’axone et du neurone qui ne sont plus ravitaillés habituellement par l’intermédiaire des microtubules (Delacourte & Buee, 2000). La communication avec les neurones suivants dans le circuit s’en trouve diminuée, puis complètement coupée quand le neurone entier dégénère. A la lumière de cette documentation apportée par la biologie et les neurosciences, sur les incidences neuropathologiques (modifications morphologiques et métaboliques) du vieillissement, on peut imaginer que des changements cognitifs s’opèrent en cascade notamment

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