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Chapitre I. La santé des salariés dans l’histoire et la littérature économique

V. Conclusion

Nous avons envisagé la santé comme un capital, et donc comme une source d’investissement. Ces investissements s’avèrent profiter aux individus, à la société, mais aussi aux entreprises. A l’instar de Becker, nous nous posons donc la question de la juste contribution des entreprises à ce capital santé.

Les entreprises participent à la couverture santé (mais aussi prévoyance) de leurs salariés. De nombreuses et importantes évolutions réglementaires et législatives font actuellement débat dans le monde de l’assurance complémentaire, sommet de notre triangle du système de santé. Pour comprendre les problématiques, nous présentons quelques dispositifs institués par les différents gouvernements.

On rappelle d’abord l’existence du contrat solidaire mis en place en 2002 : un contrat est qualifié de solidaire lorsque le bénéficiaire n'est pas soumis à un questionnaire médical et lorsque les cotisations ne sont pas fixées en fonction de son état de santé. En contrepartie, ces contrats spécifiques bénéficient d'une exonération de la taxe sur les conventions d'assurance (TCA) de 7 %. Dans le même esprit, a été institué à sa suite, en 2006, le contrat responsable.

Le contrat responsable a été mis en place pour favoriser le respect du parcours de soins coordonnés ; le « cahier des charges des contrats responsables » vise à imposer ou à interdire la prise en charge de certaines dépenses de santé, mais également tel qu’il était à sa création, à encourager le financement de mesures de prévention par les complémentaires « santé », qu’elles soient souscrites à titre individuel par les particuliers ou par le biais de contrats collectifs conclus par les employeurs au profit de leur personnel. La conformité à ces différentes exigences conditionne, notamment, le bénéfice de trois séries d’avantages

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fiscaux et sociaux, à savoir : l’application d’un taux réduit de taxe sur les conventions d’assurance (7% au lieu 14%), laquelle est désormais intégrée dans la taxe de solidarité additionnelle ; la déductibilité fiscale du financement par le salarié dans le cadre d’un régime d’entreprise (ou du financement d’un contrat Madelin pour les travailleurs non‐salariés; l’exclusion de l’assiette des cotisations de sécurité sociale réservée au financement patronal des régimes collectifs et obligatoires valablement formalisés dans les entreprises.

Le décret du 18 novembre 2014 ajoute aux conditions des « contrats responsables » des plafonds et planchers de couverture: le décret impose la prise en charge de l’intégralité de la participation de l’assuré conformément aux tarifs définis par l’assurance maladie obligatoire « ticket modérateur », sauf pour certaines prestations de santé tels que les cures thermales, l’homéopathie et les médicaments dont le service médical a été classé comme modéré ou faible. Le forfait journalier hospitalier doit également être pris en charge, sans limitation de durée. L’encadrement des dépassements d’honoraires est établi en distinguant selon que les médecins adhèrent ou non au dispositif du « contrat d’accès aux soins » (CAS). Pour ceux non adhérents, une double limite est prévue correspondant, d’une part, à 100 % du tarif de responsabilité défini par la Sécurité sociale (125% en 2015 et 2016) sans que la prise en charge du dépassement ne puisse excéder, d’autre part, celle accordée pour les médecins adhérents minorée de 20% du tarif de responsabilité. L’objectif poursuivi est de favoriser la prise en charge des dépassements des médecins adhérents au CAS. Ce nouveau contrat responsable prévoit également des limitations de prise en charge en optique (limitations de verres, des montures, renouvellement des équipements optiques tous les deux ans).

Ces évolutions règlementaires répondent, selon nous, à un objectif de soutenabilité, maîtrisant les dépenses, et en particulier les dépassements d’honoraires institués par les différents professionnels de santé. Par ailleurs, il y a également une réponse à l’accès aux soins, objectif d’équité de notre système de santé. Cet objectif d’équité à travers l’accès aux soins, a été renforcé par la généralisation de la complémentaire santé prévue dans la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi.

Avant le premier juin 2013, a eu lieu le début des négociations dans les branches professionnelles afin de mettre en place une couverture complémentaire santé à adhésion

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obligatoire. A compter du premier juillet 2014, dans les entreprises de plus de 50 salariés dont le personnel n’est pas couvert par un régime frais de santé à adhésion obligatoire, l’employeur engage des négociations sur ce thème. A partir du premier janvier 2016, dans les entreprises dont le personnel n’est pas couvert par un régime frais de santé à adhésion obligatoire, l’employeur doit mettre en place une couverture dont la garantie est au moins aussi favorable qu’un panier de soins minimum (prise en charge minimale décrite précédemment dans le contrat responsable). Par ailleurs, et c’est une conséquence financière importante pour les entreprises, l’employeur doit assurer au minimum la moitié du financement de cette couverture. On voit ici l’objectif d’accès aux soins, puisqu’à termes, tous les salariés du secteur privé seront couverts par l’assurance maladie complémentaire.

Qu’en est-il de l’objectif d’efficacité ? L’efficacité, du point de vue de l’Etat régulateur du système de santé, se traduit par une meilleure santé de la population. Qu’en est-il de l’efficacité pour l’entreprise, acteur du financement de la santé des salariés, et par ailleurs, utilisant les salariés en tant que capital humain au service de leur production ?

Nous nous intéressons d’abord à cet aspect des salariés comme capital humain de l’entreprise, et en particulier de leur capital santé, comme investissement pour l’entreprise. Au-delà de cet intérêt des entreprises, à travers l’environnement professionnel et les conditions de travail, c’est la responsabilité des entreprises qui est en jeu concernant la santé des salariés, et sa dégradation possible. Ainsi, les entreprises ont à la fois une responsabilité et un intérêt dans la santé des salariés. Dans cette optique, s’est développé un courant sur la promotion de la santé sur le lieu de travail. Cette promotion de la santé par l’entreprise, au-delà d’une contrainte législative, permet aussi aux entreprises de présenter aux salariés l’investissement dans la santé leur santé comme une « rétribution » (reward). La meilleure santé des salariés doit être pour les entreprises un objectif, et non une contrainte.

Nous avons déjà évoqué la participation (à présent obligatoire) des entreprises à la complémentaire santé. Les entreprises financent donc pour partie les soins de leurs salariés. Se pose alors la question de la pertinence des soins dans le panier de soins minimum, et plus généralement dans les soins couverts. Si le contrat responsable à l’origine, prévoyait des mesures de prévention, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Quelle efficacité des soins couverts ?

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Il faut alors se poser la question de la définition de l’efficacité dans ce contexte, et notamment pour l’entreprise. Nous avons vu que dans la DCS, il y avait également la couverture financière des arrêts maladie. Les entreprises participent à cette couverture, à travers la mensualisation qui permet de maintenir le salaire, pour tout ou partie, du salarié absent, puis par le contrat de prévoyance auquel les entreprises participent également au financement, à l’instar de la complémentaire santé. Ainsi les arrêts maladie ont un réel coût financier pour l’entreprise, au-delà de la perte de production et de tous les autres coûts liés aux absences, et à l’absentéisme.

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