Chapitre II. Caractérisation expérimentale des alliages AlZrSc 39
II.3 Conclusions 58
Le couplage des expériences de diffusion centrale in-situ et ex-situ avec les
ob-servations en microscopie électronique sur le système AlZrSc a permis de mettre en
évidence le rôle des effets cinétiques sur la morphologie des précipités et de
quanti-fier les cinétiques de précipitation dans diverses conditions expérimentales. Les
pre-miers germes de phase L1
2se forment durant la montée en température et ne sont
constitués que de scandium. Lorsque la diffusion du zirconium devient sensible, les
précipités de scandium ont déjà atteint une taille relativement importante. Le système
favorise alors l’absorption du zirconium par les gros précipités plutôt que la création
de nouveaux germes riches en zirconium. Une coquille mixte Al
3(Zr,Sc) se forme
alors progressivement autour des précipités dont l’effet va considérablement ralentir
la coalescence, les atomes de scandium étant en quelque sorte emprisonnés au
centre. L’épaisseur de cette coquille ainsi que la quantité de zirconium qu’elle
contient dépendent pour beaucoup des conditions expérimentales : plus la vitesse de
montée en température et la température de recuit sont élevées, plus la fraction
pré-cipitée de zirconium absolue et relative est faible.
L’ajout de silicium permet d’obtenir une densité de précipités encore plus élevée et
diminue sensiblement le rayon moyen des particules sans pour autant atténuer l’effet
de coquille. L’incertitude subsiste cependant sur l’origine de cette influence et il n’est
pas possible d’affirmer s’il s’agit d’un effet majoritairement thermodynamique,
cinéti-que ou mixte.
Chapitre III. La dynamique d’amas :
fondements et mise en œuvre
La dynamique d’amas est l’application au problème de la précipitation
dans les matériaux d’une technique que nous pourrions appeler la
dy-namique de classes. Cette technique très générale per met de gérer
l’évolution au cours du temps, de la distribution d’un type d’objets
pou-vant changer de classe de taille par échange d’objets élémentaires (ou
composés dans certains cas). Il peut s’agir de la ger mination de
précipi-tés [Golubov et al., 1995; Mathon, 1995; Mathon et al., 1997] ou de
dé-fauts [Hardouin Duparc et al., 2002; Pokor, 2002] dans un matériau sous
irradiation, de gouttelettes d’eau dans de la vapeur [Volmer and Weber,
1926], etc. L’adaptation de cette technique au problème de la
précipita-tion nécessite donc, avant tout, un travail de modélisaprécipita-tion des
coeffi-cients d’échange entre classes ; la résolution numérique n’étant que la
dernière étape du processus.
Après un bref recadrage historique, nous présentons les diverses
hy-pothèses qui permettent d’appliquer la dynamique de classes au cas de
la précipitation dans les alliages binaires. Nous introduisons également le
modèle cinétique de [Waite] ainsi que le modèle ther modynamique du
gaz d’amas qui per mettent de définir les coefficients régissant les
échan-ges entre classes d’amas au sein d’un matériau.
Le calcul de l’énergie libre des amas F
nest d’une importance capitale
car ces énergies déterminent la stabilité relative des amas et vont donc
influencer grandement les cinétiques de précipitation. Nous présentons
les méthodes qui ont été utilisées au cours de ce travail pour évaluer ces
énergies.
Dans une dernière partie, nous replaçons la dynamique d’amas sur
l’échelle des outils de modélisation de la précipitation afin de bien
com-prendre dans quelle mesure elle peut participer à la compréhension et à
la prédiction des phénomènes de précipitation. Une description des outils
de simulation auxquels la dynamique d’amas a été comparée au cours
de ce travail est également effectuée.
III.1 Présentation de la dynamique d’amas
Si la dynamique de classes est une méthode très générale, la dynamique d’amas,
en revanche, est indissociable du gaz d’amas. Ce modèle thermodynamique permet
de décrire la distribution d’une population de fluctuations d’hétérophases au sein
d’une solution solide sous-saturée ou très peu sursaturée.
Dans ce chapitre, le formalisme est adapté à la précipitation dans un alliage
bi-naire d’amas sphériques, à la stoechiométrie figée. Le traitement de l’alliage terbi-naire
AlZrSc fait l’objet d’un paragraphe supplémentaire au chapitre V. Le formalisme
pré-senté reste cependant très général et peut être adapté à d’autres systèmes d’étude :
ternaires, précipités non stoechiométriques, etc.
III.1.1 Bref rappel historique
Le modèle de gaz d’amas a été originalement développé pour décrire la formation
de gouttelettes de liquide dans de la vapeur à l’équilibre thermodynamique ou
sous-saturée. Il consiste à décrire les amas par une ou plusieurs caractéristiques comme
leur taille par exemple, et à calculer leur concentration à partir de la connaissance de
leur énergie libre de formation.
Le gaz d’amas a ensuite été adapté au problème de la précipitation dans les
ma-tériaux. Les auteurs comme [Zeldovich, 1943] ou [Martin, 1978] ont utilisé avec
suc-cès ce formalisme pour rétablir les équations du courant de germination stationnaire
prédit par la théorie classique de la germination. C’est au milieu des années 1970
avec l’avènement des premiers ordinateurs que des éléments de résolution
numéri-que apparaissent sous l’impulsion de [Binder et Stauffer]
1. L’une des premières
véri-tables utilisations de la dynamique d’amas comme outil de simulation numérique est
due à [Kelton et al., 1983] pour traiter des problèmes de solidification.
La dynamique d’amas a ensuite trouvé un nombre conséquent d’applications dans
l’industrie nucléaire, notamment au CEA Saclay sous l’impulsion de G. Martin et d’A.
Barbu : [Mathon, 1995], [Christien and Barbu, 2004] utilisent cette technique pour
simuler des cinétiques de précipitation dans divers alliages fer-cuivre sous irradiation,
[Pokor, 2002] et [Hardouin Duparc et al., 2002] ont, quant à eux, adapté le
forma-lisme de la dynamique de classes pour simuler la croissance de défauts interstitiels
et lacunaires sous irradiation.
Les travaux de [Binder et Stauffer] ne sont pas non plus sans reste outre-Rhin. La
dynamique d’amas est largement utilisée par [Kampmann, Wagner et al.]
1,
notam-ment pour l’étude de la précipitation des composés ordonnés Ni
3Al dans le nickel.
III.1.2 Équations maîtresses
Les particules sont supposées sphériques et la seule propriété permettant de les
distinguer est le nombre d’atomes de soluté ou de molécules élémentaires qu’elles
contiennent. Les échanges de matière sont décrits par un ensemble de réactions
élémentaires entre amas (Eq. III.1).
(n< n'),[ ] [n + n'−n] [ ]↔ n'
∀ (III.1)
Si W
(n n’)est la fréquence d’absorption d’un amas de taille n’-n par un amas de taille
n alors la vitesse nette de ces réactions est donnée par l’équation III.2.
(n< n'),J
n→n'= W
(n→n')C
n−W
(n'→n)C
n'∀ (III.2)
La variation de la quantité d’amas de taille n est la résultante de toutes les réactions
dans laquelle elle intervient (Eq. III.3).
( ) ( )
[ ]
∞ = → →−
=
∂
∂
≥
∀
1 ' n n ' n n ' n n ' n nW C W C
t
C
,
1
n (III.3)
1 [Kampmann, Wagner
et al.
] : [Kampmann et al., 1992; Staron et al., 1997; Staron and Kampmann, 2000a, b]Dans le cas de la précipitation, il n’existe pas de terme supplémentaire de puits ou de
sources liés à la création ou la disparition de soluté. Lorsque les amas de taille
supé-rieure à 1 peuvent être considérés comme immobiles, les échanges de soluté ne
s’effectuent que par l’intermédiaire des monomères et les équations III.3 se
simpli-fient (Eq. III.4a et III.4b).
(
n n)
n n 1 n 1 1 n 1 n nC C C
t
C
,
2
n = β
− −− α +β +α
+ +∂
∂
≥
∀ (III.4a)
[ ]
∞ = + +−β +α −β
α
=
∂
∂
1 n 1 1 2 2 n n 1 n 1 n 1C C C C
t
C
(III.4b)
n
=W
(n n+1)est le coefficient d’absorption d’un atome de soluté par un n-mère et
n
=W
(n n-1)le coefficient d’émission d’un atome de soluté par un n-mère. La variation
de la quantité de monomères est la résultante de l’émission ou l’absorption de soluté
par l’ensemble des n-mères (Eq. III.4b). Il existe beaucoup de cas pour lesquels la
diffusion des petits n-mères doit être prise en compte : [Soisson and Martin, 2000]
ont montré que, pour certains jeux d’interactions entre les atomes de soluté et les
lacunes, les dimères pouvaient avoir une mobilité supérieure à celle des monomères.
La résolution numérique du système d’équations différentielles couplées décrivant
les échanges de soluté entre classes (Eq. III.3 ou III.4) permet de connaître
l’évolution au cours du temps de la distribution d’amas.
III.1.3 Du soluté et des classes
Nous définissons les classes comme des n-mères, c'est-à-dire à l’aide du nombre
de molécules élémentaires ou monomères qu’elles contiennent. Le monomère est,
quant à lui, défini comme une espèce formelle contenant un atome de soluté et un
complément d’atomes de solvant de manière à respecter la stœchiométrie de la
phase précipitée macroscopique. Dans le cas de la précipitation du cuivre pur dans
le fer, le monomère est l’atome de cuivre. Dans le cas de la précipitation d’une phase
L1
2dans l’aluminium, le monomère est la molécule formée d’un atome de soluté et
repré-sentés par la classe n°1 qui a donc la particularité d’être la seule à ne pas respecter
la stoechiométrie de la phase précipitée. En réalité, les amas n’atteignent une
stoe-chiométrie Al
3X que pour des tailles relativement importantes. Un dimère de phase
L1
2, par exemple, est entouré de 22 atomes d’aluminium en premiers voisins et 10
atomes d’aluminium en seconds voisins.
Pour l’alliage ternaire AlZrSc étudié dans le chapitre V, les amas sont définis par
deux indices : les nombres d’atomes de zirconium et de scandium qu’ils contiennent.
L’espace des amas est alors à deux dimensions mais peut, plus généralement, être
constitué d’autant de dimensions nécessaires pour décrire entièrement un amas : on
peut imaginer des classes de formes d’amas différentes (sphériques, cylindriques,
etc.), des classes de structures cristallographiques (cuivre cc, cuivre cfc), etc.
Toute-fois, chaque dimension supplémentaire implique la connaissance de jeux de
coeffi-cients d’échange supplémentaires, donc une théorie plus complexe et bien
évidem-ment des calculs numériques plus lourds.
Dans le document
Etude de la précipitation en dynamique d'amas dans les alliages d'aluminium et dans les aciers
(Page 79-84)